LA NONNE [critique] Sister Act

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La Nonne est le cinquième film d’un ensemble qui a commencé par un film d’horreur « basé sur une histoire vraie », l’excellent Conjuring de James Wan pour finir par constituer avec le succès de sa suite et des deux spin-off consacrés à la poupée Annabelle un véritable univers partagé de l’horreur au succès considérable (presque 1 milliard et demi de recettes pour un investissement total en dessous des 200 millions). Dans cet univers les films de Wan, tous deux excellents tiennent le rôle des films Avengers dans le MCU, tandis que les spin-off consacrés aux créatures emblématiques tiennent celui des films solos. Si le premier film consacré à la poupée Annabelle était assez médiocre sa suite Annabelle 2 : la Création du Mal réalisé par David F. Sandberg (futur réalisateur de Shazam) était bien plus aboutie. Un choix qui n’a rien d’étonnant puisque la Warner a demandé à Walter Hamada producteur des Conjuring de reprendre en main l’univers cinématographique DC Comics justement car il a prouvé son expertise dans la gestion de tels univers. Pour mettre en scène La Nonne Hamada, Wan et le scénariste Gary Dauberman (qui est un peu l’architecte de ces films dérivés puisqu’il a scénarisé les deux Annabelle) ont choisi Corin Hardy qui s’était fait remarquer avec son film d’ eco-horreur Le sanctuaire. Il se voit attribué un beau casting en tete desquels on retrouve Taissa Farmiga (American Horror Story) , la jeune sœur de Vera Farmiga qui incarne Lorraine Warren dans les deux Conjuring et le mexicain Demian Bichir (Les huit Salopards).

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Le film s’ouvre sur un rappel tiré de Conjuring 2 sur la nature du démon Valak dont la forme favorite est la nonne diabolique du titre avant qu’un flashback nous ramène quarante ans plus tôt dans un couvent en Roumanie où deux religieuses pénètrent dans une pièce interdite marqué d’un sinistre avertissement. La plus âgée est aspirée dans les ténèbres, la seconde fuit une présence maléfique qui la traque jusqu’à une fenêtre d’où elle se précipite (avec le plan hommage obligatoire au Narcisse noir de Michael Powell). Son corps est retrouvé en contrebas par Frenchie (Jonas Bloquet) un paysan québécois (oui, oui) qui ravitaille la congrégation. Cette découverte provoque une enquête du Vatican qui dépêche sur place le père Burke (Demian Bichir) à qui il adjoint une jeune novice Iréne (Taissa Farmiga) dotée de visions. Une fois sur place, guidés par notre québécois (oui, oui) jusqu’ au couvent, ils sont accueillis par une sinistre mère supérieure échappée d’un film de Dario Argento. Passé cette introduction le film se réfugie dans le cadre ultra-balisé du film de maison hanté où notre duo sera assailli d’apparitions qui se succèdent mécaniquement comme dans un train fantôme, jusqu’à la conclusion du film au bout de l’heure et demie réglementaire abandonnant tout développement d’une intrigue ou des personnages. Du point de vue narratif le film tourne en rond avec ses deux protagonistes se promenant dans des églises et des sous-sols, trébuchant dans l’obscurité jusqu’à ce que la solution se présente à eux. Les personnages ne vont pas au-delà d’archétypes vu et revus, Burke est évidemment un exorciste chevronné sur le modèle du père Merrin de l’Exorciste de Friedkin -chapeau à large bord inclus – hanté par l’exorcisme d’un jeune garçon durant la guerre qui reviendra le hanter littéralement (évidemment vous aurez droit à la scène où le petit possédé court en ricanant au quatre coins de l’écran avant de surgir brutalement). La novice est une extra-lucide dont la foi chancelante sera éprouvée par les événements, Frenchie tenant lieu de sidekick comique que Jonas Bloquet incarne en semblant s’inspirer du jeu de Brendan Fraser à l’heure de sa gloire. Parce qu’il y a si peu de personnages et que leurs interactions sont limitées, ils sont quasiment séparés durant tout le film et il est difficile de s’investir dans leur sort et de vraiment trembler pour eux. Il n’y a presque aucun investissement dans les va-et-vient qui surviennent au milieu du film. La plupart des scènes d’épouvante reposent sur un recours massif aux « »jumpscares » augmenté par un sound-design assourdissant, noyé sous l’ avalanche de chœurs effrayants du polonais Abel Korzeniowski. Elles recyclent pour la plupart des séquences prélevées, façon Frankenstein, sur des classiques de l’horreur où La Nonne (toujours incarnée par Bonnie Aarons) tient la fonction dévolue jadis à Jason Voorhees ou Freddy Krueger.

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Malgré ces défauts tout tout n’est pas à jeter dans La Nonne, tout d’abord parce que Corin Hardy tire partie du tournage en Roumanie pour installer une belle atmosphère gothique et rendre un hommage direct aux classiques de la Hammer en particulier au Cauchemar de Dracula de Terence Fischer de 1958, les événements se déroulent en 1952, mais on pourrait être à l’ère victorienne, l’arrivée des héros au couvent rappelle celle de Jonathan Harker au château de Dracula. Le personnage du père Burke (Demian Bichir) tient autant du Van Helsing de Peter Cushing que du père Merrin du film de Friedkin. On y retrouve même par Frenchie l’emploi du gros fusil de chasse, une des armes favorites des chasseurs de goules de la Hammer. Si il roule des yeux face à la facilité du film quand le film cite Conjuring 2 avec ces croix qui se retournent et un quasi-remake des scènes dans le sous-sol inondé, l’amateur de fantastique sera ravi par un hommage au méconnu L’Emprise des ténèbres (The Serpent and the Rainbow) de Wes Craven avec une belle séquence d’enterré vivant avec démon vomissant un serpent. Hardy et son directeur de la photographie belge, Maxime Alexandre (collaborateur régulier d’Alexandre Aja et de David Sandberg) dont nous avons apprécié l’image minérale et brumeuse, tire partie de l’iconographie religieuse pour composer des séquences graphiquement réussies comme l’émergence du démon au moyen-age avec ses chevaliers templiers ou les apparitions des religieuses fantômes. Le final retombe dans le schéma classique des Conjuring et rattache l’ensemble à la saga de manière grossière (même si nous avouons avoir souri).

Conclusion : Malgré le jeu solide des comédiens (en regard de ce qu’ils ont à jouer) et des visuels engageants, La Nonne peine non seulement à retrouver la puissance des Conjuring et même le niveau d’un Annabelle 2 pour constituer le maillon faible de la franchise, se reposant sur un enchaînement mécanique de séquences de frayeurs qui tiennent plus de l’attraction foraine que d’une authentique histoire même si l’ensemble est distrayant.

Ma Note : C-

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