Apres le triomphe du dernier volet endeuillé par le décès accidentel de Paul Walker la saga Fast & Furious entame un nouveau cycle mais après trois derniers volets gargantuesques y a t’il encore de l’essence dans le réservoir pour aller encore plus haut et plus fort ?
Le décès accidentel de Paul Walker avait marqué la fin d’une époque pour la franchise qui se trouve à la croisée des chemins depuis sa mutation de la série B de street racing & tuning à l’über-blockbuster d’action d’échelle internationale, créneau dans lequel elle n’a plus guère d’autres concurrents que James Bond. Pour filer la métaphore « Bondienne » on peut dire que la série entame avec ce huitième (!) volet sa période « Roger Moore ». Comme la vénérable franchise 007- les mêmes causes produisant les mêmes effets- Fast & Furious pris dans un besoin de surenchère permanente et la nécessité de rassembler un public toujours plus large substitue peu à peu les effets spéciaux aux cascades physiques , l’humour à l’action, privant cette escalade dans le spectaculaire de son côté viscéral.
L’intrigue démarre à la Havane où Letty (Michelle Rodriguez) et Dominic Torreto (Vin Diesel) passent leur lune de miel, là Dom croise la route de la mystérieuse Cipher (Charlize Theron). Bientôt alors que Hobbs (Dwayne Johnson) fait appel à sa « famille » (devenu l’équivalent motorisé de Mission Impossible), Torreto se retourne contre ses camarades. Aidé par l’organisation du mystérieux M.Personne (Kurt Russell) contraints de collaborer avec leur ennemi Deckard (Jason Statham) des rues de Manhattan à la mer arctique de Barrents, ils vont devoir empêcher la terroriste de déclencher un chaos nucléaire et ramener à eux leur ancien leader passé du coté obscur.
Peut-être à cause de la présence de tous les tauliers techniques de la franchise : le directeur de la photo Stephen F. Windon (sur les Fast depuis le trois Tokyo Drift) le monteur Christian Wagner (les Fast depuis le quatre mais aussi plusieurs films de Tony Scott) et bien sur le coordinateur des cascades le génial Spiro Razatos (les 4 derniers Fast, Captain America : Winter Soldier et Civil War) le nouveau réalisateur le pourtant solide F.Gary Gray (rompu aux poursuite en voitures avec Braquage à l’italienne, familier de Vin Diesel avec Un homme à part choisi après le triomphe de Straight Outta Compton pour Universal ) ne parvient pas à imposer sa marque et introduire des éléments stylistiques propres comme a pu le faire James Wan.
Écartons par avance le procès en « irréalisme » l’univers de F&F étant devenu plus proche de celui des « Avengers » que de « French Connection » si les précédents volets avaient définitivement laissé derrière eux les lois de la physique et de la physiologie ils gardaient une approche de l’action visant à donner à chaque scène un impact maximal pour galvaniser le spectateur. Ici les morceaux de bravoure si ils restent inventifs, le déferlement de « voitures zombies » dans New York en particulier, ne provoquent pas le même effet de souffle. La « pixelisation »de l’action et l’omniprésence des effets numériques rend le style visuel du film plus anonyme en particulier lors de la poursuite finale sur la glace qui évoque plus les heures sombres de « Meurs un autre jour » que la glorieuse poursuite de Fast 5. les décors naturels du film Cuba , les rues de New York ne sont pas intégrés à l’action autrement que sous forme de cartes postales.
Ce sont finalement deux fondamentaux de la saga qui sauve Fast & Furious 8 : l’abattage de sa troupe et l’imagination de son scénariste Chris Morgan. Même si cela peut prêter à sourire mais le travail du scénariste Chris Morgan est essentiel, il parvient à jongler avec une quinzaine de personnages (plus quelques cameos) élaborant une intrigue toujours plus rocambolesque avec des révélations digne des feuilletonistes du XIXe. Ce coté hellzapoppinesque fait partie du charme de la saga et joue beaucoup dans l’appréciation de ce volet. Il utilise la continuité pour bâtir une vaste arche narrative qui lie rétroactivement les intrigues des deux derniers volets à la manière du dernier Bond en date Spectre.
Dans ce dispositif Charlize Theron rejoint la saga incarnant avec gourmandise une version féminine des méchants Bondiens obsédés par l’atome. Autre nouveau venu Scott « The clone » Eastwood intègre l’équipe comme substitut à feu Paul Walker. Tous les autres membres de l’équipe rempilent sans exception, avec des fortunes diverses. Si le passage du coté obscur sied bien à Vin Diesel dont les scènes face à Theron fonctionnent , Dwayne « The Rock » Johnson pourtant plus présent a l’écran que dans le dernier opus semble ici en retrait, le film le cantonnant à des scènes de comédie à l’exception d’une belle scène d’émeute en prison. L’absence, d’une « baston » iconique est un gros point faible de Fast & Furious 8 par rapport à ses prédécesseurs. Faute d’un antagoniste d’envergure, l’homme de main incarné par Kristofer Hivju (Game of Thrones) étant trop léger aucune confrontation n’arrive à la cheville de celle qui opposait Diesel à Johnson dans Fast Five où des confrontations avec Jason Statham dans Furious Six. C’est justement ce dernier qui émerge comme le MVP de cet opus, le « Stat »à mi-chemin entre James Bond et un Pittbull toujours une lueur ironique dans le regard vole toutes ses scènes.