[Blast from the past] Class 1984 – un justicier dans le lycée

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Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… le temps glorieux de la VHS et des films d’exploitation, pour évoquer l’un de mes films cultes : le drame poignant sur la faillite du système éducatif américain, j’ai nommé Class 84 de Mark L. Lester. Le cinéma d’exploitation fut un genre florissant à l’époque des cinémas de quartier et de la VHS triomphante. Réalisés avec des moyens limités, ces films n’avaient d’autre ambition que de générer des gains rapides, surfant sur les vagues de succès antérieurs et exploitant des thèmes sensationnalistes tels que sexe, violence, drogue, nudité, monstres et gore. Ces choix thématiques font de ce cinéma un plaisir coupable pour de nombreux spectateurs ! Rien ne représente mieux ce genre que ce film qui a marqué ma jeunesse : l’excellent Class of ’84, connu chez nous sous le titre Class 1984.

Class 84 porte distinctement la marque du pur film d’exploitation, s’ouvrant sur un avertissement percutant et un brin putassier : « Ce film est basé sur des faits réels, même si peu de lycées ressemblent à celui-ci aux États-Unis. » Il arrive en pleine « révolution conservatrice », un vaste mouvement réactionnaire qui touche la société américaine après l’élection de Ronald Reagan, fusionnant des genres parmi les plus réactionnaires : le film d’auto-justice, dont l’archétype reste l’excellent et ambigu Death Wish (Un Justicier dans la ville), et les films matérialisant l’angoisse face à la jeunesse (le mouvement punk n’est pas loin) et à la faillite du système éducatif. Class 84 constitue la version hardcore du classique Graine de violence de Richard Brooks, une fois retirés, bien sûr, tous les messages antiracistes et progressistes.

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Le professeur Norris (Perry King) protège le jeune Arthur ( Michael J.Fox) de Peter (Timothy van Patten) et sa bande

Le motif familier des films de vengeance est ici respecté à la lettre : il s’agit de plonger un protagoniste libéral (un gauchiste, quoi) dans un bain de violence, qui finit par réaliser que face à la racaille, les bons sentiments ne valent rien, et finit par appliquer une loi du Talion bien sentie.

Notre héros, un jeune professeur de musique idéaliste fraîchement nommé au lycée de Lincoln, est interprété par Perry King (vu dans The Warriors, une des grandes influences du film). Il se confronte rapidement à un spécimen particulièrement vicieux de délinquant juvénile : Peter Stegman. Il tente d’abord le dialogue, mais se trouve bientôt l’objet de pressions et de menaces lorsqu’il réalise que Stegman dirige un trafic de drogue au sein même de l’établissement.

Bien que le fond soit puant, on prend néanmoins un plaisir malsain à regarder le film, qui bénéficie du savoir-faire de Mark Lester. Ce dernier sait faire monter la tension et orchestrer une violence gore de bon aloi. Ce même talent lui vaudra de réaliser le fantastique Commando avec Arnold Schwarzenegger. Le script astucieux, signé Tom Holland, pur produit des années 80, est également l’auteur de la suite de Psychose et a mis en scène deux classiques cultes : Vampire, vous avez dit vampire ? et, bien sûr, Child’s Play, qui marque la première apparition de la poupée Chucky.

Les méthodes éducatives de Terry Corrigan (roddy Mcdowall) ne conviennent pas ua pauvre Peter Stegman (timothy van Patten)
Les méthodes éducatives de Terry Corrigan (roddy Mcdowall) ne conviennent pas ua pauvre Peter Stegman (timothy van Patten)

Côté casting, on note une apparition du jeune Michael J. Fox, et bien que le brave Perry King soit assez léger, le film brille par deux performances marquantes. Roddy McDowall, le Cornelius de La Planète des singes, incarne un professeur au bout du rouleau, mais surtout, le jeune Timothy Van Patten compose un des vilains les plus abjects du cinéma B : veule et violent. Le script, habilement écrit, laisse entrevoir une possibilité de rédemption pour ce personnage, qui a un talent pour le chant, mais il s’avère complètement irrécupérable, s’en prenant même à l’épouse enceinte du héros. C’est simple, même Gandhi souhaiterait le voir mort ! Heureusement, grâce à Mark Lester, ami de l’outillage, il connaîtra dans le film une fin qui lui est digne ! Le jeune Van Patten, bien qu’il n’ait pas poursuivi sa carrière d’acteur, s’est reconverti avec succès dans la mise en scène, ayant dirigé des épisodes de The SopranosThe WireDeadwoodBoardwalk EmpireRomeThe Pacific et Game of Thrones !

L’ambiance anxiogène du film doit beaucoup à la bande originale du légendaire Lalo Schifrin (compositeur de Mission ImpossibleDirty HarryEnter the Dragon), et se termine par l’excellente chanson I Am the Future, interprétée par Alice Cooper. D’autres films emprunteront ce modèle de série B, comme The Substitute avec Tom Berenger ou 187: Code meurtre avec Samuel L. Jackson, mais Class 84 reste le précurseur et le meilleur de ce sous-genre, se payant même le luxe d’être prophétique, puisque de nombreux lycées américains s’équiperont, comme dans le film, de détecteurs de métaux à l’entrée ! Quelques années plus tard, Mark Lester tentera de réanimer la franchise avec une suite encore plus « bis », confrontant les délinquants à des professeurs-robots façon Terminator dans Class of 99 !

Conclusion : Alors, que vous soyez un amateur de films d’exploitation ou un néophyte, Class 84 mérite d’être redécouvert, non seulement pour ses défauts et ses excès, mais aussi pour la question provocante qu’il soulève : jusqu’où serions-nous prêts à aller pour restaurer l’ordre dans un monde chaotique ? Si vous tombez dessus n’hésitez pas : réunissez des potes, ouvrez des bières et découvrez cette perle. Mais n’oubliez pas de vous doucher après !

Ma note : B+

Et la bande-annonce d’époque :

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