Michael Bay a toujours été fasciné par l’univers cinématographique des frères Coen. Cette admiration se traduit par sa tendance à faire appel régulièrement à certains de leurs collaborateurs, tels que John Turturro et Frances McDormand, pour ses blockbusters. Avec No Pain No Gain, il rend, d’une certaine manière, un hommage à leur œuvre Fargo, en adaptant un fait divers qui met en scène des apprentis criminels s’engageant dans une tentative d’extorsion qui va rapidement dégénérer.
Cependant, Bay reste fidèle à son style inimitable et ne cède aucun espace sur le plan esthétique. Le film porte indéniablement sa marque visuelle, avec des couleurs vives, des cadres soignés, des gros plans intenses et des ralentis caractéristiques. Il donne à ce qu’il qualifie de « petit film d’auteur » les mêmes qualités techniques que celles de ses blockbusters, retrouvant même plusieurs de ses collaborateurs habituels. L’action se déroule à Miami, la ville emblématique du cinéma de Bay, déjà présente dans son premier film Bad Boys, ainsi que dans sa suite, Bad Boys II, qui représente l’exemple le plus extrême de son style. On retrouve d’ailleurs ici son célèbre travelling circulaire. Miami, ville des apparences, où le culte du corps et de l’argent prédomine, éclatante sous le soleil, semble faite sur mesure pour Bay.
Mark Wahlberg, qui développe depuis quelques années un personnage d’homme-enfant un peu simplet mais innocent (comme on peut le voir dans le récent Ted), incarne ici la face sombre de son rôle en la personne de Daniel Lugo. Ce dernier est un imbécile avec une vision déformée du rêve américain, qu’il estime lui avoir été volé. Il aspire à la richesse et au succès sans vouloir fournir le moindre effort, tant il considère que cela lui revient de droit. De cette frustration découle une cupidité qui le pousse à des extrémités dangereuses.
Cette vision de l’Amérique des gagnants est probablement celle que ses détracteurs imaginent pour Michael Bay. Cependant, avec ce film, il est difficile de ne pas y déceler une certaine ironie, tant le traitement corrosif qu’il inflige à ces valeurs est manifeste. Dans l’un des derniers plans du film, le drapeau américain, omniprésent chez Bay, est montré à travers les barbelés d’une prison, suggérant une critique sous-jacente. En ce qui concerne Marky Mark, il excelle dans son rôle, son corps musclé et sa foi inébranlable faisant de lui le complice idéal pour Bay.
Anthony Mackie, un acteur montante du cinéma américain, se révèle également excellent dans le rôle d’un bodybuilder victime des conséquences « malheureuses » de la prise de stéroïdes. Toutefois, la véritable révélation du film est Dwayne « The Rock » Johnson, qui offre ici une performance mémorable. Il incarne Paul Doyle, un colosse pas très futé, qui a « trouvé » Jésus en prison et conserve une innocence presque enfantine, même lorsqu’il est sous l’emprise de la cocaïne ou qu’il se livre à un barbecue insolite en pleine rue !
Une autre performance marquante est celle de Tony Shalhoub, connu pour son rôle dans Monk, qui interprète la victime récalcitrante des criminels. Il parvient à dépeindre un personnage véritablement abject, pour lequel on finit par ressentir de l’empathie malgré tout. Nous avons aussi le plaisir de retrouver Ed Harris chez Bay, 17 ans après The Rock, dans le rôle d’un vieux limier à la retraite qui se lance sur la piste du gang. Comme toujours, il est impeccable dans son interprétation.
Le film, comme souvent chez Bay, a tendance à être un peu long, mais ses détracteurs (dont je ne fais pas partie) seront ravis d’apprendre que son montage est moins « épileptique » que d’habitude. De plus, le scénario, écrit par Christopher Markus et Stephen McFeely, est de loin le meilleur qu’il ait eu à illustrer, faisant de No Pain No Gain son film le plus accessible à ce jour.
Conclusion : No Pain No Gain s’affirme ainsi comme un hommage audacieux aux influences des frères Coen, tout en restant fidèle au style unique de Michael Bay. Avec une distribution performante, notamment Mark Wahlberg, Dwayne « The Rock » Johnson et Anthony Mackie, le film réussit à combiner comédie noire et critique sociale incisive. En fin de compte, cette œuvre se distingue comme l’une des plus accessibles et abouties de Bay, prouvant qu’il sait allier divertissement et réflexion.
