Le plus célèbre parc d’attraction du cinéma rouvre ses portes quatorze ans après le dernier volet avec aux manettes un cinéaste Colin Trevorrow venu du cinéma indépendant et en tète d’affiche un Chris Pratt auréolé du triomphe des Gardiens de la Galaxie. Sont ils parvenus à réintroduire cette espèce de franchise dans la jungle du Blockbuster ?
Jurassic Park fait l’objet d’une véritable vénération chez les trentenaires qui l’ont découvert enfant et si il n’a pas la même mystique pour moi (Raiders of the Lost Ark occupe cette place) il demeure par l’incroyable mécanique de la mise en scène de Steven Spielberg un modèle de blockbuster (et hélas un des derniers films de divertissement pur de son auteur). Mais le (high) concept de Jurassic Park cette combinaison parc d’attractions / de dinosaures se prête mal à de multiples déclinaisons sous peine soit de trop s’en éloigner soit de tomber dans la redite, une équation que Spielberg lui-même n’avait pu résoudre avec The Lost World.

Les quatorze années qui se sont écoulées depuis le dernier volet ont rendu plus acceptable l’idée d’une « suite/remake » et c’est bien cette voie celle des suites reprenant la structure narrative de l’original, en rappelant les images marquantes qu’emprunte Jurassic World.
Jurassic World tel l’Indomitus Rex neo-dinosaure vedette du film est bâtit à partir de l’ADN de l’original « augmenté » pour s’adapter aux critères modernes du blockbuster ce que résume la demande du propriétaire du parc aux scientifiques dans le film: MORE TEETH (plus de dents).
De l’original on retrouve les motifs familiers : des enfants, visiteurs privilégiés (neveux de la manager incarnée par Bryce Dallas Howard, bonus Spielbergien : leur parents sont en instance de divorce) livrés à eux-mêmes dans un parc hors de contrôle, un propriétaire fantasque mais inconscient héritier de John Hammond (Iffran Khan) et un affrontement final en mode « Toho » à la Destroy all monsters. On y revisite aussi de manière concrète cette fois les décors de Jurassic Park, l’ancien visitor center et les iconiques jeep abandonnées. Le film donne enfin à voir le Parc ouvert au public ce qu’aucun des précédents n’avaient montré. Son fonctionnement sera familier d’ailleurs familiers aux visiteurs des studios Universal producteurs du film (les instructions de sécurité y sont aussi interprétées par l’animateur du Tonight Show Jimmy Fallon).
On sent chez Colin Trevorrow issu du cinéma indépendant (c’est son deuxième film seulement ) la volonté de saisir cette occasion unique en offrant un grand divertissement populaire assez intense pour les adultes sans perdre les enfants. Trevorrow et ses co-scénaristes (dont le couple derrière le reboot de Planet of the Apes Amanda Silver et Rick Jaffa) introduisent de nombreux concepts comme le dressage des dinosaures ( j’étais inquiet au vu des premières bande-annonces mais cet aspect fonctionne assez bien dans le film) et leur utilisation à des fins militaires mais ne font souvent que les survoler les sacrifiant au spectacle. Toutefois on ne peut nier que cet enchaînement de péripéties fait de Jurassic World un film « roboratif » et délibérément populiste dans l’esprit des grandes séries B. J’ai apprécié la façon dont il parsème le film de trouvailles visuelles comme aime le faire Spielberg ( le gag de début, la façon de visualiser la mort des agents de sécurité) et son hommage à l’autre monster movie du fondateur d’Amblin : Jaws au détour d’une scène en reproduisant la fameuse affiche.

Dans le rôle d’Owen Grady spécialiste de la faune sauvage qui tente de dresser l’espèce la plus dangereuse du parc Chris Pratt infuse son charisme cool au personnage sans en faire une copie de son Star Lord de Guardians of the Galaxy, plus sérieux c’est l’Indiana Jones de son Star lord / Han Solo . Au vu de cette performance et si, comme la rumeur l’annonce, il devait prendre la succession d’ Harrison Ford le rôle d’Indiana Jones serait en de bonnes mains.
Son personnage qui reprend l’archétype suranné du « grand chasseur blanc » fonctionne en tandem avec celui de Bryce Dallas Howard l’executive woman surmenée, un peu coincée qui (bien sur) va découvrir que la famille est plus importante que son travail . La dynamique de leur relation grand classique du cinéma d’African Queen à Indiana Jones et Temple Maudit : ils apprennent à s’apprécier et finissent par s’aimer au cours de l’aventure fonctionne grâce à la bonne entente des deux comédiens. La fille de Richie Cunningham se sort très bien de ce personnage résolument cliché grâce à l’ énergie qu’elle lui apporte et son sens du timing. .
Le reste du casting connait des fortunes diverses le jeune Ty Simpkins vu dans Iron Man 3 s’en sort mieux que son frère ado Nick Robinson. Iffran Khan et BD Wong qui incarne le Dr.Wu (seul acteur présent dans l’original) jouent bien l’ambivalence de leurs personnages respectifs. Vincent d’ Onofrio a du mal a faire vivre son bad-guy assez mal écrit, quand à Omar Sy disons qu’il a plus de lignes de dialogues dans ses pubs pour la boisson Finlay que dans le film…

Les collaborateurs de Colin Trevorrow sont sur la même ligne d’ hommage augmenté à l’original que ce soit la photographie aux teintes métalliques de John Schwartzmann (The Rock , Armageddon) qui rappelle celle de Dean Cundey ou la partition de Michael Giacchino qui reprend les thèmes indispensables de John Williams dans un score épique. Les effets spéciaux des dinosaures ont finalement peu évolués depuis 20 ans mais ayant été nourri par les films en stop-motion je trouve que ce coté relativement old-school dans l’ère numérique des effets contribue au charme du film (attention ils sont quand même très réussis).