
Highest 2 Lowest, réalisé par Spike Lee est une relecture contemporaine du classique High and Low d’Akira Kurosawa, transposé dans l’univers tumultueux de l’industrie musicale nord-américaine. Tout en rendant hommage à l’œuvre originale, Lee s’approprie le matériau pour aborder des thématiques contemporaines qui, bien qu’ambitieuses, ne réussissent pas toujours à s’imposer de manière homogène. La mise en scène de Spike Lee insuffle une énergie visuelle et narrative au film, notamment dans sa seconde moitié. Le mélange de plans audacieux, de mouvements de caméra dynamiques et de ruptures de ton est une renaissance créative pour le réalisateur entamé déjà avec Da Five Bloods. Certaines scènes — notamment le passage dans le métro, ou l’intégration des festivités de quartier — sont parmi les plus puissantes de sa filmographie récente. Lee est capable de transcender l’hommage à Kurosawa pour produire un film à son propre style. A 68 ans il ose des moments de mise en scène audacieux ou des expérimentation formelles : transitions visuelles, ruptures de ton, montage audacieux, usage du ralenti, insertion de séquences musicales ou festives comme des respirations dramatiques. Tout n’est pas réussi mais quand elles fonctionnent le résultat est exaltant comme sa manière de filmer le métro, de croiser les trajectoires, d’imbriquer images de foule et destin individuel.
Le film est porté par la présence centrale de Denzel Washington qui incarne le protagoniste David King avec une combinaison de solennité, d’ironie et de gravité, réussissant à porter à lui seul beaucoup des dilemmes émotionnels du film. Son timing et sa stature constitue un point d’ancrage solide pour un film par ailleurs inégal. Cependant, bien que Denzel Washington brille de mille feux, le film souffre d’un déséquilibre dans le traitement de ses personnages secondaires. Les membres de sa famille, les ravisseurs et son entourage sont souvent trop stéréotypés, manquant de profondeur et d’exploration. Cela crée une dynamique où le protagoniste paraît presque isolé , ce qui affaiblit le poids dramatique des dilemmes qu’il affronte.
Highest 2 Lowest est une réinterprétation audacieuse du matériau original mais ne se contente pas d’un simple remake, il emprunte au film de Kurosawa pour explorer des dynamiques culturelles contemporaines. En transposant le dilemme moral du film original dans le cadre de l’industrie musicale, Lee explore les enjeux de pouvoir, la question raciale et les identités urbaines. Cette approche est pertinente et audacieuse, même si Lee est finalement peu intéressé par la mécanique du thriller. Loin de se concentrer exclusivement sur le suspense, le film s’illustre par une exploration des tensions créées par les relations entre les artistes et les grandes maisons de disques. Lee s’attaque à des thématiques telles que la valeur artistique face à la logique financière, les rapports raciaux au sein des élites et la fragilité des identités urbaines.
La reconstitution de la ville de New York dans Highest 2 Lowest est magistrale. Spike Lee parvient à capturer la pulsation urbaine unique de la « Grosse Pomme », intégrant les quartiers populaires, les manifestations culturelles de rue et l’ambiance du métro. Les sons entrelacés de rap, de jazz et de musique de rue contribuent à créer une dimension immersive qui renforce l’impact. La musique dans Highest 2 Lowest n’est pas simplement un élément de décor, mais un véritable moteur narratif. En reflétant le passé et le présent du personnage principal, elle établit des liens entre les mondes « du haut » et « du bas ». Les transitions audacieuses entre les musiques de rue et une partition orchestrale plus conventionnelle illustrent brillamment les tensions sociales et morales. Ce choix audacieux de Lee enrichit la narration et offre une profondeur à l’ensemble de l’œuvre.
Le film commence de manière quelque peu laborieuse, étirant son exposition sans véritable tension, la seconde moitié bénéficie d’un crescendo dramatique réussi. Les enjeux matériels et émotionnels se cristallisent, notamment lors de la séquence du transport du sac de rançon. Ces moments, où les tensions atteignent leur paroxysme, sont parmi les plus réussis du film. Cependant, le film ne parvient pas toujours à maintenir ce niveau de tension. La richesse thématique, bien que prometteuse, n’est pas toujours exploitée de manière optimale. Les dilemmes moraux qui traversent le personnage de David King sont souvent éclipsés par des dialogues parfois creux et des motivations superficielles. Ces incohérence nuisent à l’impact global du récit. Le dilemme moral — cette tension entre ce que l’on doit faire et ce que l’on peut faire — est au cœur de Highest 2 Lowest. Le parcours de David King est jonché de décisions difficiles, de zones grises où le bien et le mal sont souvent indistincts. Ce thème, bien que central, est parfois desservi par un manque de profondeur dans le traitement des personnages secondaires, entraînant un déséquilibre dans la narration. . Si Washington parvient à porter le poids émotionnel de l’œuvre, les autres personnages semblent souvent manquer de nuances, rendant les interactions moins impactantes.
L’audace de Spike Lee dans ses expérimentations visuelles et narratives est à saluer, mais cette même audace peut également nuire à l’unité tonale du film. Highest 2 Lowest oscille entre drame, thriller, moments festifs, séquences musicales et ruptures méta-textuelles, le film semblant hésiter entre être un thriller haletant et une méditation urbaine, nous laissant parfois dans une certaine confusion. Malgré ces imperfections, Highest 2 Lowest est un film séduisant par son ambition et sa portée. Bien qu’il soit entaché de défauts d’écriture et de rythme, il offre des moments de grande satisfaction. La puissance visuelle du film, la performance magistrale de Denzel Washington et l’atmosphère urbaine vibrante sont autant d’éléments qui font briller Highest 2 Lowest
Conclusion : Highest 2 Lowest est une œuvre riche qui explore des thématiques contemporaines à travers la lentille de l’industrie musicale, portée par la performance magistrale de Denzel Washington. Bien que le film souffre de quelques imperfections en termes d’écriture et de rythme, la mise en scène audacieuse de Spike Lee offre une expérience immersive et dynamique. Avec un autre réalisateur, le traitement du pitch aurait sans doute pu décevoir, mais Lee, avec ses idiosyncrasies distinctes, parvient à transcender les limites du scénario. Grâce à cette collaboration entre un réalisateur en pleine forme créative et un Washington rayonnant, on passe un bon moment devant ce Highest 2 Lowest.