
Avec The Phoenician Scheme, Wes Anderson poursuit son exploration du cinéma-monde qu’il s’est bâti depuis une décennie, mais avec une énergie qui en fait une séance plus plaisante que ses précédents films. L’aspect aventure « tintinesque » fonctionne à plein régime : décors exotiques, rebondissements en cascade, et un sens du récit feuilletonesque qui évoque autant Hergé que les serials hollywoodiens des années 30. Cette légèreté d’esprit confère au film une dynamique ludique, un souffle que l’on croyait parfois émoussé dans sa filmographie récente (The French Dispatch, Asteroid City).
Benicio Del Toro (Traffic, Sicario) apporte une gravité inattendue : acteur magnétique, il joue de son intensité pour donner une densité dramatique à un récit volontiers cartoonesque. Face à lui, Michael Cera (Juno, Scott Pilgrim vs. The World) surprend par sa justesse comique : son personnage, souvent en décalage, incarne l’humour pince-sans-rire typique de l’univers andersonien, mais avec une précision qui rehausse chaque séquence. Le duo trouve un équilibre subtil entre sérieux et dérision, entre menace et maladresse, et s’avère l’un des moteurs secrets du film.
Sur le plan formel, Anderson reste fidèle à sa patte : compositions symétriques, couleurs pastel soigneusement agencées, découpage rigoureux. Les maquettes, matte paintings et décors miniatures évoquent le charme artisanal des premiers effets spéciaux. La caméra, plus mobile qu’à l’accoutumée, confère aux poursuites et aux énigmes une intensité inhabituelle, sans rompre l’élégance millimétrée de l’ensemble.
On moque souvent la formule répétitive des blockbusters alors qu’Anderson s’enferme , depuis dix ans, dans un carcan stylistique d’une rigidité quasi doctrinale. Son cinéma est devenu une formule à laquelle il semble incapable de déroger.
Cela n’empêche pas The Phoenician Scheme d’être assez réussi dans ce contexte. Le film se déguste comme une bande dessinée animée : drôle, élégamment absurde, visuellement somptueux. Sa maîtrise formelle reste un plaisir en soi, et l’aventure qu’il propose, légère mais sincère, touche davantage que les dernières variations parfois trop cérébrales du cinéaste.