Longtemps personnage vedette du grand écran de l’age d’or d’Hollywood sous les traits de Johnny Weismuller le personnage d’Edgard Rice Burroughs s’était fait rare sur nos écrans si on excepte les versions animées de Disney et une plus approximative d’un studio allemand. La Warner décide de ramener le personnage sur le devant de la scène sous la direction du chef d’orchestre des derniers Harry Potter David Yates avec devant la caméra Alexander Skarsgård (True blood) reprenant le rôle avec à ses cotés l’atomique Margot Robbie et les omniprésents Samuel L. Jackson et Christoph Waltz.
Tarzan le personnage créé en 1912 est plus complexe et plus bad-ass pour tout dire que celui qu’on trouve dans la plupart des adaptations qui en dehors du Greystoke de Hugh Hudson (avec notre Christophe Lambert national) l’ont édulcoré jusqu’à la caricature. Autre écueil quand on s’attaque à son adaptation, éviter de tomber dans un esprit colonialiste gentiment raciste qui ne passerait plus à notre époque. Pour se faire les scénaristes Craig Brewer (Hustle& Flow, Black Snake Moan) et Adam Cozad (Jack Ryan) ont placé en toile de fond de ce retour du roi de la jungle les crimes bien réels commis en Afrique par le roi Léopold II de Belgique mêlant personnages de fiction et figures historiques comme Leon Rom interprété par Christoph Waltz connu comme un des officiers les plus barbares l’armée coloniale du roi des belges. Rom aurait inspiré à Joseph Conrad son personnage du colonel Kurtz pour son roman Au cœur des ténèbres (qui inspira à son tour Apocalypse Now) et une partie du film ou il remonte une rivière sur un bateau à roues à aubes s’y réfère. De même il donne pour « sidekick » à Lord Greystoke George Washington Williams (sous les traits de Samuel L.Jackson) vétéran noir de la guerre de sécession qui critiqua les actions du roi de Belgique les qualifiant de « crime contre l’humanité ».
Les machinations de ces deux personnages vont amener Tarzan redevenu Lord John Clayton III en Angleterre vers les jungles d’Afrique qu’il n’avait nulle intention de retrouver : Rom voulant le livrer à son vieil ennemi Chief Mbonga (Djimon Hounsou), un personnage issu des écrits de Burroughs, en échange de diamants pour financer l’armée de Leopold II. Washington lui afin de pouvoir témoigner des exactions des colons belges. Quand Jane est capturé John est obligé de redevenir le seigneur de la jungle pour la sauver.
Loin d’être la catastrophe annoncée ces nouvelles aventures de Tarzan sont plutôt agréables à suivre, le tournage entièrement en studio lui donne un petit coté suranné et l’intrigue est plutôt bien construite mêlant des flash-backs sur les origines de Tarzan à ses aventures actuelles. On retrouve avec plaisirs les figures classiques des aventures de l’homme-singe : il enlève sa chemise (ce qui ravira le public féminin le fils Skarsgård étant un spécimen d’humain très spectaculaire), se bat avec quelques singes, câline quelques lions, dompte d’un regard des éléphants et bien sur saute de lianes en lianes (numériques) défiant la gravité. Certes les animaux en CGI (signés Framestore et MPC) souffrent la comparaison avec le travail de Weta sur le Livre de la Jungle et les Planete des Singes mais ne nous sortent jamais du film. D’une certaine manière, l’idée que Tarzan a un frère de singe avec qu’il peut communiquer est moins ridicule qu’une scène se voulant romantique ou Jane parle toute seule évoquant les différents chants nuptiaux des animaux de la jungle tout en errant dans des chambres vides.
Pour le meilleur ou pour le pire Tarzan est victime de sa fidélité à son materiau d’origine . Jane (Margot Robbie toujours aussi vavavoum) finit comme une demoiselle en détresse (même si, à son crédit, elle fait tout pour ne pas l’être) et malgré les efforts faits pour être plus inclusif flirtent avec quelques clichés (le bon sauvage , le blanc qui vient les sauver). Christoph Waltz joue une nouvelle variation de son suave officier SS d Inglorious Basterds mais le fait plutôt mieux que dans Spectre (il est même plus bondien ici avec son gadget létal un chapelet en fil de soie d’araignée). J’appréhendais l’interprétation d’Alexander Skarsgård que je trouve dénué de charisme mais la façon dont il compose un Tarzan , pince sans rire un peu blasé et son entente avec Sam Jackson (qui s’amuse visiblement) fonctionne bien. En revanche on aurait aimé plus de sauvagerie de sa part à certains moments du film.
Malgré son incapacité à filmer l’action de façon viscérale, abusant de ralentis et le rythme trop indolent qu’il donne à son film , David Yates compose avec son directeur de la photo Henry Braham (À la croisée des mondes: La boussole d’or, bientôt Les Gardiens de la Galaxie Vol.2) quelques belles scènes, celle d’ouverture en particulier (très inspirée du King Kong de Peter Jackson, lui aussi tourné en studio qui semble servir de référence graphique) et gère l’environnement et le ton du film avec professionnalisme. On aurait aimé plus de folie et de sauvagerie, un ton moins monotone mais Tarzan, marqué par le décès de son producteur Jerry Weintraub (Ocean’s eleven) et dont on ne sait si il a été achevé par Yates lui-même (pris la même années par le spin-of d’Harry Potter) ne souffre pas des stigmates des films malades.