NO ONE WILL SAVE YOU – TRAQUEE (2023)

No One Will Save You (Traquée) est sorti sur Disney+ presque en catimini, avec une campagne marketing minimale. Un choix qui résonne parfaitement avec la nature énigmatique du film, renforçant son atmosphère unique et captivante. Pourtant, malgré cette relative discrétion, le film s’impose comme une véritable réussite, prouvant que l’ingéniosité et l’efficacité cinématographique peuvent largement compenser un budget modeste. Brian Duffield exploite ici à merveille un concept simple mais percutant : un home-invasion par des extraterrestres. Ce postulat, s’il peut paraître classique, est transcendé par une mise en scène maîtrisée et une narration qui captivent de bout en bout.

Dès les premières minutes, le film installe une tension palpable et ne relâche jamais son emprise. La gestion du suspense est exemplaire, reposant autant sur la réalisation inspirée que sur la décision audacieuse de ne jamais tout expliquer. Plutôt que de livrer un exposé classique sur la menace extraterrestre, Duffield préfère immerger le spectateur dans un univers où chaque détail a son importance et où l’interprétation personnelle joue un rôle essentiel. Loin d’une démarche didactique, No One Will Save You se vit comme une expérience sensorielle et psychologique intense, ponctuée d’un final ouvert qui continue de hanter l’esprit bien après le générique.

La mise en scène se distingue par une élégance rare dans le genre, jonglant entre science-fiction et horreur dans un exercice de style qui évoque les grandes heures de Twilight Zone. La caméra se faufile avec habileté dans les espaces confinés, renforçant l’impression d’oppression et d’impuissance face à l’envahisseur. Une fois les bases du récit posées, l’action s’enchaîne sans temps mort, alternant moments de terreur et séquences de pur suspense, dans un effet rollercoaster du plus bel effet. L’efficacité du film est d’autant plus impressionnante qu’elle repose sur un budget limité, soulignant la créativité et le talent du réalisateur. Chaque plan est pensé pour maximiser l’impact, offrant une expérience cinématographique marquante sans recourir à des effets spéciaux excessifs. Toutefois, Duffield a eu la judicieuse idée de faire appel à Tom Woodruff et Alec Gillis (Aliens, Starship Troopers) pour apporter une touche de classe aux « creature effects », garantissant une crédibilité et une cohérence visuelle impeccables.

L’iconographie et la mythologie des « petits gris » sont au cœur du film, exploitant un pan de la culture populaire paradoxalement sous-utilisé au cinéma. Si ces créatures évoquent immédiatement une forme de familiarité, Duffield parvient à les rendre à la fois fascinantes et terrifiantes, jouant brillamment avec la peur de l’inconnu et le sentiment d’impuissance face à une intelligence supérieure. L’économie de dialogues renforce cette ambiance étrange et immersive, transformant l’expérience en un exercice de style singulier. La quasi-absence de dialogues n’est jamais une contrainte, mais un choix réfléchi qui sert à la fois l’atmosphère anxiogène et l’engagement du spectateur.

Kaitlyn Dever livre une performance impressionnante, parvenant à captiver sans recourir aux artifices du dialogue. Son expressivité, la manière dont elle habite son personnage, permet au film de développer une véritable émotion. À travers son parcours, No One Will Save You dépasse le simple cadre du survival pour aborder des thématiques profondes comme la solitude, la culpabilité et le deuil. Le film fonctionne ainsi comme une métaphore subtile sur la nécessité d’affronter et d’accepter les chapitres douloureux de notre passé.

On peut regretter que le film ne soit pas sorti en salles, tant son impact visuel et sonore aurait gagné à être décuplé sur grand écran. Néanmoins, sa diffusion sur les plateformes de streaming (Hulu aux États-Unis, Disney+ en Europe) ouvre une autre dimension d’expérience : celle de l’analyse collective. L’ambiguïté du récit et l’absence d’explications formelles suscitent la discussion, incitant les spectateurs à théoriser sur la nature des assaillants, leurs motivations et la signification du dénouement.

Conclusion : No One Will Save You est une véritable leçon d’efficacité cinématographique. Sa maîtrise du concept de home-invasion extraterrestre, son usage intelligent du mutisme et la sophistication de sa mise en scène en font un thriller haletant et immersif. Kaitlyn Dever y livre une performance poignante, apportant une épaisseur émotionnelle à cette expérience de pur suspense. Brian Duffield signe ici un film captivant, qui parvient à transcender les attentes et à s’imposer comme l’un des plus beaux exercices de genre de ces dernières années.

Ma Note : B+

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