
Unique film réalisé par Gregory Widen, à qui l’on doit la version originale d’Highlander, The Prophecy. Cette œuvre confirme son penchant pour les récits impliquant des êtres immortels qui règlent leurs différends parmi les mortels. L’histoire explore un thème original : une guerre céleste entre les anges, ayant des répercussions sur le destin de l’humanité. L’archange Gabriel, interprété par Christopher Walken, éprouve de la jalousie envers l’attention que Dieu accorde à ses créations les plus récentes. Le maléfique Gabriel prévoit d’utiliser l’âme corrompue d’un vétéran de la guerre de Corée récemment décédé, un tacticien dérangé mais brillant, pour remporter la guerre civile sanguinaire qui fait rage au paradis. L’ange Michael, joué par Eric Stoltz a caché cette âme dans le corps d’une petite fille au sein d’une réserve indienne. Bientôt le destin de l’humanité va reposer entre les mains de Thomas Dagget un policier autrefois destiné à être prêtre, interprété par Elias Koteas qui va s’efforcer de protéger cette enfant, assisté dans sa quête par une enseignante, jouée par Virginia Madsen.

Widen construit une atmosphère sombre et mystérieuse, où les frontières entre le bien et le mal s’effacent. S’inspirant du poème « Paradise Lost » de John Milton, écrit en 1667 et relatant la chute de Satan et de ses anges rebelles, l’univers qu’il crée ne présente pas les anges comme de doux chérubins, mais plutôt comme d’implacables guerriers, presque des « tueurs à gages » de Dieu.. (D’ailleurs, c’est Gabriel, dans l’Ancien Testament, qui anéantit Sodome et Gomorrhe.) Avec son film (dont le titre original était « God’s Army »), Widen réalise une sorte de “Terminator théologique ». The Prophecy entretient également un lien thématique fort avec Highlander, les deux films explorent la lutte entre des êtres immortels, s’engageant dans des combats sanglants à travers les époques. Ces récits entremêlent des éléments fantastiques, historiques et bibliques, incorporant des figures telles que les anges ou les immortels. L’objectif de Widen était de créer un film plus fidèle à ses intentions initiales pour « Highlander« , explorant des questions existentielles sur la vie, la mort et la foi. Le récit met en scène des personnages en quête de sens à leur existence, confrontés à des dilemmes moraux profonds.

Le véritable atout du film réside indéniablement dans la performance de Christopher Walken, qui incarne avec un charisme et une présence à l’écran remarquables l’archange Gabriel, le chef charismatique des anges rebelles. Gregory Widen a choisi Walken en raison de sa capacité à donner vie à un personnage à la fois charismatique et effrayant, capable de basculer de l’humour au meurtre en un clin d’œil. Walken offre une prestation mémorable, donnant à cet archange exterminateur une personnalité à la fois amusante et inquiétante grâce à sa voix profonde et à ses et ses mimiques expressives. Il injecte une dose d’humour noir et de perversion à son personnage, fasciné par la souffrance humaine, prêt à tuer et à manipuler pour atteindre ses objectifs. Walken imprègne le personnage de sa propre personnalité, improvisant certaines répliques et jouant avec son apparence et ses accessoires. Affublé d’une perruque noir corbeau, de lentilles de contact bleues et d’un long manteau noir, il utilise même une trompette comme arme, la faisant retentir avant d’ôter la vie à ses victimes. Il fait de Gabriel un enfant gâté, aveuglé par des sentiments d’abandon. « Dieu ne me parle plus », jaloux de l’humanité qu’il qualifie de « singes parlants », s’amusant avec eux comme s’il s’agissait de simples jouets.

