TOMORROWLAND (2015)

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Le projet de Brad Bird (Mission Impossible Ghost Protocol, Les Indestructibles, Ratatouille) et du scénariste Damon Lindelof (Lost, The Leftovers, Star Trek, Prometheus), avec George Clooney en tête d’affiche, arrive sur nos écrans enveloppé d’une aura de mystère et de promesses futuristes. Tomorrowland n’est pas qu’un film d’aventure de science-fiction : c’est une invitation à repenser notre rapport au futur, à redécouvrir l’imagination et à se projeter dans un monde où l’espoir et la technologie se conjuguent pour transformer l’ordinaire en extraordinaire.

Dès les premières minutes, le spectateur est happé par l’ambiance singulière qui se dégage de l’œuvre. Le film nous plonge dans l’univers de Tomorrowland, une cité utopique aux allures rétro-futuristes, dont les origines s’enracinent dans les projets visionnaires de Walt Disney. Ce concept, né d’une volonté de renouer avec la tradition des films familiaux en live-action et de mettre en lumière l’héritage des parcs d’attractions de la Maison de la Souris, fut jadis conçu pour ériger de véritables villes du futur. Malheureusement, ce projet ambitieux fut abandonné après le décès de l’oncle Walt, et ses rêves furent relégués aux marges de l’histoire. Aujourd’hui, grâce à l’insatiable curiosité créative de Damon Lindelof et à la vision exaltée de Brad Bird, ce mythe renaît pour offrir au public une réflexion sur la transition de notre imaginaire collectif.

Britt Robertson
Casey (Britt Robertson)

L’intrigue suit Casey (incarnée par Brit Robertson (Nashville, The Secret Life of the American Teenager)) et son frère, qui vivent auprès de leur père en Floride. Ce dernier, ingénieur à la NASA, fait face à des bouleversements professionnels imminents, alors qu’un des derniers pas de tirs de Cap Canaveral doit être démantelé. Dans ce décor ensoleillé et à la fois nostalgique, la vie de Casey bascule le jour où, après une nuit passée au poste pour avoir tenté de saboter, sans vraiment comprendre pourquoi, les engins du chantier se transforment en un prétexte mystérieux. Elle se retrouve alors en possession d’un pin’s énigmatique qui lui ouvre la porte sur une vision insaisissable : celle d’une cité futuriste, un lieu où le temps semble suspendu, caché quelque part dans les replis de l’imagination humaine.

Ce pin’s, objet anodin en apparence, se mue en symbole puissant, rappelant que parfois, les indices les plus subtils peuvent révéler des secrets d’une ampleur insoupçonnée. C’est auprès de Frank Walker, un savant reclus interprété par George Clooney (Ocean’s Eleven, Up in the Air), que se cache peut-être la clé de ce mystère. Walker, personnage à la fois énigmatique et profondément humain, incarne la quête du savoir et l’espoir d’un avenir meilleur, en dépit des déceptions du présent.

À l’origine, le projet fut initié par une demande audacieuse de Disney, désireux de renouer avec ses racines et de créer un film live-action familial qui puise dans l’univers mythique de ses parcs d’attractions. Cette idée fut confiée à Damon Lindelof et à Jeff Jensen (Entertainment Weekly), journaliste pop culture, qui s’étaient penchés sur les projets initiaux de Walt Disney pour les parcs de Floride. Ces projets, visant à bâtir des communautés dédiées aux sciences et à l’innovation, de véritables villes du futur, furent rapidement abandonnés par les successeurs de l’icône. Le concept de cette cité, mêlant nostalgie et ambition, séduit immédiatement Brad Bird, qui parvient à greenlighter le projet grâce à l’énorme succès commercial de son précédent film Mission Impossible.

Doctor Ross vs Dr House (George Clooney et Hugh laurie)
Doctor Ross vs Dr House (George Clooney et Hugh laurie)

Pourtant, Tomorrowland n’est pas un simple film publicitaire pour les parcs de Disney. Il s’agit d’une œuvre qui interroge la transformation de notre imaginaire collectif. Autrefois, le futur était perçu comme un horizon optimiste, foisonnant de promesses et d’innovations. Aujourd’hui, il est souvent teinté d’une vision sombre et inquiétante, marquée par des dystopies où règnent dérèglements climatiques et désordres sociaux. Dans ce contexte, Tomorrowland apparaît comme une tentative de réconcilier ces deux visions en opposant la noirceur d’un futur déchu à la lumière d’une imagination sans limite. Pour ses créateurs, la solution à nos défis contemporains réside dans la capacité de rêver, d’inventer, de créer un avenir différent, porté par l’imagination collective.

