INTERSTELLAR (2014)

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Christopher Nolan reprend un projet écrit par son frère Jonathan pour Steven Spielberg, basé sur les recherches du physicien Kip Thorne, et entraîne Matthew McConaughey dans une odyssée spatiale visant à sauver l’espèce humaine, menacée d’extinction. Le réalisateur de The Dark Knight et Inception ne manque pas d’ambitions, mais atteint-il son objectif ? (roulements de tambours) Mon avis juste après ça… Dans un futur indéterminé, l’humanité fait face à sa propre extinction, ayant épuisé toutes les ressources naturelles. Cooper (interprété par McConaughey), ancien astronaute devenu fermier, abandonne sa famille pour rejoindre une expédition qui utilise un « trou de ver » récemment découvert afin de dépasser les limites du voyage spatial et trouver une nouvelle planète habitable.

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Walter Mitty, Bruce Wayne et le Tom Cruise d’Oblivion lui avaient pourtant donné rendez-vous à cet endroit!

Évacuons d’abord la question des influences : lorsqu’on s’attaque à un film de Hard SF métaphysique (la science-fiction sans chevaliers Jedi, en gros) ambitieux comme celui-ci, et qu’on déclare son admiration pour Stanley Kubrick, l’ombre de 2001, l’Odyssée de l’espace plane inévitablement. Lorsque notre héros abandonne sa famille dans l’Amérique profonde pour suivre de mystérieux signaux dans l’espace, Rencontres du troisième type n’est pas loin. De même, les explorateurs d’Interstellar rappellent les pionniers de l’aventure spatiale de L’Étoffe des héros de Philip Kaufman. Ces influences sont pleinement assumées, révélées à travers des traits d’humour et des clins d’œil, comme la forme un peu « monolithique » des robots du film, et sont parfaitement digérées. Interstellar n’est en rien un pastiche ; il porte toutes les obsessions graphiques et narratives de son auteur.

On y retrouve la combinaison de majesté et de classicisme qui marque la composition de ses plans, ainsi que sa prédilection pour les prises de vue réelles et les techniques classiques d’effets visuels, à l’opposé des fonds verts et des effets numériques. L’obsession du temps et de sa relativité, qui traverse son œuvre depuis Memento jusqu’à Inception, est ici au centre du film. Du point de vue narratif, Nolan utilise les lois de la physique quantique sur lesquelles s’appuie le scénario pour établir des « règles » qui lui permettent, comme dans Inception, de jouer avec la temporalité de son film. Certains trouveront trop didactique sa manière de faire énoncer explicitement ces règles par ses personnages. J’y vois, au contraire, une attention à ne jamais se placer « au-dessus » de son public ; il est explicite uniquement lorsque la science ne doit pas entraver les effets dramatiques. Au final, j’ai trouvé les règles quantiques du film plus faciles à suivre que celles, pourtant complètement imaginaires, d’Inception ; jamais on ne se perd dans la structure parfois complexe du film. L’implication de Jonathan Nolan n’est pas anodine, tant il a montré sa maîtrise des structures complexes dans Memento et The Dark Knight (mais pas dans Inception). Vous ne verrez pas passer les presque trois heures du film, car les frères Nolan relancent régulièrement leur moteur narratif par des retournements de situation et de point de vue. En plaçant dans le deuxième acte un crescendo de scènes très intenses, ils permettent au spectateur d’être ouvert à une partie plus métaphysique. Ce dernier acte, souvent perçu comme « casse-gueule » dans ce type de superproduction, sera certainement le plus controversé. Pour ma part, j’ai trouvé que Nolan s’en sortait avec les honneurs. Quelle que soit votre opinion, combien de réalisateurs actuels opèrent à ce niveau ? Sa conclusion me paraît totalement satisfaisante, en cohérence avec les thèmes précédents.

