
Pour les spectateurs qui auraient trouvé La Favorite excessif Marie Stuart, Reine d’Écosse qui retrace le destin de la monarque aux cheveux roux – revenue dans son Écosse natale en 1561 pour prendre sa place sur le trône – est tout aussi remplie d’intrigues de palais, de jeux de pouvoir et de proto-féminisme que le film de Yorgos Lanthimos mais si il a sa part de révisionnisme historique , ce drame d’époque reste classique dans sa description des mœurs de l’époque et de la concurrence féroce entre les deux femmes. Une rivalité qui oppose Marie à la descendante des Tudors Elizabeth I, qui, lorsque elle fait valoir ses prétentions en Écosse, doit gérer une entente diplomatique mais aussi la menace que fait planer la jeune reine pour sa propre légitimité en tant que souverain anglais puisqu’elle peut prétendre au trône si Elizabeth n’a pas d’héritier.

Inspiré de la biographie de John Guy, le film est principalement axé sur la jeune veuve Marie Stuart, qui oeuvre à la consolidation de son pouvoir, considérant différents prétendants, avant de vivre un mariage désastreux avec Lord Darnley (Jack Lowden), alcoolique et homosexuel, communiquant avec sa cousine Elizabeth dans une série de lettres. Si l’affiche et la bande-annonce promettent un affrontement entre les deux souveraines le scénario de Beau Willimon (House of Cards) peine à le matérialiser. Si les séquences d’introduction campent les deux personnages et leurs entourages respectifs, celui de la souveraine anglaise semble s’effacer quand la reine d’Ecosse repousse le prétendant qu’elle lui destinait, son propre amant Robert Dudley (incarné par Joe Alwyn qui a beaucoup moins à jouer que dans La Favorite) . Elle semble alors accessoire aux intrigues et révolutions de palais que doit affronter Marie en Ecosse. Marie Stuart, Reine d’Écosse préfère la fidélité historique à l’audace , malgré des choix de casting qui prennent des libertés avec celle-ci – Gemma Chan (bientôt dans Captain Marvel) et Adrian Lester , respectivement d’origine asiatique et africaine jouent un rôle de premier plan à la cour d’Elizabeth, l’acteur porto-ricain Ismael Cruz Córdova incarnant lui l’ami italien de Mary, David Rizzio. Mais la narration qui se fait à travers une collection épisodique de scènes explicatives, destinées à transmettre le plus d’informations d’informations possibles avec efficacité et clarté, apparaît bien trop scolaire aux dépends d’une véritable dramaturgie. Les nombreux seconds rôles qu’il s’agisse d’un David Tennant méconnaissable dans le rôle du clerc protestant fanatique John Knox ou Guy Pearce dans celui de William Cecil conseiller d’Elisabeth semblent sortir d’une série historique de la BBC. Certes la reconstitution est méticuleuse tout comme la composition de plans travaillés comme des tableaux mais en ressort un film qui n’est pas particulièrement cinématographique (il s’agit de la première réalisation de Rourke qui vient du théâtre). L’enchaînement mécanique des séquences ne donne pas de véritable rythme au film et fait oublier le personnage d’Elizabeth pendant une majeure partie du film. Tant et si bien que quand elle réapparaît dans l’intrigue, incarnée par une Margot Robbie lourdement grimée, ce retour semble forcé à l’image de la rencontre fictive qui les opposent. Ce qui se veut un dernier affrontement entre les deux rivales, comme un écho à la confrontation Pacino / DeNiro dans Heat est plombé par une mise en scène trop théâtrale et un texte qui ne l’est pas moins malgré le talent de ses comédiennes. N’ayant pas pris le parti de vraiment développer leur relation, cette confrontation n’a jamais la charge émotionnelle et dramatique que prétend lui donner Josie Rourke. Le film est plus intéressant quand il quitte la grande Histoire pour offrir une vision de l’intimité des femmes de l’époque.

Si son script est parfois défaillant les qualités du film reposent sur le duo Saoirse Ronan – Margot Robbie, dans le rôle de Marie et Elizabeth, dont les relations contradictoires concilient hostilité, jalousie, admiration et amour fraternel. Ronan dépeint Mary comme une femme à la fois impertinente , une reine impulsive, mais aussi d’une simplicité désarmante. Le naturel de la comédienne donne une vraie humanité à la figure historique. Robbie – qui interprète Elizabeth pendant et après un épisode de variole qui la défigure – parvient à nous faire ressentir de l’empathie pour une monarque qui comme elle le note dans un moment nostalgique, est devenue «plus homme que femme», ses besoins émotionnels et sexuels sacrifiés à l’Etat qu’elle dirige et qu’elle vient à personnifier. Sa performance ne tombe pas dans le piège des numéros à Oscars même si elle pâtit des faiblesses du scénario. Marie Stuart, Reine d’Écosse est un biopic historique porté par ses deux interprètes mais handicapé par son rythme inégal et le classicisme de sa forme qui l’empêchent de se distinguer comme a pu le faire cette année La Favorite.
Ma Note : C
MARIE STUART, REINE D’ÉCOSSE de Josie Rourke (sortie le 27/02/2019)
Je m’en tiendrai donc à la vieille version signée Ford.
Le risque avec ces films en costume est effectivement de faire docu fiction historique, même servi par un beau casting.