TRIPLE NINE (2016)

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Séduit par la bande-annonce, qui, fait rare, vend exactement le film, j’étais cependant quelque peu inquiet par la présence de John Hillcoat, dont les précédents films ne m’avaient pas totalement convaincu. Je craignais qu’il prenne le genre de haut, mais dès les premières scènes, il nous plonge dans l’ambiance avec un générique percutant, accompagné de la pulsation anxiogène du score d’Atticus Ross. Les images d’Atlanta s’entremêlent avec des photos de surveillance, montrant que les personnages sont, comme on dit, « bien connus des services de police ». On sent alors que le réalisateur australien aborde le genre avec le respect qui lui est dû.

Le film s’ouvre sur un braquage mené avec une précision militaire par un commando de six hommes, constitué de braqueurs professionnels tels que Michael Atwood (interprété par Chiwetel Ejiofor), Russell Welch (interprété par Norman Reedus) et son frère Gabe (interprété par Aaron Paul). À leurs côtés, des flics corrompus, Franco Rodriguez (interprété par Clifton Collins Jr.) et Marcus Belmont (interprété par Anthony Mackie), qui se sont connus alors qu’ils étaient mercenaires en Irak. La commanditaire du braquage, Irina Vlaslov (interprétée par Kate Winslet), règne d’une main de fer sur l’empire criminel de son mari, emprisonné en Russie. Elle refuse de les payer, les contraignant sous la menace à mener une dernière opération encore plus périlleuse. Pour distraire la police durant le braquage, ils décident d’éliminer le nouveau partenaire de MarcusChris Allen (interprété par Casey Affleck), qui vient d’être muté des beaux quartiers et est le neveu de l’enquêteur en charge des braquages, Jeffrey Allen (interprété par Woody Harrelson). Cette action active un code 999, signifiant « officier abattu », qui fera converger toutes les forces de police vers le lieu du crime, leur laissant ainsi le temps d’agir.

Triple Nine s’affirme comme une authentique série noire à la mécanique implacable, que Hillcoat met en scène avec un sens aigu de l’urgence et un réalisme brut. Il nous immerge au cœur de fusillades sanglantes dans les rues d’Atlanta, une capitale décrépie rongée par le crime, qui devient pour ces vétérans — même Chris est un ancien marine — une nouvelle zone de guerre. Hillcoat confère à son récit une dimension de tragédie grecque, où tous les personnages se retrouvent piégés dans un cercle rouge « melvillien » qui se referme inexorablement sur eux. Une lumière écarlate, superbement orchestrée par Nicolas Karakatsanis, les baigne dès qu’ils sont « touchés » par le mal, établissant ainsi un code narratif efficace. Le film est à la fois dense et rapide, et Hillcoat orchestre des scènes d’action d’une intensité incroyable, comme le raid de Marcus et Chris pour appréhender un gangbanger latino surnommé « La Termite » dans les cités chaudes d’Atlanta.

Pour cette série B (au sens noble du terme), Hillcoat a réuni un casting de série A. Anthony Mackie trouve ici l’un de ses meilleurs rôles en incarnant Marcus, un flic moralement complexe, tiraillé entre sa loyauté envers ses frères d’armes et ses instincts de policier. Ejiofor, un professionnel à la manière de Michael Mann, constitue le cœur émotionnel de l’histoire, luttant pour empêcher l’implosion de son équipe tout en maintenant le lien avec le fils qu’il a eu avec Yelena (interprétée par Gal Gadot), la sœur d’Irina, que cette dernière utilise comme moyen de pression. Kate Winslet, avec son accent russe impeccable, évoque une version moderne de Sharon Stone dans les années 90, se délectant de son rôle de matrone impitoyable de la “Kosher Nostra”, sans jamais tomber dans le ridicule. Woody Harrelson brille également dans le rôle d’un « Bad Lieutenant » alcoolique, qui sert de boussole à son neveu pour naviguer dans cet enfer. Casey Affleck apparaît transformé dans le film (il semble avoir fréquenté la même salle de musculation que son frère, Batman), tout en conservant son jeu si particulier, à la fois hyper-concentré et distrait, comme s’il était à l’écoute d’une radio que seul lui peut entendre. Aaron Paul excelle, bien sûr, dans le personnage pathétique d’ancien flic.

Conclusion, avec Triple Nine, John Hillcoat signe un pur film noir, poisseux, tendu et violent, porté par un casting trois étoiles qui rend humblement hommage aux maîtres tels que Melville, Mann et Peckinpah.

Ma Note : A

Triple Nine de John Hillcoat  (sortie le 16/03/2016)

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