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Cooper (McConaughey) et Murph (Mackenzie Foy)

C’est une des constantes de son cinéma : offrir des films d’une ambition formelle et narrative immense tout en restant de grands films populaires de divertissement. Je ne partage pas le portrait de Nolan en auteur « froid », tant son cinéma m’a toujours semblé être chargé d’émotion. Il aborde, cependant, de façon plus directe des séquences émouvantes, comme celles qui réunissent Cooper et sa fille Murph (interprétée par Mackenzie Foy). Parmi les grands thèmes que sont la place de l’homme dans l’univers et la nature des liens entre les parents et leurs enfants, ce dernier est primordial dans le film. Cela donne lieu à l’une des scènes les plus poignantes de sa filmographie : le déchirant départ de Cooper (entraperçu dès le premier teaser), avec son fondu-enchaîné entre la voiture qui l’amène loin de son foyer et la fusée qui l’emportera au-delà de l’espace connu.

Comme toujours chez Nolan, le casting est vaste, bâti autour d’acteurs en plein essor ( Matthew McConaughey et Jessica Chastain), de collaborateurs réguliers ( Anne Hathaway et Michael Caine, pour leur sixième collaboration), et de revenants qu’il relance ( Wes Bentley et Topher Grace). L’attraction principale est bien sûr Matthew McConaughey, qui, depuis sa réinvention de carrière, est « in the zone », comme ont pu l’être à des époques différentes un De Niro ou un Pacino.

L’acteur texan endosse l’archétype du héros rebelle typiquement américain. Sa présence magnétique m’a rappelé rien de moins que Steve McQueen, le « king of cool ». J’avoue qu’au début du film, j’ai trouvé qu’il se reposait un peu trop sur le jeu qui a fait son succès, avec ce phrasé si particulier et cet accent traînant caractéristique. Mais en quelques scènes très fortes, il montre l’étendue de sa palette, nous faisant ressentir tout le déchirement de son personnage tiraillé entre son esprit d’aventure et la culpabilité vis-à-vis de la famille qu’il laisse derrière lui. Le reste du casting est à l’unisson, avec Jessica Chastain, impeccable dans un rôle qu’on ne peut pas dévoiler, et Anne Hathaway, qui incarne une scientifique accompagnant Cooper dans son odyssée. Mention spéciale à la performance vocale de Bill Irwin, qui prête sa voix au robot TARS, donnant une personnalité attachante à ce robot au design utilitaire, faisant de lui le meilleur robot de cinéma, à mes yeux, depuis C-3PO.

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Cooper (Matthew McConaughey), Brand (Anne Hathaway) et Romilly (David Gyasi) jouent au jeu de la boite mystere…

La direction artistique du film, confiée à Nathan Crowley, membre de l’équipe Nolan, donne un aspect réaliste et crédible au futur et à la technologie d’Interstellar (quel succès que le design des robots qui accompagnent l’expédition !). Il offre à cette terre à bout de souffle, balayée par des tempêtes de poussière, des échos de l’Amérique de la Grande Dépression. Le directeur de la photo « historique », Wally Pfister, ayant quitté Nolan pour passer à la réalisation, le film marque la première collaboration de Nolan avec Hoyte Van Hoytema (directeur de la photographie de Her de Spike Jonze et du prochain James Bond). La transition est assez harmonieuse, même si je préfère Pfister ; je dois admettre que Hoytema compose des plans saisissants.

La collaboration entre Hans Zimmer et Christopher Nolan est en passe d’entrer dans l’histoire, comme celles de Spielberg et Williams ou de Leone et Morricone. Cela se démontre une fois de plus avec Interstellar. Si la musique se fait relativement discrète au début, Zimmer lâche enfin les chevaux lors d’une scène d’arrimage dantesque, où une envolée de grandes orgues confère aux plans monumentaux de Nolan une dimension biblique.

Conclusion : Interstellar est à la fois un grand film de Hard SF, dans la tradition des œuvres d’Arthur C. Clarke ou d’Isaac Asimov, mais aussi un film d’aventures traversé par un souffle épique, un survival haletant et un mélodrame lyrique. C’est un spectacle total d’une grande puissance émotionnelle. Embarquement immédiat !

Ma note A

Interstellar de Christopher Nolan

Sortie le 05/11/2014

Introduction de Matthew McConaughey lors de l’avant premiére au Grand Rex le 31 octobre 2014

La bande-annonce :

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