Damon Lindelof n’est pas étranger à ce type de thématiques. Souvent critiqué pour son approche parfois trop cérébrale, il est pourtant un véritable auteur, l’un de mes créateurs contemporains favoris. Il a toujours su mêler aventure, références geek (qui abondent dans Tomorrowland) et une émotion mélancolique, teintée d’une sourde angoisse existentielle. Dans ce film, son script se révèle être le plus accessible de sa carrière, tout en restant fidèle à ses thèmes de prédilection : le mystère qui se cache derrière chaque événement, un compte à rebours secret connu de quelques initiés, et cette quête incessante du paradis perdu que certains personnages aspirent à retrouver.

Quant à Brad Bird, il a débuté sa carrière en réalisant des chefs-d’œuvre d’animation, notamment avec Le Géant de Fer (The Iron Giant, 1999) et deux films Pixar, Les Indestructibles (The Incredibles, 2004) et Ratatouille (Ratatouille, 2007). Ces œuvres, riches en émotion et en créativité, démontrent sa capacité à allier rigueur narrative et folie visuelle. Dans Tomorrowland, Brad Bird transpose cette esthétique unique dans un film en live-action qui pourrait presque être un Pixar grandeur nature. Sa mise en scène, à la fois fluide et précise, évoque le travail minutieux d’un horloger, et chaque plan est pensé pour émerveiller le spectateur. Rarement, depuis Steven Spielberg (Jurassic Park, E.T. l’extra-terrestre), ai-je été aussi impressionné par l’enchaînement de plans et la virtuosité d’un réalisateur qui sait doser chaque moment pour maintenir une tension narrative constante.

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Les savants fous derrière Tomorrowland  Brad Bird, et Damon Lindelof entourent George Clooney

Les performances des acteurs contribuent également à l’originalité du film. Le personnage de Casey, interprété par Brit Robertson (The Following, The Secret Life of the American Teenager), incarne la jeunesse rebelle et surdouée, une figure à la fois attachante et authentique. Casey aurait pu rapidement devenir agaçante si l’actrice ne parvenait pas à insuffler à son personnage une légèreté naturelle et un timing comique parfait, qui s’intègre harmonieusement dans le rythme général du film. À ses côtés, la jeune britannique Raffey Cassidy (Blanche Neige et le Chasseur, Dark Shadows) livre une performance à la fois drôle et émouvante, apportant une fraîcheur indispensable et contribuant à l’équilibre entre l’humour et la mélancolie omniprésente dans le scénario.

L’expérience de George Clooney se fait également remarquer. Dans le rôle de Frank Walker, il incarne un scientifique à la fois brillant et mystérieux, évoluant dans une zone grise entre le mentor et le rebelle. Clooney, dont le charisme n’est plus à démontrer (Ocean’s Eleven, Up in the Air), apporte une profondeur et une crédibilité qui ancrent le récit dans une réalité alternative mais plausible. Parallèlement, les deux anciens docteurs de télévision Hugh Laurie (House, Avenue 5) et George Clooney restent dans leur zone de confort. Laurie adopte un ton froid et caustique, en véritable contrepoids à l’optimisme ambiant, tandis que Clooney se glisse dans une interprétation à la manière de Cary Grant (Charade, Notorious) – une performance qui fait honneur à son statut d’icône du grand écran.

Tomorrowland
Welcome to Tomorrowland

Les aspects techniques du film ne sont pas en reste. La photographie, signée Claudio Miranda (Tron Legacy, Oblivion), magnifie chaque scène grâce à des jeux de lumière qui rappellent les utopies du passé tout en conférant une modernité saisissante aux images. Miranda parvient à capter la dualité de cet univers : d’un côté, le charme rétro-futuriste de Tomorrowland et, de l’autre, la froideur impitoyable de l’espace. Le décorateur Scott Chamblis (Star Trek de J.J. Abrams, Mission: Impossible – Rogue Nation), quant à lui, donne vie à cette cité du (rétro)futur, condensant sur grand écran plus de trente ans de rêves et de fantasmes de science-fiction pulp. Aux côtés de lui, le superviseur des effets spéciaux John Knoll (Star Wars: The Force Awakens, Pirates des Caraïbes: La Fontaine de Jouvence), l’une des pointures d’ILM, assure que les effets numériques oscillent parfaitement entre le photo-réalisme et le style cartoon, renforçant ainsi l’identité visuelle du film.

