
La suite d’Avengers, avec toujours à la barre, pour la dernière fois, Joss Whedon (Buffy contre les vampires, The Cabin in the Woods) convoque l’un des vilains les plus emblématiques des comics, le robot génocidaire Ultron, tout en introduisant trois nouveaux Avengers parmi les plus célèbres : la Sorcière Rouge (Martha Marcy May Marlene, Godzilla), Vif-Argent (Kick-Ass, X-Men : Days of Future Past) et le synthézoïde Vision. Le film démarre sur les chapeaux de roues, à la manière d’un pré-générique de James Bond, avec les Avengers en plein assaut d’une base de l’HYDRA. Cette séquence d’ouverture est l’une des meilleures adaptations d’action tirées des comics, plongeant le fanboy dans une transe jubilatoire : tous les membres de l’équipe coordonnent leurs pouvoirs de manière spectaculaire. L’un des grands atouts du film est d’avoir une équipe unie dès le départ, sans céder à la tentation de briser son intégrité, malgré les tensions qui émergent.
Avengers : l’Ère d’Ultron se présente comme un film d’aventures dont la structure narrative s’aligne fidèlement sur celle des comics de super-héros, allant même au-delà des autres films du studio. L’immersion est totale, procurant la sensation de feuilleter un comics en direct, où chaque lieu ou personnage secondaire fait partie intégrante de l’univers Marvel. Whedon veille à la continuité entre les différentes phases, rappelant des événements des films précédents et intégrant des concepts déjà introduits pour enrichir son intrigue. Les scènes d’action, plus nombreuses mais aussi plus courtes, offrent un résultat contrasté : le combat entre Hulk (The Incredible Hulk, Avengers) et Iron Man répond à toutes les attentes iconiques, même s’il semble un peu trop court. Soyons honnêtes, il est juste INCROYABLE. En revanche, la séquence de poursuite sur une autoroute coréenne, mettant en scène Captain America (The Winter Soldier, Civil War) et Black Widow (Black Widow, The Avengers), ne rivalise pas avec la mémorable scène d’autoroute de Captain America : Le Soldat de l’Hiver. Malgré ce rythme effréné et l’avalanche d’action, Whedon n’oublie pas ses personnages. Il se rachète notamment auprès de Jeremy Renner (Hurt Locker, The Town), qui avait été plutôt sous-exploité dans le premier volet. Cette fois-ci, Renner reçoit un véritable arc narratif et un rôle solide dans l’histoire. Whedon approfondit également la psychologie des membres de l’équipe, tissant de nouvelles relations. L’arc narratif entre Black Widow et Bruce Banner (The Hulk, Spotlight) est particulièrement réussi, aboutissant à une conclusion maîtrisée.
Les nouveaux personnages entrent en scène avec des résultats mitigés. Les jumeaux Scarlet Witch et Quicksilver sont esquissés rapidement, leur rôle semblant parfois trop « utilitaire » pour leur rendre justice. Cependant, la visualisation des pouvoirs de Quicksilver est une indéniable réussite (ce coup de poing sur Cap !). Pourtant, pour la seconde fois à l’écran (après Days of the Future Past), la personnalité abrasive de son homologue papier n’est pas pleinement exploitée. Elizabeth Olsen (Martha Marcy May Marlene, Wind River) parvient à donner vie à son personnage, mais, contrairement à son frère, la matérialisation de ses pouvoirs n’est pas à la hauteur. En revanche, tout ce qui concerne Vision est une véritable réussite : son apparence, sa personnalité, son introduction (qui constitue le point culminant d’une des premières scènes) et la représentation de ses pouvoirs sont impeccables. Avec lui, j’ai retrouvé ce sentiment de « nerdgasme » que j’avais ressenti dans le premier volet en voyant un personnage de comics réalisé à la perfection.
Et qu’en est-il de son « père », Ultron, qui donne son titre au film ? Visuellement impressionnant, son animation est bluffante et la voix sinistre de James Spader lui convient parfaitement. Cependant, bien qu’il conserve les ambitions génocidaires de son homologue papier, il est affublé, comme beaucoup de personnages de Whedon, d’un sens de l’humour déconcertant pour un tel personnage (bien que cela soit justifié dans le contexte du script). Malheureusement, il ne représente pas une menace suffisamment palpable pour les Earth’s Mightiest Heroes. Son plan apparaît confus, et même si Whedon essaie de nous faire croire que les Avengers sont en danger, on ne les sent jamais réellement aux abois. Une fois de plus, le vilain reste le talon d’Achille des films du studio, un domaine que les Russo (Avengers: Infinity War, Avengers: Endgame), qui réaliseront les prochains volets, devront renforcer. Cependant, la scène finale l’opposant à Vision est la plus marquante du film. Si le premier volet bénéficiait de l’effet de nouveauté en réunissant les héros Marvel pour la première fois, ce deuxième opus souffre d’un problème similaire à celui de son homologue papier : les événements majeurs touchant la trinité formée par Iron Man, Thor (Thor, Thor: Ragnarok) et Captain America se déroulent désormais dans leurs films solo, réduisant leur impact dramatique. Whedon semble conscient de cette faiblesse et choisit une approche semblable à celle des scénaristes de comics (spoiler : le film se conclut avec une nouvelle équipe d’Avengers). Bien qu’il esquisse les prémices de l’opposition entre Captain America et Iron Man, il semble embourbé par Thor, qu’il envoie dans une quête accessoire peu convaincante, le reléguant presque à un rôle de comic-relief.
Le final d’Avengers tirait sa force d’un scénario pensé comme un film à part entière, lui conférant un rythme entraînant, ponctué de moments iconiques. Cependant, malgré quelques idées et images pures « comics » (dont un plan fou digne d’une splash page de George Perez Crisis on Infinite Earths, Wonder Woman), le climax de L’Ère d’Ultron laisse une impression mitigée. Moins inventif, il n’échappe pas à la redite (les drones d’Ultron remplaçant les guerriers Chitauri) et semble paradoxalement à la fois plus court et plus long. Montrer que les Avengers se soucient de la protection des civils (contrairement au Superman de Man of Steel, on l’aura compris) est louable, mais cela semble excessif lorsque cela devient presque le cœur de la séquence finale. Sur le plan technique, le film est irréprochable. Le directeur de la photographie Ben Davis (Kick-Ass, Guardians of the Galaxy) apporte une continuité visuelle indéniable. Les effets spéciaux atteignent un niveau tel qu’ils abolissent souvent la « suspension de l’incrédulité ». Bien que remplacé par Brian Tyler (Evil Dead, Now You See Me) et Danny Elfman (Batman, Spider-Man), le thème d’Alan Silvestri (Back to the Future, Forrest Gump) survit, et pour la première fois, on retrouve les signatures musicales individuelles des héros lors de leurs interventions.
Conclusion : Véritable « comics live » Avengers : l’Ère d’Ultron offre une immersion dans l’univers Marvel, alliant action trépidante et développement de personnages. Bien qu’il ne rivalise pas avec l’enthousiasme du premier opus et que sa séquence finale laisse quelques réserves, le film parvient à capturer l’esprit des comics tout en introduisant des éléments mémorables. Whedon signe ici un film solide, riche en émotions, qui, malgré quelques imperfections, s’affirme comme un incontournable de la saga.