HALLOWEEN [Critique] Le Reveil de Michael Myers

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Halloween fait partie de ces rares œuvres qu’on appelle aujourd’hui des « game changers » des films matriciels qui fixent des règles d’un genre, en l’occurrence le slasher. Tueur déterminé, silencieux et masqué à la résistance surnaturelle , victime adolescentes dont l’espérance de vie est inversement proportionnelle à leur activité sexuelle , dernière survivante ingénue qui se révèle la plus coriace. Ce fut  aussi un succès commercial sans précédent (40 millions de dollars pour un budget de 320 000 dollars) , qui a changé la donne pour le cinéma indépendant US, prouvant qu’un nouveau distributeur à petite échelle pouvait dominer le box-office face au système des studios. Naturellement, Hollywood  n’a pas tardé à exploiter ce succès  lançant une série de copies , la plus célèbre étant Vendredi 13 qui , si elles ont parfois approché son succès  étaient loin d’être aussi magistrale que l’oeuvre de John Carpenter  .  La « marque » d’Halloween, fut elle aussi même été  exploité jusqu’à l’épuisement par son producteur Mustapha Akkad puis par les frères Weinstein (au travers leur société Dimension films) avec un flux de suites et  de remakes. On gardera sa suite directe chapeautée par Carpenter et mis en scène par son ami Rick Rosenthal et le Halloween, 20 ans après de Steve Miner basé sur une histoire de Kevin « Scream » Williamson qui marquait le premier retour de Jamie Lee Curtis et une première tentative de retcon ( l’ altération de faits établis dans une œuvre de fiction antérieure par l’apport de nouveaux éléments explicatifs) qui ignorait les suites précédentes. Flash-forward en 2016 où Jason Blum pape de l’horreur low-cost devenu une figure incontournable du genre annonça la production d’un nouveau film ayant reçu la bénédiction de John Carpenter qui allait participer au projet comme producteur exécutif et compositeur. C’est l’improbable duo (pour ce type de projet) constitué par  Danny McBride (Pineapple Express) et David Gordon Green (Joe, Manglehorn) qui co-signent le scénario, ce dernier se réservant le mise en scène de ce qui se veut une suite directe de l’original effaçant toutes les suites y compris Halloween 2. Halloween est donc une Legacyquel (pour Legacy Sequel – « suites de patrimoine » terme qui qualifie la suite d’un classique qui se déroule  dans le même univers  avec les mêmes acteurs tout en utilisant le temps écoulé pour présenter la franchise à une nouvelle génération)  sur le modèle de Tron : Legacy ou de Star Wars Le Reveil de la Force. Le choix de faire du passé table rase est ici plutôt rusé  pour redonner son lustre à la série  la rendant à nouveau accessible à un large public.
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Après avoir nettoyé les « toiles d’araignée » de la franchise (qui sont tout de même évoquées par les personnages devenues des légendes urbaines dans l’univers du film) , Gordon Green et McBride se retrouvent avec une configuration simple Michael Myers (joué brièvement par son interprète original Nick Castle puis par James Courtney) est confiné depuis quarante ans dans un asile d’aliénés. Laurie Strode, qui a échappé de peu à la mort en  1978, a redéfini toute son existence ,  passant toute sa vie adulte à préparer la nuit où Michael reviendrait se consacrant à un entraînement intensif aux armes , transformant sa maison en complexe fortifié. Cette obsession l’a éloigné de sa famille , sa fille lui a été retirée à l’age de 12 ans.  Jamie Lee Curtis fait revivre Laurie  comme une survivante marginalisée par une communauté qui refuse de se remémorer les incidents de 1978. Elle ne vit en fait que pour une confrontation finale avec son agresseur, tout en craignant de n’être pas prête. Bien sûr, nous la voyons  très proactive sur le modèle de la Sarah Connor de Terminator 2  mais il y a  une dimension  tragique et déchirante dans  cette douleur qu’elle porte avec elle et que  Curtis explore. Quand le film revisite des éléments du film original c’est souvent Laurie elle-même qui remplace la figure de Myers dans ces images emblématiques, sa rencontre avec Michael Myers en a fait symboliquement un monstre.
