
Rupert Wyatt réalisateur anglais a un parcours assez chaotique après son La Planète des singes : Les Origines dont il avait fait un succès critique et commercial malgré une genèse compliquée. Son remake du Flambeur de Karel Reisz, The Gambler avec Mark Wahlberg est un échec et il quitte le projet d’adaptation du comic-book Gambit. Après un détour réussi par la télévision pour le pilote de la série dérivée du film L’Exorciste le revoici à la tete d’un film de SF dont il signe aussi le script et qui attire notre attention par une promo alléchante. Le film se situe une dizaine d’années après que la Terre ait été envahie par une force extra-terrestre et suit dans un quartier de Chicago les destins croisés d’une cellule de résistants et des autorités collaborationnistes qui les traquent en particulier le détective William Mulligan incarné par John Goodman. En dépit de son expérience dans les studios Wyatt donne à son film le feeling d »un film indépendant, il nous plonge dans une version de Chicago dans laquelle un vaisseau spatial extraterrestre ressemblant à une pointe de flèche géante décolle parfois sur le lac Michigan. Le centre-ville est une zone fermée où les habitants effectuent des travaux forcés aux services des extraterrestres qui vivent sous la ville. L’horizon a été réduit à un profil carbonisé, avec seulement quelques gratte-ciel toujours debouts parmi les décombres bombardés. Wyatt utilise une approche documentaire avec une caméra très mobile porté à l’épaule qui suit la plupart du temps ses protagonistes comme le ferait un reporter. Captive State s’inspire clairement dans son inclusion des éléments fantastiques dans le quotidien de films comme District 9 ou Cloverfield. Malgré son sujet de fantasy le film est plus proche de l’Armée des Ombres que de Independance Day se concentrant sur le conflit entre les autorités humaines – dirigées par Eugene Igoe (Kevin Dunn) et Bill Mulligan, le personnage incarné par John Goodman qui dirige une unité spéciale d’enquête – et un groupe d’insurgés rebelles dans une atmosphère qui veut évoquer les thrillers paranoïaques d’Alan J.Pakula.

Jonathan Majors incarne un héros de la résistance Rafe Drummond, présumé mort après avoir dirigé une insurrection manquée il y a quelques années. Ashton Sanders (Moonlight) incarne son petit frère Gabriel décidé à venger son frère et ses parents dont on assiste à la mort dans un bref prologue frénétique et déroutant (l’une des nombreuses fois où Captive State nous laisse délibérément dans le noir à propos de la situation dans son ensemble) se situant au cours de l’invasion. Alors que les frères Drummond sont censés être le cœur émotionnel du récit, Captive State faiblit quand il s’attarde sur leur relation, car Gabriel, Rafe et même Mulligan ne sont pas fondamentalement des protagonistes intéressants, les acteurs sont bons mais leurs personnages manquent de profondeur. Le film est meilleur quand Wyatt et sa co-scénariste Erica Beeney se concentrent sur le thriller d’espionnage et décrivent la préparation et l’exécution d’une attaque de résistants visant un rassemblement auquel assiste un membre de haut rang de l’alliance humaine qui coopère avec les extraterrestres. Ces derniers sont de forme humanoïde le corps couvert de filaments souples se transformant en épine d’oursin , les créatures évaporent leurs ennemis à distance via une sorte de vague sismique mais nous n’en sauront pas plus sur leur civilisation , leur hiérarchie et la motivation profonde de leur action. Ainsi ils ont confisqué tous les téléphones , ordinateurs et collectent toutes leurs données pour des raisons qui ne seront jamais expliquées. Wyatt fait le choix délibéré d’une rétention d’informations pour le spectateur ainsi la plupart des membres de la cellule de résistants n’ont pas été introduits avant l’action. Nous savons que Rittenhouse (Alan Ruck) travaille dans un journal, nous voyons Daniel (Ben Daniels) se changer d’une tenue de drag-queen et Anita (Caitlin Ewald) travailler sur une voiture dans un garage mais on ne saura pas plus sur eux ou sur les raisons de leur engagement. Ils ne sont qu’ un peu plus que des pions au service de l’attaque. Cette opacité rend difficile l’attachement du spectateur. Pourtant la séquence fonctionne malgré tout car les détails sur ses personnage sont immatériels, seule compte l’action. Le film établit très tôt que le quartier voisin de Wicker Park a été complètement détruit parce qu’un soulèvement y avait été organisé. L’enjeu est donc clair, tout comme la nécessité de se rebeller contre les occupants, ce qui crée encore de la tension même si la vie ou la mort de ces protagonistes a finalement peu d’importance. Malheureusement, l’insurrection n’est pas l’objet principal du film et les séquences autour de Gabriel et Mulligan alourdissent le film, en particulier dans son dernier acte. De même à la suite de cette séquence réaliste succède une autre mettant en scène des assassins extraterrestres assez gênante par le design des créatures qui semblent sorties d’une version italienne de Predator.

Captive State ressemble à la série télévisée Colony qui comme le film de Wyatt se concentrait sur une famille prise dans le conflit optant plutôt pour une approche plus réaliste qui se prêtait au mélodrame familial et au thriller d’espionnage. Mais Colony investissait du temps sur le développement des personnages , pas simplement sur les détails opaques des plans d’action des résistants. Captive State souffre d’avoir trop de personnages oubliables, trop peu d’investissement émotionnel et une résolution trop rapide à recommander vivement. Captive State joue la carte de la SF réaliste à hauteur d’hommes , comme une version de l’Armée des Ombres avec des Aliens, le travail caméra à l’épaule donnant de l’urgence l’action mais le film souffre d’une narration trop éclatée, de personnages pas assez marquants pour s’investir dans leur sort. Dommage.