La musique, élément clé de l’expérience immersive, est signée par Michael Giacchino (Up, Star Trek), dont le main theme tonitruant nous entraîne dès les premières notes dans un voyage à la fois exaltant et émouvant. Ce compositeur, dont la maîtrise du leitmotiv est légendaire, opère ici un pont entre l’univers enfantin de l’optimisme futuriste et la réalité plus brutale des défis contemporains. Son hommage musical, ponctué d’un cameo surprenant en ouvreur de l’attraction It’s a Small World, rappelle avec force l’héritage de Disney tout en insufflant une énergie nouvelle au récit.

Le scénario de Damon Lindelof est l’un des atouts majeurs de Tomorrowland. Sous sa plume, le film aborde la transformation de notre imaginaire collectif, en mettant en parallèle la vision autrefois optimiste du futur et la vision sombre et dystopique qui domine aujourd’hui. Le texte abonde en références geek, en clins d’œil aux grandes œuvres de science-fiction et en subtils rappels aux ambitions initiales de Walt Disney pour ses parcs de Floride. La structure narrative, savamment construite, joue avec les temporalités et les perspectives, créant ainsi une tension constante qui tient le spectateur en haleine du début à la fin.

Au-delà de ses prouesses techniques et narratives, Tomorrowland se distingue par son message fondamental : l’imagination est la clé pour surmonter les défis de notre époque. Face aux dérèglements climatiques, aux désordres sociaux et à l’érosion des espoirs collectifs, le film nous rappelle que l’avenir n’est pas écrit d’avance, qu’il dépend de notre capacité à rêver, à innover et à croire en un monde meilleur. C’est cette philosophie, à la fois résolument optimiste et empreinte d’un réalisme poignant, qui confère à Tomorrowland toute sa force et sa pertinence.

Le film interroge également notre rapport à la technologie et à la science. Plutôt que de tomber dans les excès de la fiction spéculative, Brad Bird choisit de s’appuyer sur des applications concrètes des sciences actuelles. Ainsi, la vision du voyage spatial dans Tomorrowland se veut crédible et ancrée dans la réalité, en opposition aux extrapolations purement théoriques que l’on peut retrouver dans d’autres œuvres du genre, comme Interstellar. Ce choix de réalisme contribue à renforcer l’impact émotionnel du récit et à susciter une véritable identification chez le spectateur.

Les performances des acteurs secondaires apportent une richesse supplémentaire au film. Brit Robertson incarne avec brio Casey, une adolescente débordante d’énergie et de curiosité, dont la personnalité vibrante offre une bouffée d’air frais au milieu des intrigues complexes. La chimie entre Casey et son frère, ainsi que l’interaction avec leur père – ingénieur à la NASA – dessine un portrait familial touchant et sincère, où les liens affectifs se mêlent aux enjeux technologiques et aux mystères de l’avenir. La relation entre Casey et Frank Walker (interprété par George Clooney, dont le charisme est indéniable dans des films comme Ocean’s Eleven et Up in the Air) ajoute une dimension supplémentaire au récit, mêlant mentorat et mystère dans un savant mélange de tendresse et de suspense.

La bande sonore, la photographie, la mise en scène et les décors se conjuguent pour créer une atmosphère unique, à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Claudio Miranda capture avec une précision quasi chirurgicale chaque nuance de lumière et de couleur, transformant chaque plan en une véritable œuvre d’art visuelle. Scott Chamblis et John Knoll, quant à eux, insufflent à l’univers de Tomorrowland une dimension palpable, où chaque détail, chaque pixel, semble chargé d’histoire et de promesses. Les effets spéciaux, maîtrisés à la perfection, oscillent entre un réalisme saisissant et une esthétique résolument cartoon, rappelant l’héritage des grands films de science-fiction tout en apportant une touche de modernité et d’innovation.

En dépit de toutes ces qualités, le film n’est pas exempt de quelques défauts. Après une première heure et quarante minutes époustouflantes, le rythme ralentit et le climax, bien que visuellement remarquable, apparaît parfois maladroit et trop bavard par rapport aux promesses initiales. Néanmoins, cette faiblesse narrative est rapidement compensée par une séquence finale d’une beauté rare, qui vient clore le film sur une note magistrale, laissant le spectateur à la fois ému et inspiré.

Conclusion : Tomorrowland est bien plus qu’un simple film de science-fiction ; c’est une véritable ode à l’imagination et à l’espoir. Porté par la vision audacieuse de Brad Bird ce film réinvente le futur en mêlant réalisme scientifique et rêverie poétique. Ce film, oscillant habilement entre nostalgie et modernité, nous rappelle que l’avenir appartient à ceux qui osent rêver et que, malgré les défis de notre époque, l’imagination demeure la plus puissante des technologies.

Ma Note : B

À la poursuite de demain (Tomorrowland) de Brad Bird (sortie le 20/05/2015)

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