SHAZAM! (Critique)

Il est difficile d’ imaginer aujourd’hui que le personnage, créé par C. C. Beck et Bill Parker en 1940,  fut plus populaire que Superman, au point d’être le premier super-héros adapté à l’écran. Son succès tenant à la qualité de ses dessins plus dynamiques et la force de son concept : un adolescent de l’age des lecteurs devient un super-héros en prononçant un mot magique. Après avoir fait suspendre sa publication dans les années 50  après des années de procès pour plagiat DC Comics a  finit par racheter les droits du personnage appelé à l’origine Captain Marvel rebaptisé définitivement Shazam en 2007 après des décennies de conflits avec Marvel Comics qui avait entre temps racheté  les droits sur le nom laissés vacants en 1967 pour un de ses personnages. Ironie de l’Histoire les films adaptés des deux personnages sortent à quelques semaines d’intervalle . Depuis l’avènement de Marvel Studios, Warner Bros. s’est lancé dans une véritable course pour rattraper son rival dans l’adaptation des comics DC confiant  à Zack Snyder la tache  d’enfanter d’un seul mouvement un univers partagé à partir de Man  Of Steel . La contradiction entre une approche guidée par la vision unique d’un auteur et celle d’un studio obsédé par le retours des fans et de la critique, en réaction perpétuelle aux succès du concurrent a fini par aboutir à l’échec de Justice League. Ce qui aurait du être l’aboutissement  de cette stratégie en  fut la fin de fait avec le départ de Snyder  (l’honnêteté imposant de dire que les scores de cette au box-office quoi qu’en dessous des objectifs furent plus qu’honorables). C’est à Walter Hamada  de la filiale New Line , producteur de la saga Conjuring, l’univers partagé le plus rentable de la firme que revint  la tache de reprendre en main le DCEU, se concentrant sur le succès de films indépendants les uns des autres,  orientation qui commença à porter ses fruits en tout cas au box-office avec le triomphe d’Aquaman première adaptation de DC Comics depuis Dark Knight Rises à passer la barre du milliard de dollars de recettes mondiales.

Paradoxalement Shazam! (qui fut toujours un projet New Line bien avant la vague actuelle de super-héros) est  le film DC qui a sans doute le mieux compris ce qui faisait la réussite de la « formule »  Marvel Studios : le mélange des conventions super-héroïques et de la mythologie des personnages  avec celles d’autres genres familiers du grand public dont on réplique l’esprit. Ainsi à la manière de Marvel qui avait fait de Spider-man Homecoming (les génériques de fin des deux films sont illustrés par une chanson des Ramones) un teen-movie dans l’esprit de La Folle journée de Ferris Bueller de John Hughes , si Shazam!  apparaît comme un mélange entre Big de Penny Marshall (auquel il rend  hommage au  travers d’un gag  lors d’un combat dans un magasin de jouets ) et  Superman . Mais c’est surtout vers les productions Amblin que lorgne le film de David F. Sandberg en particulier les Goonies (pour les aventures d’un groupe d’enfants) et surtout le Gremlins de Joe Dante pour la confrontation avec des monstres au moment de Noel (oui Shazam! est également un film de Noel !). Comme ces productions Spielberg,  des années 80 Shazam! est parfois  un peu trop effrayant et un peu trop violent pour son jeune public. Les racines du réalisateur  dans le cinéma d’horreur rejaillissent à plusieurs moments en particulier lorsque Sivana (Mark Strong) déchaîne ses créatures contre ses ennemis. Ces séquences renforcent le danger qu’il représente  et nous montrent la  profondeur de son ressentiment envers sa famille. Mais Sandberg transmet tout aussi bien l’émerveillement que la terreur  : Captain Mar…euh Shazam (le film a d’ailleurs un gag récurrent dans lequel personne ne sait vraiment comment l’appeler, en référence aux conflits juridiques liés à son nom) est le premier super-héros depuis longtemps a être enthousiaste à l’idée d’être un super-héros, exaltation que  le film  transmet au spectateur  lui permettant de s’investir pleinement dans l’histoire. Pour son troisième film (après Dans le noir   et Annabelle 2 : La Création du mal) et premier blockbuster le réalisateur suédois fait un excellent travail y injectant, avec un budget de 90 millions de dollars relativement modeste pour ce type de film , une belle énergie  à l’ensemble. Il  coordonne à la fois des séquences  d’action super-héroïques (dans lesquelles il reprend certains éléments stylistiques de Zack Snyder) , de comédie (les dialogues sont authentiquement drôles) et une pincée d’horreur.Comme dans ses films d’horreur il  tire le meilleur de ses jeunes comédiens tout en maintenant  une cohérence et une unité de ton malgré des éléments très disparates.

