Pour son second film après Fruitvale Station, le réalisateur Ryan Coogler, en collaboration avec sa star Michael B. Jordan, ressuscite le boxeur emblématique de l’écran, parvenant même à convaincre Sylvester Stallone de reprendre son rôle signature dans un film qu’il n’a pas écrit. Mais Creed est-il à la hauteur de la légende ou représente-t-il le match de trop pour l’Étalon italien ? Nous vivons à une époque où les suites, reboots et remakes recyclent les légendes qui ont bercé les générations des années 70 et 80, et l’on se demande ce qui fait le succès d’une telle entreprise. Ryan Coogler répond à cette question avec Creed : quand cela vient du cœur. Ni Stallone ni les producteurs ne lui ont commandé ce prolongement de la saga ; il a écrit ce script comme une lettre d’amour au mythe et à son père, qui adorait la série.
Le film suit le parcours d’Adonis « Donnie » Johnson (Michael B. Jordan), fils illégitime d’Apollo Creed, le champion des poids lourds que Rocky a combattu dans les deux premiers films et qui est devenu son meilleur ami avant de mourir sur le ring dans le quatrième volet. Nous rencontrons Donnie, qui n’a jamais connu son père décédé avant sa naissance, alors qu’il est dans une prison pour mineurs, moment où il est pris en charge par la veuve d’Apollo, Mary Anne (Phylicia Rashad). Elle souhaite une vie rangée pour lui et ne veut pas qu’il suive les pas de son père, mais il y a trop de Creed en lui. Il quitte un emploi de col blanc pour se lancer dans une carrière de boxeur après s’être entraîné lors de combats au Mexique, et part de Los Angeles pour Philadelphie dans l’espoir de convaincre Rocky de l’entraîner. D’abord hésitant, ce dernier finit par accepter, séduit par la ténacité du jeune homme et la dette qu’il veut honorer envers Apollo. La figure paternelle et le thème de la transmission sont au cœur du film. Adonis cherche à sortir de l’ombre de son père mythifié tout en se choisissant un second père en la personne de Rocky Balboa. Ce dernier, isolé depuis la mort de Paulie et d’Adrian, n’a pas pu transmettre sa passion à son propre fils, ce qui crée une émotion palpable, notamment lorsque l’on voit une photo de Stallone avec son fils aujourd’hui décédé.
Creed s’inspire du premier Rocky comme canevas, car Donnie, inconnu dans le monde de la boxe, se voit offrir, comme Balboa, la chance unique de combattre pour le titre mondial face au champion “Pretty” Ricky Conlan (interprété par le véritable boxeur Tony Bellew). Cette opportunité ne se présente pas parce que son adversaire admire son nom, mais parce que son manager y voit une occasion de faire de l’argent. Parallèlement, Donnie développe une relation avec Bianca (Tessa Thompson), une chanteuse qui perd progressivement l’audition. Leurs scènes ensemble sont si naturelles qu’elles évitent les clichés, et leur relation possède la même authenticité que celle entre Rocky et Adrian dans le premier film. Coogler aborde Creed avec l’assurance d’un vétéran, s’inspirant esthétiquement et thématiquement des films précédents tout en créant une œuvre personnelle.
Le scénario utilise de nombreux clins d’œil qui servent le propos, comme Adonis « shadowboxant » contre une vidéo de son père sur YouTube, le retour dans la vieille salle de gym de Mickey, et le légendaire short aux couleurs des États-Unis, symbole d’héritage. Évidemment, Donnie court en survêtement gris dans les rues de Philadelphie sur une partition remixée des motifs de Bill Conti (un très bon travail de Ludwig Göransson), mais Coogler intègre ces hommages de manière naturelle tout en leur conférant une touche plus urbaine. Il n’hésite pas à s’éloigner du style traditionnel de la franchise, comme en témoigne la séquence incroyable d’un combat filmé entièrement en plan-séquence — à noter le travail exceptionnel de la photographe française Maryse Alberti (The Wrestler) et au montage de Claudia Castello et Michael P. Shawver. C’est sur cet aspect que j’attendais le plus, et Coogler ne déçoit pas : les combats du film comptent parmi les meilleurs de la saga, et le championnat final vous fera vous lever de votre siège !Michael B. Jordan, physiquement impressionnant, incarne à merveille la rage et les frustrations refoulées de Donnie, tout en transmettant la décence fondamentale de son personnage. Cependant, c’est bien Sylvester Stallone qui domine le film avec ce qui est sans doute sa meilleure performance dans le rôle. Il incarne un l’Étalon italien vieillissant, conscient de sa propre mortalité, qui, pour la première fois de sa vie, ne veut plus se battre. L’alchimie entre lui et Jordan est parfaite, enrichissant autant les moments d’humour qu leurs confrontations les plus émouvantes.
En conclusion, Ryan Coogler honore avec Creed, un film aussi émouvant qu’exaltant, l’héritage de la saga, offrant à Stallone un incroyable tour d’honneur dans son rôle fétiche. Creed est un triomphe, plus qu’un simple prétendant au titre : c’est le nouveau champion !



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