PREDATOR (1987)

Certains films ne vieillissent pas,  traversent les décennies avec une vigueur intacte, comme s’ils avaient été forgés dans une matière indestructible. Predator, réalisé par John McTiernan et porté par Arnold Schwarzenegger, appartient à cette catégorie. Mêlant science-fiction, horreur et action musclée, Predator est bien plus qu’un simple divertissement : c’est une œuvre fondatrice, un manifeste visuel et sonore du cinéma de genre des années 1980.

L’histoire de Predator commence par une blague hollywoodienne : après Rocky IV, certains plaisantaient en disant que le seul adversaire restant pour Stallone serait un extraterrestre. Les frères Jim et John Thomas prennent cette idée au sérieux et écrivent Hunter, un scénario où un alien traque des soldats dans la jungle. Le projet séduit le producteur Joel Silver (Commando, Lethal Weapon), qui y voit l’occasion de fusionner deux genres populaires : le film de guerre et la science-fiction. Le studio 20th Century Fox donne son feu vert, et John McTiernan, alors jeune réalisateur, est choisi pour diriger le film. Ce sera son premier grand succès, avant Die Hard (1988) et The Hunt for Red October (1990). Le film puise ses influences dans Alien, Deliverance et les récits de survie, tout en s’inscrivant dans la tradition du cinéma d’action viril des années Reagan. Pour McTiernan, Predator est une rampe de lancement. Il y développe une grammaire visuelle qui deviendra sa signature : caméra fluide, tension croissante, usage intelligent de l’espace. Le film est une démonstration de sa capacité à orchestrer le chaos tout en maintenant une lisibilité parfaite. Joel Silver, quant à lui, impose son style de producteur flamboyant. Il réunit un casting de « gros bras » et mise sur l’efficacité narrative. Son flair commercial ne nuit jamais à l’ambition artistique du projet. Predator est l’un de ses coups de maître, aux côtés de Lethal Weapon et The Matrix.

Le design du Predator est l’un des plus iconiques du cinéma. Initialement, Jean-Claude Van Damme devait incarner la créature dans un costume insectoïde, mais le résultat est jugé ridicule. Stan Winston, maître des effets spéciaux (Terminator, Aliens), est alors appelé à la rescousse. Inspiré par une conversation avec James Cameron, il ajoute les célèbres mandibules et crée une silhouette à la fois humanoïde et monstrueuse. Le costume, porté par Kevin Peter Hall, est une prouesse technique. Il permet une gestuelle expressive et une présence physique impressionnante. Le Predator devient une figure mythologique, un chasseur rituel, presque noble dans sa brutalité. McTiernan filme la jungle comme un personnage à part entière : oppressante, vivante, menaçante. Il joue sur les contrastes entre les commandos surarmés et la nature sauvage, entre la technologie et l’instinct. La caméra épouse les mouvements des soldats, puis se fige lorsque le Predator entre en scène, créant une tension presque insoutenable. Le montage, signé Mark Helfrich et John F. Link, est d’une précision chirurgicale. Il rythme le récit avec une efficacité redoutable, alternant scènes d’action frénétiques et moments de silence angoissant. La montée en puissance est progressive, jusqu’à l’affrontement final, véritable ballet primal entre Dutch et le Predator. L’affrontement final entre Dutch et le Predator est une leçon de mise en scène. Dépouillé de ses armes, couvert de boue, Dutch redevient un homme primitif. Il affronte la créature dans un duel de ruse et de force, où la technologie est mise en échec. Le Predator, en retirant son masque et ses armes, reconnaît la valeur de son adversaire. Ce geste, presque chevaleresque, donne au film une dimension tragique. La scène finale, où le Predator déclenche son autodestruction, est une apothéose visuelle et sonore, un cri de rage et de solitude.

Arnold Schwarzenegger, dans le rôle de Dutch, incarne l’archétype du héros stoïque. Son jeu, minimaliste mais puissant, repose sur la présence physique et le regard. Il passe de la domination à la vulnérabilité, puis à la ruse, dans une trajectoire quasi mythologique. Ce rôle, aux côtés de Terminator et Total Recall, scelle son statut d’icône du cinéma d’action. Autour de lui, une galerie de personnages hauts en couleur : Carl Weathers (Dillon), Jesse Ventura (Blain), Bill Duke (Mac), Sonny Landham (Billy). Chacun apporte une nuance, une énergie, une voix. Leurs interactions, souvent ponctuées de répliques cultes, donnent au film une dimension fraternelle et tragique. Kevin Peter Hall, dans le costume du Predator, mérite une mention spéciale. Sa gestuelle, sa posture, son regard à travers le masque, donnent vie à une créature complexe, à la fois terrifiante et fascinante.

La musique d’Alan Silvestri (Back to the Future, Forrest Gump) est un chef-d’œuvre de tension orchestrale. Elle mêle percussions tribales, cuivres menaçants et motifs dissonants. Le thème principal, martelé et syncopé, évoque la traque, la peur, la survie. Silvestri utilise le silence avec intelligence, laissant parfois la jungle parler. Les bruitages – craquements, respirations, sons de vision thermique – participent à l’immersion. La bande-son est un personnage à part entière, qui dialogue avec l’image. À sa sortie, Predator reçoit des critiques mitigées, certains le jugeant trop violent ou trop simpliste. Mais le public adhère immédiatement. Le film devient un succès commercial et un objet de culte. Il engendre des suites, des crossovers (Alien vs Predator), des comics, des jeux vidéo. Le film influence des réalisateurs comme Robert Rodriguez (Predators), Dan Trachtenberg (Prey) ou Gareth Edwards (The Creator). Il inspire des œuvres où la nature, la technologie et la survie s’entrelacent.Plus de trente-cinq ans après sa sortie, Predator reste d’une modernité troublante. Il interroge notre rapport à la violence, à la nature, à l’altérité. Il montre que la force brute ne suffit pas, que l’intelligence et l’humilité sont les clés de la survie. Le film parle aussi de masculinité, de fraternité, de sacrifice. Il ne glorifie pas la guerre, mais la confronte à ses limites. Il nous rappelle que, face à l’inconnu, nous sommes tous vulnérables.

Conclusion : Predator est bien plus qu’un film d’action : c’est une œuvre sensorielle, philosophique, mythologique. John McTiernan y déploie une mise en scène virtuose, et Arnold Schwarzenegger une incarnation inoubliable. Le film nous parle de peur, de courage, de ruse. Il nous plonge dans une jungle où l’homme n’est plus le prédateur, mais la proie. Et il nous laisse, à la fin, avec une question : que reste-t-il de notre humanité quand tout est perdu, sauf l’instinct ? Un classique, un choc : Predator,

Ma note : A

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