Une grande partie du charme de Shazam! tient dans l’échelle modeste de son histoire qui conserve néanmoins des enjeux dignes d’un film de super-héros. Le cadre  des scènes d’action qui va d’un magasin de jouets dans un centre commercial  à une fête foraine carnaval, s’accorde bien à la nature du film où les enjeux auquel fait face Billy Batson restent toujours pour lui à un niveau personnel . Si le sort du monde est aussi en jeu, l’essentiel pour lui est de  tenter de préserver  est sa nouvelle vie de famille . Son parcours  consiste pour ce gamin à trouver sa place dans le monde tout en devenant un héros. Le scénario Shazam! développé par Henry Gayden (Echo) et Darren Lemke (Chair de Poule, Jack le chasseur de géants ) effectue énormément de « world building » en un  temps plus court que l’Aquaman de James Wan sans jamais perdre de vue ce qui permet au personnage de se connecter au public. Les deux scénaristes montrent de façon réaliste ce que ferait un adolescent s’il acquérait le corps d’un super-héros à notre époque des réseaux-sociaux et de Youtube : devenir un phénomène viral, charger des téléphones, monétiser ses talents pour gagner de l’argent facile et acheter de la bière (ou au moins une tonne de malbouffe). Ils établissent par deux flash-backs  dés le début du film un parallèle entre les deux antagonistes du film unis par un traumatisme dans leur enfance : Billy  qui lutte avec un sentiment  d’abandon à cause de sa mère biologique (Caroline Palmer) et son adversaire Thaddeus Sivana  qui n’a jamais surmonté le rejet de son père. C’est à travers sa quête qui place Shazam sur son chemin que le scénario introduit le monde de la magie. Le film aborde la problématique d’univers partagé sous le bon angle,  plutôt que de chercher à subordonner les événements du film à ceux d’autres franchises Shazam! existe dans le même univers  que  Batman, Superman et Aquaman . Leur image est commercialisée (leurs symboles sont imprimés  sur des t-shirts, les jeunes enfants jouent avec leurs figurines) et  ils  sont idolâtrés par le public  comme des vedettes . S’il prend  davantage son inspiration dans les nouvelles origines du personnage de la période  New 52  (signés de Geoff Johns qui est aussi un des producteurs du film) que des histoires originales, le caractère  rebelle de Billy Batson et   l’aspect multiculturel de sa famille d’adoption en sont issus, l’amateur de comics sera très agréablement surpris par la quantité d’éléments adaptés du matériau d’origine.De manière directe ( Crocodile Man et planète Punkus y font une apparition !)  ou indirecte (la figure du tigre revient très souvent évoquant  Tawky Tawny le tigre parlant un des personnages secondaires les plus fameux du comics des années 50). Quand aux connaisseurs de l’histoire des adaptations de comics au cinéma seront amusés par le clin d’œil fait à l’adaptation avortée de Justice League par George Miller.

Les amateurs  de la série Chuck le savent Zachary Levi ,  a toujours été un acteur plein d’enthousiasme et il se saisit du rôle de Shazam avec une énergie débordante et un timing comique parfait.  Il capture si bien l’enthousiasme  enfantin de Billy Batson dans sa performance qu’il  rend naturel l’idée qu’il est en fait un enfant dans le corps (très musclé)  d’un adulte. Asher Angel est aussi très juste dans la façon dont il joue le  détachement volontaire de Billy, sa peur de s’attacher. Même avec ses nouveaux pouvoirs, Billy reste un enfant qui essaie de trouver sa place, marqué par le traumatisme de son abandon. La combinaison du charisme enfantin de Levi en Shazam et  de la rébellion d’Angel en Billy Batson, compose un personnage  complet et attachant même si à certains moments le contraste entre la nature  de ces deux facettes nous est apparu trop fort. Le liant entre les deux aspects de la double performance de Levi / Angel est assuré par leur entente avec Jack Dylan Grazer (Eddie Kaspbrak dans Ça) dans le rôle de Freddy Freeman l’ami de Billy obsédé par les super-héros qui va aider son ami à devenir le meilleur super-héros possible. Ce dernier a une véritable alchimie avec Levi et lui vole même parfois la vedette,  leur amitié  étant l’un des éléments clés de l’histoire, leur dynamique chaque fois qu’ils partagent l’écran contribue à  l’humour et  à l’émotion que procure le film.  La famille d’accueil de Billy est aussi très attachante et les jeunes comédiens (Grace Fulton, Jovan Armand,  Ian Chen, and Faithe Herman) parfaits. Mark Strong est familier des films de comics, ayant travaillé sur Green Lantern, les deux Kingsman et Kick-Ass incarne le vilain avec un mélange subtil de premier degré et de conscience de l’ironie du matériel qui permet de rendre son personnage authentiquement menaçant sans occulter les aspects parfois plus ridicules.

Conclusion : A la fois léger et joyeux, sincère et touchant parfois sombre, en filtrant les codes du film de super-héros au travers de ceux de la comédie adolescente Shazam! recapture un sens de l’émerveillement et l’optimisme qui avait manqué aux  derniers film du DCEU.

Ma Note B+

Shazam! de David F.Sandberg (sortie le 03/04/2019)

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