
Alors que la franchise atteint son point le plus bas créativement avec X-Men Origins: Wolverine et, dans une moindre mesure, X-Men – L’Affrontement final, elle connaît un rebond spectaculaire avec ce volet. Ce film surfe sur la mode des prequels tout en retrouvant l’essence de la saga mutante grâce à l’énergie folle de Matthew Vaughn. Le réalisateur anglais, fraîchement sorti du succès de Kick-Ass, est un fanboy dans l’âme. Il est choisi après que Bryan Singer, initialement prévu pour revenir à la barre, se voit contraint de respecter un contrat chez Warner Bros (ironiquement, Vaughn avait abandonné X-Men – L’Affrontement final à quelques semaines du tournage par manque de temps de préparation, et il en aura encore moins pour ce film).
Premier coup de génie : le casting de James McAvoy en Professeur Xavier et Michael Fassbender en Magneto, reprenant les rôles créés respectivement par Patrick Stewart et Ian McKellen. Leur alchimie dynamite le film. On découvre un Xavier encore valide, partagé entre la drague et son rêve d’une société où mutants et humains coexistent. Fassbender, quant à lui, campe un Magneto marqué par son passé : survivant des camps de concentration nazis, il traque les anciens bourreaux de son peuple. Le film reprend et prolonge la glaçante ouverture du premier X-Men à Auschwitz, suivant Erik dans sa quête de vengeance contre Sebastian Shaw (incarné par un excellent Kevin Bacon), le tortionnaire de ses parents. Leur trajectoire commune les conduit à s’allier contre Shaw, à la tête de la société secrète du Hellfire Club, dont l’objectif est de déclencher une guerre entre les États-Unis et l’URSS, menant à un monde dominé par les mutants. L’entente entre les comédiens rend leur lien d’autant plus palpable et culmine dans une séquence poignante où Xavier aide Erik à exploiter pleinement ses pouvoirs en s’appuyant sur la meilleure part de lui-même. Cette camaraderie rend leur schisme ultérieur d’autant plus déchirant.
Le film se situe en 1962, en pleine Guerre froide. Vaughn et sa co-scénariste Jane Goldman s’amusent à tisser une histoire alternative où les conflits entre mutants s’intègrent aux événements historiques. Saviez-vous que les X-Men ont joué un rôle clé dans la crise des missiles de Cuba ? Stylistiquement, le film adopte le style pop des sixties, et Vaughn recrée l’ambiance des premiers James Bond à travers le jeu de Fassbender, qui évoque le Sean Connery de la grande époque. (Fan patenté de Bond, Vaughn a d’ailleurs permis à Daniel Craig de décrocher le rôle de 007 grâce à son film Layer Cake.) Si X-Men : Le Commencement repose avant tout sur ses personnages, Vaughn lui insuffle un rythme propulsif qui donne une urgence aux événements, rare pour un prequel.
Jennifer Lawrence, alors méconnue et avant son oscarisation et le succès d’Hunger Games, incarne Raven, la future Mystique. Présentée ici comme une sorte de sœur pour Charles, qu’elle connaît depuis l’enfance, leur relation évolue au fil du film jusqu’à un choix déchirant : Mystique abandonne Xavier pour rejoindre Magneto. Son célèbre « Mutant and proud » fait évidemment écho à la lutte pour les droits civiques, l’une des principales métaphores des mutants à leur création.
Si les autres personnages disposent de moins de temps à l’écran que le trio McAvoy / Fassbender / Lawrence, ils font néanmoins impression. Rose Byrne campe une excellente Moira McTaggert, agent de la CIA, qui sert de liaison entre les X-Men et le gouvernement. La « première classe » du titre original est constituée de :
- Hank McCoy / Le Fauve (Nicholas Hoult), dont le film explique la transformation en mutant bleu,
- Alex Summers / Havok (Lucas Till), le frère de Cyclope,
- Sean Cassidy / Banshee (Caleb Landry Jones), qui reste visuellement proche de son modèle de papier,
- Armando Munoz / Darwin (Edi Gathegi),
- Angel Salvadore (Zoë Kravitz).
La partie du film consacrée au recrutement de cette équipe est particulièrement réussie et contient un excellent caméo d’un mutant canadien bien connu.
Techniquement, malgré un changement de directeur de la photographie en cours de tournage (Ben Davis (Kick-Ass, Avengers: Age of Ultron) remplaçant John Mathieson (Gladiator)), le film conserve une unité visuelle. Les couleurs vives collent parfaitement à l’ambiance sixties et aux comics, tandis que la direction artistique rend hommage au design de Ken Adam, le légendaire décorateur des films de James Bond et de Dr. Folamour de Stanley Kubrick. À noter également la bande-son fabuleuse de Henry Jackman, qui offre à Magneto un thème puissant, parmi les meilleurs de ces dernières années.
Conclusion : Fonctionnant tout à la fois en film autonome, en hommage au cinéma des années 60 et en redémarrage d’une nouvelle saga, X-Men : Le Commencement s’impose comme le meilleur film de la franchise et l’un des films de super-héros les plus réussis jamais réalisés.