CON AIR (1997)

Il est des films qui ne cherchent pas à plaire à tout le monde, qui ne s’embarrassent pas de subtilité ou de demi-mesure. Con Air, réalisé par Simon West et produit par Jerry Bruckheimer, appartient à cette catégorie. Sorti en 1997, ce concentré d’action musclée et de testostérone assumée est devenu, au fil des années, un objet culte pour les amateurs de cinéma d’action, un emblème du style Bruckheimer et une pierre angulaire dans la filmographie de Nicolas Cage.

Le point de départ de Con Air est étonnamment terre-à-terre : un article du Los Angeles Times sur le programme de transport de prisonniers par avion, le JPATS (Justice Prisoner and Alien Transportation System). Disney, flairant le potentiel cinématographique de cette situation explosive, confie le projet à Scott Rosenberg (Things to Do in Denver When You’re Dead), qui en tire un scénario à la fois absurde et génial. L’idée de faire cohabiter les pires criminels du pays dans un avion, et de les voir prendre le contrôle de l’appareil, est aussi simple qu’efficace. Le reste n’est qu’une montée en puissance vers le chaos.

Con Air s’inscrit dans une lignée de films d’action des années 90 qui ont redéfini les codes du genre : The Rock, Face/Off. On y retrouve les ingrédients typiques du style Bruckheimer (Top Gun, Pirates of the Caribbean) : explosions spectaculaires, montage frénétique, héros larger than life, et une esthétique saturée de bruit et de fureur. Le film emprunte aussi à Die Hard son principe de huis clos en milieu hostile, tout en poussant le curseur du délire beaucoup plus loin. Mais Con Air ne se contente pas de copier. Il digère ses influences pour créer une œuvre singulière, où le grotesque côtoie le sublime, où la caricature devient style. C’est un film qui ne recule devant rien, et c’est précisément ce qui le rend fascinant. Simon West, réalisateur britannique venu du monde de la publicité et des clips musicaux — il a notamment signé le célèbre Never Gonna Give You Up de Rick Astley — fait ses débuts au cinéma avec Con Air. Et quel baptême du feu ! Sa mise en scène est nerveuse, spectaculaire, et résolument tournée vers l’efficacité visuelle. West privilégie les mouvements de caméra amples, les plans larges sur les décors en feu, et une gestion du rythme qui ne laisse aucun répit au spectateur. Il ne cherche pas la subtilité, mais l’impact. Son expérience dans le montage et la réalisation de publicités transparaît dans sa manière de construire les scènes d’action comme des séquences autonomes, presque chorégraphiées, où chaque explosion, chaque fusillade semble pensée pour maximiser l’effet. Hélas malgré de nombreuses opportunités il ne transformera pas l’essai mais Con Air reste sa chapelle sixtine.

Le casting de Con Air est un festival. Nicolas Cage, dans le rôle de Cameron Poe, incarne un ancien Ranger au grand cœur, condamné pour avoir défendu sa femme. Avec sa chevelure improbable et son accent du Sud, il livre une performance à la fois sincère et totalement décalée. Il est le cœur battant du film, le seul personnage à peu près normal dans un monde de fous. Face à lui, John Malkovich (Dangerous Liaisons, Burn After Reading) campe Cyrus « The Virus » Grissom, un criminel érudit et sadique, dont chaque réplique est une pépite de cynisme. Steve Buscemi (Fargo, Ghost World), glaçant et presque poétique en tueur en série philosophe, vole la vedette à chaque apparition. Ving Rhames (Pulp Fiction, Mission: Impossible), Danny Trejo (Machete, Heat), Dave Chappelle , Colm Meaney (Layer Cake, The Snapper)… tous apportent leur grain de folie à cette galerie de monstres. Ce casting improbable fonctionne à merveille. Chacun joue sa partition avec une intensité jubilatoire, et l’alchimie entre les personnages contribue largement à la réussite du film.

Ce qui frappe dans Con Air, c’est le ton. Le film oscille constamment entre le sérieux et le grotesque, entre la tragédie et la comédie. Les acteurs semblent parfois jouer dans des films différents, et pourtant, l’ensemble tient miraculeusement debout. Nicolas Cage, par exemple, joue son rôle avec une gravité presque shakespearienne, tandis que Malkovich s’amuse comme un enfant dans une cour de récréation. Cette dissonance crée une tension permanente, une instabilité qui rend le film imprévisible. On ne sait jamais s’il faut rire ou trembler, et c’est précisément cette ambiguïté qui fait de Con Air une œuvre à part. La musique de Con Air, signée Mark Mancina (Speed, Twister) et Trevor Rabin (Armageddon, National Treasure), est à l’image du film : tonitruante, épique, parfois excessive. Elle accompagne chaque explosion, chaque envolée dramatique, avec une emphase assumée. La bande-son contribue à l’identité du film, à son rythme effréné, à son esthétique de clip survolté. Elle est indissociable de l’expérience Con Air.

Pour Nicolas Cage, Con Air marque une étape importante. Après avoir remporté l’Oscar pour Leaving Las Vegas, il se lance dans une série de films d’action qui le propulsent au rang de star hollywoodienne. Con Air, The Rock, Face/Off : cette trilogie constitue le sommet de sa carrière commerciale, et montre qu’il peut tout jouer, du poète alcoolique au héros musclé.Pour Jerry Bruckheimer, Con Air est une démonstration de force. Le producteur impose son style, son rythme, sa vision du cinéma comme grand spectacle. Le film est un succès commercial, et contribue à asseoir sa réputation de faiseur de blockbusters. Con Air a laissé une empreinte durable sur le cinéma d’action. Il a ouvert la voie à une forme de cinéma décomplexé, où l’excès devient vertu, où le spectaculaire prime sur la vraisemblance. Des films comme Fast & Furious, The Expendables, ou même John Wick doivent quelque chose à Con Air, à sa manière de repousser les limites du genre.Les répliques cultes (« Put the bunny back in the box ») sont devenues des mèmes, et la scène du crash à Las Vegas est un sommet de démesure.

Conclusion : Con Air n’est pas un film subtil. Ce n’est pas un chef-d’œuvre au sens académique du terme. Mais c’est une œuvre sincère, généreuse, qui donne tout ce qu’elle a, sans retenue. C’est un film qui assume ses excès, qui célèbre le chaos, qui transforme le grotesque en art.Et c’est précisément pour cela qu’on l’aime. Parce qu’il ne triche pas. Parce qu’il nous embarque dans un tourbillon d’action, de folie et d’émotion, et qu’il ne nous lâche qu’au bout du voyage. Con Air est une déclaration d’amour au cinéma d’action, un cri du cœur, une explosion de plaisir.

Ma Note : A

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