Alien est déjà presque un classique et James Cameron pas encore le « King of the World » quand les producteurs WalterHill – lui-même grand scénariste réalisateur (48 hrs, The Warriors) – et son partenaires David Giler lui confie le développement d’une suite au film de Ridley Scott. La légende veut que Cameron rédige ce script en même temps que deux autres scénarios dans son appartement dans 3 pièces différentes avec des ambiances musicales distinctes , ces 2 autres scripts : Terminator et Rambo 2 ! Il est souvent raconté qu’un jour, lors d’une réunion avec les exécutifs de la Fox, James Cameron ( Titanic, Terminator) a présenté son concept de manière mémorable : il aurait écrit le mot ALIEN en lettres capitales sur un paperboard avant d’ajouter un S transformé en signe de dollar. Ce film, il l’a spécialement conçu pour Sigourney Weaver ( Ghostbusters, Panic Room), qui au départ était réticente à l’idée d’une suite. Cependant, face à la force du scénario, elle finit par accepter. Malheureusement, la Fox refuse de lui verser le salaire conséquent qu’elle exige. Cameron, quant à lui, reste ferme : il ne réalisera le film qu’avec elle. Finalement, Weaver obtiendra un salaire d’un million de dollars, contre 335 000 pour le premier film, et sera même nommée à l’Oscar de la meilleure actrice pour sa performance.
Alors que le premier opus s’inspirait des films de monstres des années 60, notamment de La Planète des vampires de Mario Bava ( La Baie sanglante, Les Frissons de l’angoisse), la suite se tourne vers le genre du film de guerre, avec une tagline explicite : « This time it’s war« . En particulier, la guerre du Vietnam influence cette nouvelle approche, où la puissance militaire et technologique américaine est confrontée à un adversaire jugé primitif. « Comment ça, ils ont coupé l’électricité ? Comment peuvent ils couper l’électricité ? Ce sont des animaux ! » s’époumone le private Hudson, brillamment interprété par le regretté Bill Paxton ( Twister, True Lies). Aliens partage des thématiques avec Rambo 2. Comme le personnage de Stallone, Ripley doit retourner sur les lieux de sa première confrontation avec les xénomorphes, affrontant ses peurs, avec l’assurance comme Rambo d’y aller « pour gagner ». Elle se voit également trahie par un technocrate. Cameron a d’ailleurs déclaré que l’action de Rambo 2 était de son ressort, tandis que la politique revenait à Stallone. Cameron écarte les théories de Ridley Scott ( Alien, Blade Runner) sur la nature des créatures pour imposer sa propre vision des xénomorphes, réinterprétant leur design sans faire appel à H.R. Giger ( Alien, Species), qu’il jugeait trop occupé. Pour lui, ces créatures ne sont pas des armes biologiques échappées de leurs créateurs, mais une race insectoïde dont il complète le cycle de vie avec l’introduction d’une reine pondeuse. Bien que Scott respecte Aliens, qu’il considère comme le seul film digne de son œuvre, il reviendra à sa conception initiale avec Prometheus et Alien: Covenant.
Le tournage en Angleterre s’avère particulièrement rude. James Cameron se heurte aux syndicats de techniciens anglais qui le perçoivent comme un usurpateur, succédant à l’anglais Ridley Scott ( Alien, Blade Runner). Excédé par leurs incessantes pauses syndicales, Cameron, dans un accès de rage, renverse la table lors du sacro-saint tea-time, cimentant ainsi sa réputation d’Attila des plateaux. Il doit également faire face à la mutinerie de son premier directeur de la photo, Dick Bush ( The Man Who Knew Too Little), persuadé qu’il allait lui succéder aux commandes du film. Cameron le vire et le remplace par le génial Adrian Biddle ( The Princess Bride, V for Vendetta). De plus, le comédien James Remar ( 48 heures) se révèle être drogué et incapable d’assurer le rôle de Hicks, ce qui pousse Cameron à le remplacer au pied levé par le fidèle Michael Biehn ( Kyle Reese dans Terminator). Cameron et la productrice Gale Ann Hurd ( The Walking Dead), sa compagne de l’époque, sont soudés. Ensemble, ils imposent leurs techniciens d’effets spéciaux, les frères Skotak et Stan Winston ( Jurassic Park, Edward aux mains d’argent).
