
Mission: Impossible – The Final Reckoning (initialement intitulé Dead Reckoning Partie 2) porte les stigmates d’un changement de cap stratégique. Après l’accueil mitigé de Dead Reckoning Partie 1 au box-office, la production a pivoté, recentrant le marketing sur l’idée que ce film pourrait clore la franchise. Ce choix se reflète dès l’ouverture, qui remplit habilement un double rôle : résumer les enjeux du premier volet pour les nouveaux spectateurs tout en instillant l’illusion d’un contexte inédit, détaché du précédent. Pourtant, cette façade ne masque pas longtemps une vérité évidente : The Final Reckoning est, dans une large mesure, un remake brouillon de Mission : Impossible Fallout (2018), qui en recycle les éléments clés, notamment une séquence finale quasi identique, mais sans en restituer la maîtrise narrative ou l’énergie cinétique.
Si Fallout brillait par son rythme effréné et son intrigue bien huilée, enchaînant les séquences avec une précision d’horlogerie, la structure narrative fragile de The Final Reckoning peine à maintenir une cohérence. Le film s’articule autour de deux grandes séquences d’action spectaculaires, mais le tissu conjonctif entre elles est ténu, reposant sur une succession de scènes d’exposition. Ces interludes sont portés par une pléiade de seconds rôles prestigieux. Nick Offerman, Holt McCallany, et même Tramell Tillman (révélation de Severance), intégré lors des reshoots, apportent du relief à des personnages sous-écrits. Tillman, en particulier, parvient à insuffler une énergie inattendue à un rôle limité, mais ces efforts ne suffisent pas à compenser un manque de dynamisme global. La grande absente, Rebecca Ferguson, dont le personnage d’Ilsa Faust était un pilier des épisodes précédents (Rogue Nation, Mission : Impossible Fallout, Dead Reckoning Partie 1 ), laisse un vide criant. La chimie électrique entre Ferguson et Tom Cruise, mêlée d’une tension romantique subtile et d’une camaraderie complexe, apportait une profondeur émotionnelle à la franchise. De plus, l’ambiguïté morale d’Ilsa – à la fois alliée et énigme – insufflait une tension narrative constante, maintenant le spectateur en haleine. Sans elle, The Final Reckoning perd une dynamique essentielle. Les interactions entre Ethan Hunt et les autres personnages, notamment celui de Hayley Atwell, semblent fades en comparaison, privant le film d’un ancrage émotionnel et d’une complexité dramatique qui auraient pu compenser ses faiblesses structurelles.
Visuellement, le film oscille entre ambition et régression. Fraser Taggart, qui avait insufflé une palette colorée à Dead Reckoning Partie 1 qui se distinguait justement du travail de Rob Hardy dans Fallout, revient ici à une photographie plus sombre, évoquant le style ténébreux de son prédécesseur. Ce choix crée une atmosphère pesante, parfois au détriment de la lisibilité. La séquence sous-marine, bien que soignée et dotée d’une esthétique presque kubrickienne (jeux de lumière froids et composition méticuleuse) malgré une ambiance ambiance oppressante, illustre les limites du suspense dans ce type d’environnement. Le manque de tension viscérale, comparé aux scènes aériennes ou de poursuites emblématiques de la franchise, est patent. Heureusement, la séquence finale impliquant des biplans rachète ces faiblesses. Tom Cruise, en véritable star kamikaze, renoue avec des cascades extrêmes qui captivent par leur audace. Cette scène, portée par une énergie brute, rappelle pourquoi la saga reste une référence en matière d’action.
Le traitement des personnages constitue un autre point faible. Le méchant, incarné par Esai Morales, sombre dans une caricature cartoonesque de Joker ricanant, perdant la menace subtile qu’il incarnait dans le premier volet. Hayley Atwell, en pickpocket charismatique dans Dead Reckoning Partie 1, est reléguée à un rôle utilitaire, dépouillée de son mordant. Pom Klementieff, dont le personnage de tueuse froide évolue vers une figure plus excentrique, presque comique, rappelle davantage sa Mantis des Gardiens de la Galaxie qu’une agente crédible de Mission: Impossible. Ce virage, accentué par des dialogues en français, désarçonne plus qu’il ne convainc. Tom Cruise lui-même, habituellement infaillible dans son rôle d’Ethan Hunt, semble en pilotage automatique. Ses réactions, bien rodées, manquent de la touche d’intensité ou de nuance qu’il apportait autrefois, donnant l’impression d’un acteur qui recycle plus qu’il n’innove.
Le film tente de tisser des liens avec les épisodes précédents pour donner une cohérence rétrospective à l’ensemble de la saga, mais ces efforts sont souvent maladroits. La référence au personnage de Rolf Saxon, William Donloe (l’analyste de la CIA dupé dans le premier Mission: Impossible), est une rare réussite, ancrant le film dans une continuité appréciable pour les fans. En revanche, d’autres clins d’œil, comme la mention du Rabbit’s Foot de Mission: Impossible III ou le traitement du personnage de Briggs (Shea Whigham), frisent le ridicule, alourdissant l’intrigue sans lui donner de profondeur. Enfin, le recours systématique à des comptes à rebours impliquant des bombes nucléaires, un trope récurrent de la saga, perd ici de son efficacité. Ce gimmick, autrefois haletant, semble usé, manquant d’originalité pour maintenir la tension.
Conclusion : Mission: Impossible – The Final Reckoning n’est pas dénué de qualités. Ses séquences d’action phares, notamment celle des biplans, et quelques performances secondaires solides rappellent le savoir-faire de la franchise. Cependant, en se contentant de recycler des idées de Fallout sans en retrouver l’élan narratif ou l’inventivité, le film déçoit. Entre une intrigue décousue, des personnages sous-exploités et une tentative maladroite de boucler la saga, il ne parvient pas à s’élever au niveau des meilleurs opus. Si c’est véritablement la dernière mission d’Ethan Hunt, elle laisse un goût d’inachevé, malgré l’engagement indéniable de Tom Cruise dans ses cascades.