Produit par Dimension Films la branche de genre du Miramax des frères Weinstein The Prophecy peut en plus de Christopher Walken , cette série B a une distribution de qualité, avec des acteurs tels qu’Elias Koteas (qui a commencé sa carrière dans Les Tortues Ninja et a tenu un rôle majeur l’année suivante dans Crash de David Cronenberg) dans le rôle d’un ancien prêtre devenu policier. On retrouve également Virginia Madsen, Amanda Plummer et Eric Stoltz. Eric Stoltz, Amanda Plummer et Christopher Walken passeront directement du film étrange de Widen à Pulp Fiction de Tarantino (bien que sorti en 1995, The Prophecy a été tourné en juillet 1993; le tournage de Pulp Fiction a commencé en septembre).Stoltz incarne Michael, un ange qui se rebelle contre Gabriel et prend la responsabilité de protéger l’âme du colonel Hawthorne, décédé pendant la guerre du Vietnam. Cette âme, maléfique et convoitée par les deux camps, a le pouvoir de changer le cours du conflit. Michael la dissimule dans le corps d’une petite fille, Mary (Moriah ‘Shining Dove’ Snyder), et sacrifie sa vie en tentant de la sauver. Le personnage de Simon, un ange déchu avec une lueur de lumière en lui, développe une relation touchante avec Mary. Sa douceur, sa tendresse et sa noblesse contrastent fortement avec la cruauté de Gabriel. Face à cette situation, c’est à Thomas Dagget, interprété par Koteas, ancien étudiant en théologie devenu policier à Los Angeles, qu’incombe la mission de protéger Mary des intentions malveillantes de Gabriel.

The Prophecy nous réserve une surprise de taille avec l’apparition mémorable de Viggo Mortensen, qui incarne une version profondément perturbantes de Lucifer le premier ange déchu : le diable lui-même, Lucifer,. Il descend sur Terre pour contrecarrer les plans de Gabriel visant à déclencher une seconde guerre au paradis. Son entrée en scène intervient dans la dernière partie du film, lorsqu’il affronte Gabriel et propose à Thomas, le héros humain, de le rejoindre dans les ténèbres. À l’époque, l’acteur americano-danois n’est pas encore la star du Seigneur des Anneaux, mais se distingue déjà dans des rôles plus modestes, comme celui qu’il a tenu deux ans auparavant dans Carlito’s Way de Brian De Palma. Dans The Prophecy, il crée une figure à la fois effrayante et pathétique, adoptant une posture voûtée, des gestes nerveux et une expression mélancolique. Son interprétation de Lucifer est celle d’un être solitaire, banni de Dieu, souffrant de son absence. Il éprouve une forme de compassion envers les humains, qu’il considère comme ses frères, tout en les méprisant pour leur faiblesse et leur ignorance. La dynamique conflictuelle entre Gabriel et Lucifer, ajoute une dimension supplémentaire à l’intrigue du film. Il vole presque la vedette à Christopher Walken par son charisme, son intensité et sa subtilité. Il incarne parfaitement le côté sombre et fascinant de Lucifer dans la relation ambiguë qu’il entretient avec Thomas, faite de séduction et de menace.

Le scénario est bien construit mêlant habilement action, suspense, horreur et humour. L’histoire offre une perspective originale et ténébreuse de l’Ancien Testament, explorant des questions existentielles et théologiques sans sombrer dans la dualité simpliste ou le prosélytisme. Widen parvient à développer un univers, qui mélange le réel et le surnaturel avec une vraie cohérence.Gabriel est un antagoniste complexe et ambigu, magnifié par la performance mémorable de Christopher Walken. Stylistiquement, le film partage la même ambiance alternative et marginale que Near Dark (1986) et The Crow (1994), la mise en scène de Widen façonne une atmosphère à la fois mystique et oppressante. Fusionnant des éléments de fantasy, de noir et de road movie avec des moments de frayeur comme une séquence de rêve effrayante , ou la vision apocalyptique du massacre angélique en particulier. Bien que le film aurait pu gagner en spectaculaire et en rythme, souffrant de quelques longueurs et d’un manque de moyens au regard de ses ambitions, The Prophecy est techniquement propre, avec la photographie riche de Richard Clabaugh et Bruce Douglas Jones, et une belle bande-son de David C. Williams.
Conclusion : The Prophecy est un film qui sort du lot dans le genre de l’horreur fantastique, grâce à son scénario original et à sa richesse thématique.Le film atypique mais prometteur de Widen initiera une franchise avec quatre chapitres directement sortis en vidéo de qualité variable au cours de la décennie suivante. Walken a pris congé après le troisième volet décevant de l’an 2000, intitulé The Ascent.
Ma Note : B
The Prophecy de Gregory Widen (sorti le 01/09/1995 aux USA)
Merci pour cette belle critique d’un film atypique et injustement méconnu. Injustement oublié après sa sortie il refait étonnement surface aujourd’hui grâce au support vidéo, dans des éditions prestigieuses.