Malgré un tournage mouvementé, le résultat dépasse toutes les attentes. Aliens s’impose comme un incroyable roller-coaster, offrant une expérience unique qui n’a rien perdu de sa puissance plus de trente ans après sa sortie. L’histoire se déroule sur LV-426, la planète d’où l’équipage du Nostromo a ramené, soixante ans plus tôt, la forme de vie qui a décimé son équipe. La colonie installée sur cette planète ne répond plus. Ellen Ripley ( Sigourney Weaver, Ghostbusters) doit alors guider un bataillon de marines coloniaux pour tenter de les secourir. Une fois la situation posée et les protagonistes introduits, le film ne lâche plus le spectateur, le prenant dans ses griffes comme un pitbull, sous les pulsations du score de James Horner ( Titanic, Avatar), qui figurera dans un nombre incalculable de bandes annonces. Les hommes et les femmes tombent les uns après les autres, mais nous ne sommes pas dans un Vendredi 13 avec ses victimes interchangeables. Grâce aux scènes d’introduction, les colonial marines nous deviennent familiers. Leur camaraderie, tangible, nous touche profondément. La farouche Vasquez, le grande gueule Hudson (qui, selon Cameron, sert de valve de décompression pour le script), et Bishop, l’androïde, pardon, l’humain artificiel, créent une dynamique d’équipe mémorable.
Avec ce personnage fascinant, James Cameron brouille les pistes, jouant sur la méfiance que suscite en Ripley le souvenir d’Ash, le synthétique du premier volet, qui a trahi l’équipage en le livrant à la bête. Le jeu de Lance Henriksen ( Piranha 2, Near Dark), vétéran des films de Cameron, fait transparaître une humanité incroyable dans ce qui est une sorte de Pinocchio high-tech. Bishop va ainsi révéler cette humanité que l’appât du profit a fait disparaître chez Burke. Ce cadre de la compagnie Weyland-Yutani, (nous sommes dans les années 80 marqué par la peur que les japonais rachète les fleurons industriels américains à l’image du studio Columbia racheté par Sony) qui les accompagne dans cette aventure, incarne peut-être l’un des pires méchants créés par Cameron. Ni le T-1000 ni la reine des xénomorphes ne provoquent la même révulsion que le mal ordinaire de ce « company man » faussement affable interprété par Paul Reiser.
L’action, moteur du script, est sans cesse relancée et, furieuse, elle sert d’exutoire après des scènes de tension incroyables, comme l’approche de l’essaim alien, qui apparaît aux marines à travers les bips anxiogènes de leur détecteur de mouvements. Weaver avouera avoir du mal avec les armes, dont le fétichisme suinte à l’écran grâce aux designs futuristes signés Cameron, qui refusera par la suite de les vendre à des fabricants d’armes. Cette distance de la comédienne sert son jeu, Ripley étant étrangère à ce monde militarisé. Mais au-delà du fracas des armes et de ces créatures, la force d’Aliens réside avant tout dans l’émotion. Comme dans Terminator, l’amour est au cœur du film, ici sous la forme de l’amour maternel que Ripley ressent pour la petite survivante Newt ( Carrie Henn, The Secret Garden). Ayant été privée de sa fille morte durant son sommeil cryogénique, elle va symboliquement renaître en protégeant Newt. Le film se conclut d’ailleurs sur l’image d’une famille recomposée : Ripley, Newt et Hicks en figure paternelle plongent dans le sommeil cryogénique… une famille que brisera prématurément David Fincher ( Fight Club, Se7en) dans Alien 3. La lutte à mort entre les deux races se fait symboliquement à travers l’affrontement de deux figures maternelles. Cette confrontation pour la survie de leurs progénitures prend la forme d’un duel digne des comics, entre Ripley dans son exosquelette et la Queen Bitch géante, qui, même à notre ère du CGI, n’a rien perdu de sa puissance épique et de sa virtuosité grâce au génie de Cameron et de ses techniciens.
Conclusion : Personne n’aurait imaginé, il y a trente ans, qu’une suite à un tel classique, écrite et réalisée par un presque inconnu, puisse à son tour marquer l’histoire du cinéma. Aucune autre suite de la franchise n’a su égaler l’exploit de l’auteur de Titanic, qui avec Aliens a signé la meilleure suite de tous les temps (à égalité avec Le Parrain 2 et L’Empire contre-attaque), et sans conteste le film d’action le plus efficace de l’histoire du cinéma.
Ma Note : AAA
Aliens de James Cameron (sortie le 08/10/1986)


