Wonder Woman [Critique] (B)

Soixante seize ans après sa création par William Moulton Marston (il  inventa également le détecteur de mensonges) qui voulait offrir un modèle aux jeunes filles en montrant un personnage qui triompherait de ses adversaires autant  par la compassion que la violence, Wonder Woman arrive enfin sur nos écrans après son apparition remarquée dans Batman V Superman dont elle constituait l’un des meilleurs aspects. Après les déconvenues critiques des derniers films du  DCEU (DC Extended Universe) Wonder Woman constitue t’il un nouveau départ ?

Wonder Woman revêt pour la major un enjeu considérable, devenir ce premier succès critique qui échappe au DCEU (DC Extended Universe) depuis son lancement avec Man of Steel alors que tout semble sourire aux productions Marvel Studios. Pour le symbole le studio  confie la réalisation du film,  premier de cette nouvelle vague du film adaptés des comics  à  mettre en vedette une héroïne, à une réalisatrice. Ce sera finalement Patty Jenkins, dont le seul film  Monster avait valu l’Oscar à Charlize Theron, après que Michelle MacLaren initialement choisie ait quitté le projet pour « différents artistiques » (ironiquement Jenkins avait quitté la réalisation de Thor : Le monde des ténèbres chez Marvel pour les mêmes raisons). En voulant absolument s’adapter en cours de production à ce qu’ils croient être les attentes du public le studio tel le chien chassant sa propre queue altère les projets aboutissant à des film « malades » comme Suicide Squad. La production de Wonder Woman n’a pas échappé à ses changements de cap mais ceux-ci pour une fois auront un effet bénéfique.

Le scénariste initial Jason Fuchs (Pan) ayant été remplacé dés le début du tournage par Geoff Johns grand manitou de chez DC comics et  Allan Heinberg non seulement scénariste/producteur de télévision à succès (the O.C., Grey’s Anatomy, Scandal,The Catch) et  de comics pour Marvel (Young Avengers) mais surtout fan absolu de l’amazone dont il signa l’arc inaugural d’une série de comics  en 2006 et un pilote non tourné sur ses origines pour la CW appelé justement Amazon. Cette reprise en main créative par des plumes qui aiment et connaissent parfaitement les comics mais maîtrisent les codes narratifs cinématographiques se montre particulièrement efficace. Comme dans leurs comics Johns et Heinberg présentent une synthèse des valeurs et des principaux éléments de continuité des 76 ans d’histoire du personnage pour  en présenter une version qui peut satisfaire l’initié comme le grand public.

Si cette approche du matériel  ne fait pas de Wonder Woman comme on a pu le lire le meilleur film DC depuis la fin du cycle Dark Knight (cet honneur revient à Man of Steel)  il est en tout cas celui qui a la vision la plus claire de son personnage.

Wonder Woman aka Diana Prince aka Gal Gadot

Pour se distinguer du ton instauré sur les films du DCEU par Zack Snyder  jugé trop sombre et clivant  (opinion que je ne partage pas  les  problèmes se situent plus au niveau de leurs scénarios)  Patty Jenkins invoque les mannes du Superman de Richard  Donner matrice du cinéma de super-héros dont elle tente de reproduire l’esprit et la structure : origines dans un monde fantastique puis découverte du monde des hommes avec un esprit de comédie screwball des années 40, première sortie du héros et enfin confrontation avec ses adversaires.  Visuellement le contraste avec les films de Snyder est immédiat dés les premières images lumineuses de  l’enfance de Diana à Themyscira. Cette  partie du film est  la plus réussie par son aspect  mythologique, la direction artistique parfait de Paradise Island – petit cocorico c’est l’oeuvre de la française Aline Bonetto (Amélie Poulain, Un Long Dimanche de Fiançailles) – et l’interprétation convaincante en particulier de Robin Wright en Antiope la mentor de Diana. Elle se conclue par l’arrivée sur l’île du premier homme à jamais y poser le pied Steve Trevor (un excellent Chris Pine) et la première scène d’action majeure du film   l’attaque de l’île par un contingent allemand.

Quittant son île  aux côtés de Trevor pour tenter de mettre fin à la guerre,  Diana arrive dans le Londres du début du XXe,  la « délocalisation temporelle » vers la première guerre mondiale pour éviter  comparaison avec Captain America the First Avenger  sert le film thématiquement confrontant l’amazone ambassadrice de la paix aux horreurs de  l’industrialisation de la guerre et la faisant évoluer à la naissance du mouvement féministe (le mouvement des suffragettes né en 1903 à Londres aboutira au droit de vote en 1918)  mais aussi esthétiquement l’atmosphère de ce début de siècle  et celle des tranchées (sans doute la raison du choix d’Aline Bonello qui les avaient recréées pour Jeunet) lui confère une texture unique pour un film de super-héros . Cette séquence de découverte du monde des hommes  placée sous le signe de la comédie,  repose sur les quiproquos naissant de  confrontation de la naïve Diana avec les us et coutume de la société patriarcale londonienne. Le rythme est  alerte et l’entente du duo  Pine / Gadot fonctionne assez pour excuser quelques facilités. Jenkins rend au passage un bel hommage au film de Richard Donner avec une séquence dans une allée où c’est Diana qui sauve son compagnon d’une balle qui lui était destinée. Si physiquement elle incarne parfaitement la dimension physique de l’héroïne le jeu d’actrice de Gal Gadot manque des nuances qu’a pu apporter dans un rôle similaire un Christopher Reeve , son ingénuité  frôle parfois la puérilité et son air concerné frise le ridicule dans certaines scènes dramatiques.

