
Vincent doit mourir est un survival fantastique aussi angoissant que captivant, qui repose sur un concept redoutablement efficace et parfaitement maîtrisé. Dès les premières scènes, le film installe une tension omniprésente, jouant sur l’absurde et l’inexplicable pour plonger le spectateur dans une spirale de violence imprévisible. Ce qui semble d’abord un simple incident isolé se transforme rapidement en une menace diffuse et incompréhensible, renforçant un sentiment de paranoïa qui ne cesse de croître. Plutôt que de livrer des explications trop hâtives, le film cultive le mystère et l’incertitude, accentuant ainsi l’inquiétude et l’immersion du spectateur dans cette étrange descente aux enfers.
En construisant progressivement son univers, le film évolue bien au-delà du simple thriller paranoïaque pour prendre une ampleur quasi apocalyptique. On sent l’influence des maîtres du genre comme George Romero ou John Carpenter, notamment dans cette manière de dépeindre une société glissant peu à peu vers le chaos. Mais là où d’autres œuvres privilégieraient une explosion de violence brutale, Vincent doit mourir opte pour une détérioration insidieuse, où le danger s’installe progressivement dans le quotidien. Ce choix confère au film une dimension profondément réaliste, renforcée par une mise en scène sobre et immersive. Sans recourir à de grands effets spectaculaires, il privilégie des situations brutes et crédibles, où chaque interaction peut potentiellement virer au cauchemar.
La réussite du film repose en grande partie sur l’interprétation de Karim Leklou, qui apporte à Vincent une humanité palpable. Son jeu tout en retenue permet d’explorer la terreur grandissante de son personnage sans jamais tomber dans l’excès, rendant son calvaire d’autant plus poignant. À travers son regard, on ressent l’isolement, l’incompréhension, et la panique d’un homme condamné à fuir sans raison apparente. Cette errance, à la fois physique et mentale, est soulignée par une mise en scène nerveuse, qui nous plonge dans son angoisse permanente. Le film joue habilement sur la subjectivité, renforçant l’idée d’un monde où la normalité se fissure peu à peu, laissant place à une hostilité croissante.
Au-delà de son postulat fantastique, Vincent doit mourir se révèle une fable sombre sur la violence et la peur de l’autre, où la société elle-même devient une menace. En refusant d’apporter des réponses trop précises, le film conserve son aura mystérieuse et laisse une impression durable. À mi-chemin entre le thriller et l’horreur sociale, il s’impose comme l’une des propositions les plus originales du cinéma de genre français, prouvant une fois de plus que celui-ci peut rivaliser avec les meilleures productions internationales.