Pentagon Papers (Critique) Au théâtre ce soir

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Les aventuriers du scoop perdu

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Commençons par le positif The Post est superbement mis en scène il est indéniable que le réalisateur de Jaws n’a rien perdu à 71 ans de son incroyable aisance derrière la caméra : de la composition sophistiquée de ses cadres à la légèreté de ses mouvements de caméra tout lui semble simple. Il prend le parti, pour impliquer son public y compris les plus jeunes, de filmer son histoire avec le même dynamisme qu’il emploie dans ses divertissements faisant des clins d’œil ludiques à sa filmographie comme quand les journalistes du Washington Post ouvrent la boite contenant les fameux Pentagon Papers avec le révérence d’archéologues ouvrant l’Arche d’Alliance. La musique enlevée de John Williams est au diapason (et ne trahit pas non plus l’âge de son compositeur car c’est une de ses plus réussies).  L’ouverture du film au côté des GIs dans la jungle du Viet -Nam ainsi que les premières séquences dans les « newsrooms» des deux légendaires  quotidiens US ont la même énergie jubilatoire que ses films d’aventures.  Hélas passé cette brillante introduction une forme de pesanteur fini par rattraper la caméra virevoltante de Spielberg la faute à un traitement trop démonstratif de son sujet.

Au théâtre ce soir

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On aura saisi que « The Beard » a voulu se saisir à travers cet épisode de deux thématiques d’une actualité brûlante dans l’Amérique de Donald Trump : la préservation de la liberté de la presse contre-pouvoir indispensable face aux dérives des puissances économiques ou gouvernementales et l’émancipation des femmes   marginalisées par une société patriarcale qui les infantilise et leur barre l’accès au pouvoir . Hélas ces deux thématiques sont martelées de façon si peu subtile qu’on frise le ridicule comme dans cette scène qui voit Katherine Graham (Meryl Streep) descendre les marches de la Cour Suprême fendant une foule exclusivement féminine tel Jésus au milieu de ses apôtres. Ou cette séquence hallucinante de maladresse où la pourtant géniale Carrie Coon (The Leftovers) lis à ses collègues, les yeux rougis, d’un ton pontifiant les attendus du jugement qu’on lui dicte au téléphone.  Reposant bientôt autour d’un seul enjeu dramatique (« Katherine Graham va elle autoriser la publication ou pas ?») répété tout au long du film The Post fini par s’essouffler. Le jeu appuyé des acteurs nous amène aux limites du théâtre filmé dans les scènes qui se déroulent dans la demeure de Graham ou voir Meryl Streep déambuler dans son peignoir a fait surgir chez moi des flashes de Jacqueline Maillan dans » Au théâtre ce soir ». Certes je n’ai jamais été fan de l’actrice mais sa façon d’aborder cette héritière qui s’émancipe soudain de la domination masculine ne me parait pas du niveau de ses grandes performances des années 70. Le film est néanmoins paritaire sur ce plan car Tom Hanks ne s’en tire pas  mieux caricatural ,  avec sa moumoute et son petit rictus, en vieux rédacteur en chef bourru il évoque plus le Perry White de Superman qu’un authentique journaliste. Spielberg les entoure de brillants comédiens de second rôle souvent issus de la télévision.  Matthew Rhys (de la très bonne série The Americans que je recommande comme contre-exemple d’un traitement subtil des sujets politiques) , Tracy Letts, Bradley WhitfordJesse Plemons ou Bruce Greenwood y sont excellents là où , ironiquement  pour un film qui se veut féministe, il gaspille des actrices superbes comme Sarah Paulson  (American crime Story) ou Carrie Coon dans des personnages  accessoires.

Au petit jeu des comparaisons

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Le scénario,  à mes yeux le talon d’Achille de The Post, ne parvient jamais à faire exister ses personnages en dehors de leur fonction et l’intrigue en dehors de son sujet.  Les Hommes du Président d’Alan J. Pakula matrice du genre ou  Révélations de Michael Mann restaient des thrillers haletants même en retirant leur fond politique. Certains ont raillé la victoire aux Oscars 2016 de Spotlight, autre film sur lequel plane l’ombre tutélaire des « Hommes du Président » mais si on risque la comparaison par exemple entre les personnages incarnés par Tom Hanks et Michael Keaton il n’y a vraiment pas photo en terme de complexité.

Si j’ai aimé le dispositif mis en place par Steven Spielberg pour montrer Richard Nixon il me semble qu’il se trompe en positionnant le trente septième président des Etats unis comme l’antagoniste du film (pour faire évidemment écho à l’actuel locataire de la Maison Blanche) , la divulgation des Pentagon Papers n’est pas le Watergate , toute administration américaine aurait sans doute agit de la même manière. En voulant se mettre dans les pas du film de Pakula il passe à côté des véritables enjeux des Pentagon Papers. Oliver Stone les aura mieux traité dans son JFK (avec un score de John Williams déjà) s’attaquant de front à 40 ans de politique extérieure des USA  et aux origines de la guerre du Viêt-Nam au travers d’un procès satellite à l’enquête sur l’attentat de Dallas tout en offrant un thriller à la tension proprement étouffante.  Même si on s’en tient à la filmographie de Spielberg il me parait inconcevable de mettre sur le même plan le script de The Post avec ceux de Munich ou de Schindler’s List autrement plus complexes et nuancés.

Conclusion :  The Post n’est évidemment pas un mauvais film il  bénéficie du  talent visuel de son réalisateur et on y passe un bon moment mais il est à mes yeux  trop démonstratif, naïf et académique pour prétendre rivaliser avec ses glorieux aînés.

Ma note : C-

Pentagon Papers (The Post ) de Steven Spielberg (Sortie le 24/01/2018)

 

 

 

 

 

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