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Si Gordon Green , McBride et leur co-scénariste Jeff Fradley développent la psychologie de Laurie ils prennent grand soin de préserver le mystère des motivations de Myers cette interrogation étant même au cœur des motivations de certains protagonistes. Ce retour à la pureté du concept est bienvenu car celui-ci s’accordait mal avec la mythologie surnaturelle développée dans les suites ou l’ histoire personnelle  bâtie par Rob Zombie pour son remake. Pour garder sa force Michael Myers doit rester une énigme , une machine de mort semblable au requin des Dents de la mer. Il est ici iconisé comme jamais dés une séquence pré-générique effrayante au design sonore agressif  où un couple de podcasteurs britanniques (Jefferson Hall et Rhian Rees) , dont la fascination pour les crimes de Myers fait écho à celle des fans, lui rendent visite dans son asile avant un transfert en bus  vers une nouvelle prison.  Cet entretien où le duo à l’audace de le provoquer en brandissant devant lui  le  masque qu’il portait en 1978 (à l’origine un masque de William Shatner le capitaine Kirk de la série Star Trek), va être le catalyseur des événements du film où Michael – qui va  récupérer son célèbre masque –  se fraye un chemin mortel vers Laurie Strode… Sans être un film à thèse comme tout bon film d’horreur Halloween est en phase avec son époque, le coté anonyme de la figure de « The Shape » permet d’y projeter les angoisses du moment. on peut le voir ici comme une représentation des  violences sur les femmes et leurs conséquences pas uniquement sur les victimes non pas simplement sur la victime mais aussi leurs familles. Le film met ainsi en scene trois générations de femmes,  Laurie , sa fille Karen interprétée par Judy Greer (Ant-man, La Planète des singes : L’affrontement) qui a l’honneur d’un moment mémorable dans le film, et sa petite-fille Allyson, interprétée par la nouvelle venue Andi Matichak qui  montrent toutes des effets différents du traumatisme causé par  Michael Myers et vont à leur tour se dresser face à cette violence. halloween-myers-cinemadroide
Mais Halloween version 2018 ne cherche pas à réinventer le couteau  mais à veille à ce qu’il soit utilisé avec la même précision et efficacité que chez John Carpenter .
Le film est un pur slasher qui  adhère à la structure et aux situations de l’original (chercher à  échapper à un film qui fut la matrice d’un genre entier aurait été vain) . C’est aussi un vrai film populiste un « crowdpleaser » -comme  disent les américains – terriblement efficace conçu pour la satisfaction maximale de son public. Conscient d’évoluer dans l’ombre de l’original  le scénario en joue à travers des citations de plans iconiques ou dans  certains dialogues (« Ah vous êtes le nouveau Loomis ? » assène Laurie -Jamie-Lee au psychiatre qui suit Michael depuis le décès du Docteur Loomis incarné par feu Donald Pleasance). La sensibilité comique de   Danny McBride est donc présente mais sans jamais desservir la tension, elle humanise les personnages ce qui permet de rendre leur sort plus dramatique. L’angoisse irradie  des meilleures séquences d’Halloween où Gordon Green se livre à quelques éclats de violence spectaculaires, dont quelques scènes les plus sanglantes de la série. Mais les moments les plus efficaces comme dans l’original  repose sur  la tension et la peur. Tout n’est pas parfait  avec  un ventre mou au milieu du film, où Gordon Green et McBride se reposent sur des mécanismes du genre un peu émoussés ou la gestion maladroite d’une   intrigue secondaire impliquant le Dr. Sartain (joué par l’acteur turc  Haluk Bilginer) le nouveau psychiatre  de Michael. Mais dés que l’intrigue se concentre sur la confrontation directe entre Myers , Laurie et sa famille Halloween enchaîne les scènes puissantes jusqu’à un final glorieux et  cathartique. Sur le plan technique, ce nouveau Halloween est  le film le plus magnifiquement conçu  depuis l’original, la photographie chaude de  Michael Simmonds (Nerve) et les décors de  Richard A. Wright (Mud – Sur les rives du Mississippi ) sont impeccables. Le montage de  Timothy Alverson vétéran du fantastique (Esther) et de l’action  (Sans identité) contribue à l’impact des méfaits de Myers.  La nouvelle partition de Carpenter et de sa  famille (son fils Cody et son filleul Daniel Davies) élargi légèrement sa palette , en particulier grâce à un son de guitare extrêmement lourd tout en gardant la terreur métronomique du thème classique.
Conclusion : Avec Halloween , David Gordon-Green signe un « legacyquel »  qui respecte son modèle par sa qualité , son efficacité et son intelligence. Il offre une belle sortie à Jamie Lee-Curtis dans son rôle signature et une conclusion parfaite à la saga de Michael Myers.

Ma Note : B+

Halloween de David Gordon-Green (sortie le 24/10/2018)

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