Chris Pine est l’arme secrète de Wonder Woman  : charismatique, drôle aussi à l’aise dans la comédie que dans les moments  dramatiques , il confirme film après film l’étendue de son talent.

A mon sens c’est ce déséquilibre dans le jeu plus que  l’écriture du film qui donne l’impression que Diana est constamment guidée et corrigée par Steve Trevor et fait bondir ceux qui attendaient du film qu’il soit un film « féministe » (ce qui soit dit en passant est assez absurde la meilleure chose que puisse faire Wonder Woman « pour la cause » est d’être le meilleur film possible).

Wonder Woman en famille Artemis (Ann Wolfe), Diana, Hippolita (Connie Nielsen) et Antiope (Robin Wright)

Entouré d’un commando de fidèles : Sameer (Saïd Taghmaoui) , le tireur d’élite Charlie (Ewen Bremner) et le contrebandier indien (Eugene Brave Rock)  nos héros  s’aventurent derrière les lignes ennemies pour déjouer les plans du colonel Ludendorff (Danny Huston qui fait du Danny Huston) – que Diana pense être une incarnation du dieu Ares – et du Docteur Poison ( Elena Anaya) conceptrice d’un gaz mortel qui peut changer le cours de la guerre . Sans être mémorable  (même dans les comics Wonder Woman n’a pas d’ennemis  du niveau d’un Joker ou d’un Luthor) le trio de vilains fonctionne . Cette dernière partie dévouée à l’action  super-héroïque permet à Jenkins d’intégrer à son style assez classique les « ralentis-accélérés » de la grammaire visuelle  de l’action  « Snyderienne » (même si le meilleur imitateur reste Noam Murro dans la suite de 300) . La séquence d’action du No Man’s Land (qui fait référence à la  légende urbaine des Anges de Mons) est  réussie à la fois dynamique , lisible et  fidèle à ce que pouvait s’imaginer le lecteur de comics.  Ironiquement même si l’action se déroule vingt cinq ans auparavant Wonder Woman fini par ressembler  à Captain America the First Avenger (et à Thor pour sa partie mythologique) mais ces ressemblances tiennent plus à la mécanique de l’intrigue et la personnalité de son héroïne que d’une volonté délibérée de copier les films Marvel.

Le power couple de Wonder Woman – Steve Trevor (Chris Pine) et Diana (Gal Gadot)

Malgré ses qualités Wonder Woman ne parvient pas à échapper à la malédiction qui semble frapper  les troisièmes actes des films du DCEU avec un final gâché par des effets spéciaux proprement  indignes d’un production de cette envergure qui privent la séquence de son potentiel dramatique.

Il faut vraiment que Warner Bros fasse quelque chose au niveau des prestataires d’effets spéciaux, cela fait déjà trois productions majeures (Batman v Superman, Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur et donc Wonder Woman) qui se terminent par des effets spéciaux dignes d’une cinématique de jeux vidéos des années quatre vingt-dix.

Quand on voit la qualité de ceux mis en oeuvre dans les productions Marvel équivalentes comme Doctor Strange, c’est un écart que le studio se doit de combler rapidement. C’est d’autant plus regrettable que les crédits techniques sont par ailleurs impeccables , la direction artistique d’Aline Bonetto on l’a dit, la photographie de Matthew Jensen (Chronicle, la série Game of Thrones) qui sait retranscrire les tonalités  et les cadrages des cases de comics ou  le montage fluide de Martin Walsh (V pour vendetta).La musique de Rupert Gregson-Williams est parfois trop démonstrative mais je me suis réjoui qu’il reprenne le thème de Wonder Woman au violoncelle électrique  de BvS  lors des scènes d’action (oui c’est moi!).

Conclusion : Si le film n’est pas exempt de défaut – la mise en scène de Patty Jenkins est  anonyme, le jeu de Gal Gadot perfectible, le dernier acte rendu illisible par des effets visuels indigents – son rythme, sa fidélité au personnage  et son approche entre Donner et Snyder  semble être la meilleure voie à suivre pour les futurs films du DCEU.

Ma Note : B

 

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