FREEJACK (1992)

Sorti en 1992, Freejack, réalisé par Geoff Murphy (The Quiet Earth, Young Guns II), est un thriller de science-fiction cyberpunk qui imagine un 2009 dystopique où les riches volent des corps du passé pour prolonger leur vie – une idée qui, avec le recul, fait rire jaune en pensant à nos propres obsessions avec l’immortalité via des apps de fitness. Imaginez : un pilote de course, arraché à sa mort imminente en 1991, se réveille dans un futur où Mick Jagger joue les chasseurs de primes avec l’énergie d’un rockeur qui a oublié ses pas de danse. C’est du pur divertissement des années 90, avec des poursuites effrénées, des effets spéciaux datés qui charment par leur naïveté, et un casting éclectique qui transforme ce qui pourrait être un navet en un plaisir même pas coupable irrésistible. Bien que l’intrigue flirte parfois avec le ridicule – comme si le film essayait de prédire un avenir où les voitures volantes sont remplacées par des embouteillages virtuels –, Freejack captive par son énergie brute et son humour involontaire, offrant une escapade futuriste aussi amusante qu’imprévisible. À travers une mise en scène dynamique, un montage rythmé et une bande-son qui pulse comme un cœur en surchauffe, le film s’impose comme un joyau sous-estimé du genre, parfait pour une soirée où l’on rit des prédictions ratées du cinéma.

Le projet tire ses racines du roman Immortality, Inc. de Robert Sheckley, publié en 1959, une satire acide sur l’immortalité et les inégalités sociales qui anticipe déjà les débats éthiques sur le clonage et la biotechnologie. Adapté pour l’écran par Steven Pressfield, Ronald Shusett (Total recall) et Dan Gilroy (Nightcrawler) le scénario modernise l’idée en y injectant des éléments d’action high-tech, transformant une réflexion philosophique en un chase movie effréné. Produit par Morgan Creek et distribué par Warner Bros., le film a été tourné à Atlanta, une ville qui prête parfaitement son urbanisme chaotique à ce futur délabré. Des reshoots massifs – près de 40 % du film – ont été nécessaires après un test screening désastreux, ajoutant des touches d’humour et des scènes de personnages pour adoucir le ton initialement trop sombre. C’est ironique : comme si le studio avait voulu « freejacker » son propre projet pour le rendre plus jeune, évitant ainsi une mort commerciale prématurée. Les influences sont évidentes dans le paysage cyberpunk du film, qui emprunte à Blade Runner son atmosphère pluvieuse et oppressante, à RoboCop sa critique sociale sur les corporations omnipotentes, et à Total Recall ses twists mentaux et ses poursuites futuristes. Pourtant, Freejack se distingue par son ton plus léger, presque parodique, comme si Murphy avait décidé de mixer le sérieux de la SF avec l’absurde d’une comédie d’action. J’adore comment il anticipe, avec un clin d’œil malicieux, nos peurs contemporaines des inégalités – imaginez un monde où les milliardaires volent non pas des idées, mais des corps entiers. C’est une prémisse qui, malgré ses excès, reste rafraîchissante et prophétique, même si le 2009 réel s’est avéré plus rempli de smartphones que de transferts de conscience.

Dans la carrière de Geoff Murphy, Freejack marque une tentative vers la science-fiction grand public, après des œuvres plus intimistes comme The Quiet Earth (1985), un drame post-apocalyptique contemplatif, et avant des blockbusters d’action comme Under Siege 2: Dark Territory (1995). Murphy, originaire de Nouvelle-Zélande, apporte ici son flair pour les récits survivalistes, transformant un simple thriller en une odyssée urbaine où le héros fuit non seulement des chasseurs, mais aussi un système corrompu. Contrairement à ses films précédents, plus axés sur l’isolement humain, celui-ci embrasse le spectacle hollywoodien avec des explosions et des gadgets, même si certains y voient une dilution de son style personnel due aux interférences du studio. La mise en scène de Murphy est dynamique et immersive, privilégiant des plans larges pour capturer les poursuites vertigineuses à travers des villes futuristes, où chaque coin de rue cache une menace. Il excelle à alterner tension psychologique et action explosive, comme dans les scènes de chasse où le héros esquive des véhicules blindés avec une agilité comique. Bien que certains reprochent une approche trop conventionnelle, évitant les innovations visuelles, Murphy infuse une énergie brute qui rend le film addictif, presque comme une course automobile où les twists s’enchaînent sans pause. Le montage, signé Dennis Virkler, est serré et rythmé, intégrant les reshoots avec fluidité pour ajouter des moments d’humour qui allègent l’atmosphère – imaginez un montage de poursuite ponctué de one-liners qui font sourire malgré l’urgence. C’est efficace, même si on sent parfois les coutures des ajouts post-production, transformant ce qui pouvait être un chaos en un flux cohérent et divertissant.

Artistiquement, Freejack brille par sa vision d’un 2009 dystopique, avec des décors urbains délabrés qui évoquent une New York post-industrielle, pleine de néons clignotants et de bidonvilles high-tech. La direction artistique, influencée par le cyberpunk des années 80, utilise des effets pratiques et des premiers CGI qui, aujourd’hui, paraissent adorablement vintage – pensez à des interfaces virtuelles qui ressemblent plus à un jeu Atari.§. C’est ironique : le film prédit un avenir technologique, mais ses visuels trahissent l’optimisme naïf des années 90 sur l’informatique, comme si les ordinateurs étaient des boîtes magiques plutôt que des outils omniprésents. Malgré cela, la conception reste cohérente, avec des costumes qui mêlent punk et corporate chic, renforçant le contraste entre riches immortels et masses déshéritées. J’apprécie particulièrement comment ces choix artistiques soulignent les thèmes d’inégalité, transformant un simple set en un commentaire social subtil, même si certains trouvent l’ensemble un peu kitsch – après tout, qui aurait cru que le futur ressemblerait à un clip des Rolling Stones ?

L’interprétation est un atout majeur, avec un casting qui transforme les faiblesses du scénario en forces charismatiques. Emilio Estevez (The Breakfast Club, Young Guns), en pilote désorienté, livre une performance énergique passant de la bravade à la vulnérabilité avec un humour auto-dérisoire qui rend son personnage attachant –mais il manque sans doute un peu de charisme pour assumer un tel rôle de leading man. Rene Russo (Lethal Weapon 3, The Thomas Crown Affair), en ex-petite amie devenue executive, apporte une élégance et une force qui élèvent les scènes romantiques au-delà du cliché. Mais le vrai show-stealer, c’est Mick Jagger (Performance, Ned Kelly), en mercenaire Vacendak : sa prestation est exagérée, avec des grimaces rock’n’roll qui volent chaque scène – franchement, voir Jagger chasser un fugitif comme s’il traquait une groupie est hilarant et génial. Anthony Hopkins (The Silence of the Lambs, The Remains of the Day), en magnat virtuel, ajoute une gravitas théâtrale, même si son rôle limité en fait plus un cameo luxueux. Les seconds rôles, comme Jonathan Banks en traître, enrichissent l’ensemble. Globalement, le film explore des thèmes d’identité et de mortalité avec sincérité, même si l’exécution flirte avec l’absurde – un cocktail qui rend Freejack irrésistiblement fun.

La bande originale, composée par Trevor Jones (Cliffhanger, Dark City), est un pilier du suspense, avec des thèmes orchestraux mêlés à des synthés électroniques qui capturent l’essence cyberpunk du film. Les motifs tendus amplifient les poursuites, tandis que des pistes plus mélodiques soulignent les moments émotionnels, créant un contraste qui reflète le chaos du futur. Bien que de son époque, elle reste mémorable, avec des accents rock qui font écho à la présence de Jagger – presque comme si la musique dansait avec l’action. C’est une BO qui, sans révolutionner le genre, propulse le récit avec une énergie contagieuse. Freejack s’inscrit dans le sous-genre cyberpunk des années 90, aux côtés de films comme Demolition Man, mais il se distingue par son mélange d’action et de satire sociale, influençant subtilement des œuvres ultérieures sur l’immortalité numérique. Bien qu’un flop au box-office – récoltant à peine 37 millions pour un budget de 30 –, il a gagné un statut culte, avec une adaptation en comic et des fans qui le redécouvrent comme un « so-bad-it’s-good » classique.

Conclusion : Freejack est une pépite imparfaite mais attachante : haletant, bien casté et subtilement drôle dans son absurdité. Geoff Murphy transforme une prémisse folle en fable sur l’humanité, soutenu par un Mick Jagger magistral et une équipe au top. Les thèmes d’immortalité restent pertinents.

Ma Note : B

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