CAPTAIN MARVEL (Critique)

Dernier arrêt avant Avengers Endgame qui marque la fin de la première décennie du studio , Captain Marvel  est le premier film de la compagnie mettant en vedette une héroïne solo . Pour cet honneur le choix du studio s’est porté sur le personnage de Captain Marvel à l’origine un personnage masculin, déserteur de l’empire Kree une civilisation extraterrestre militariste, le personnage décède en 1982  et voit son titre repris au cours des années par plusieurs personnages  jusqu’en juillet 2012 où sous l’impulsion de la scénariste Kelly Sue DeConnick c’est Carol Danvers super-héroïne connue de longue date sous le nom de Miss Marvel (qui avait obtenu ses pouvoirs à la suite d’une rencontre avec le Captain Marvel original) qui en hérite. Le message marketing autour du film est axé sur cette approche féministe portée par Brie Larson oscarisée pour Room dans le rôle-titre qui se retrouve dans la composition de l’équipe technique : choix de scénaristes femmes Geneva Robertson-Dworet (Tomb RaiderNicole Perlman (Gardiens de la galaxie) Meg LeFauve (Vice-versa), de la compositrice Pinar Toprak (le jeu Fortnite) première femme à composer le score d’un blockbuster. La réalisation est confié au couple Anna Boden et Ryan Fleck (Mississippi Grind). Captain Marvel est également la première préquelle du studio  (le film se déroule dans les années quatre-vingt-dix) tirant profit des techniques de rajeunissement numérique de la société Lola déjà employé avec succès sur Civil War , Ant-Man ou les Gardiens de la galaxie 2. En situant l’action du film vingt ans avant le premier Iron Man le studio évite d’avoir à justifier le sort de ses protagonistes après la conclusion cataclysmique d’Infinity War. Captain Marvel fait aussi la jonction entre les deux grandes tendances du MCU : les aventures terrestres basées le thriller et la super technologie (Captain America ou Iron Man) et les aventures cosmiques des Gardiens de la Galaxie. On en retrouve ainsi des piliers comme Nick Fury toujours incarné par Samuel L.Jackson (avec ses deux yeux cette fois), l’agent Coulson (Clark Gregg qui retrouve l’univers cinématographique Marvel) mais également Lee Pace et Djimon Hounsou qui reprennent respectivement leurs rôles de Ronan et Korath qu’ils tenaient dans  Gardiens de la galaxie. Le film s’ouvre, après un magnifique hommage à Stan Lee (qui a aussi un cameo très drôle dans le film), sur Hala la capitale de l’empire Kree gouverné par un AI baptisée l’Intelligence Suprême, plongé dans une guerre perpétuelle avec une race de métamorphes les Skrulls qui ont la capacité d’infiltrer secrètement leurs colonies. Vers (Brie Larson) appartient à un commando d’élite la Starforce dirigée par son mentor Yon-Rogg (Jude Law) aux cotés de la sniper Minn-erva (Gemma Chan) et Korath (Djimon Hounsou). Elle est la seule du groupe à posséder des capacités spéciales à l’origine mystérieuse. La Starforce est bientôt déployée sur une colonie infiltrée par les Skrulls avec pour mission d’exfiltrer un espion Kree. La mission tourne mal et elle est capturée par le leader skrull Talos (Ben Mendelsohn). Soumise à un interrogatoire elle voit surgir des souvenirs enfouis et parvient à s’échapper sur la planète C-53. C’est sur cette planète plus connue par ses habitants sous le nom de Terre qu’aux cotés de l’agent du Shield Nick Fury (Samuel L.Jackson) elle va partir à la recherche de son passé et de la vérité sur ses origines …

Captain Marvel reprend la formule du studio qui a toujours mêlé les conventions super-héroïques, ici le modèle désormais éprouvé de l’»origin story » avec celles d’autres genres eux-mêmes très codifiés donc familiers du grand public (le thriller paranoïaque pour Captain America Le Soldat de l’hiver ou le film de casse pour Ant-man). C’est le buddy-movie où un tandem de personnages à priori opposé doit travailler ensemble surmontant ses problèmes de communication qui sert de matrice à l’intrigue. Le choix de ce genre, roi dans les années 90 contribue à l’ancrage du film dans cette décennie où son action se situe. Une authenticité renforcée par la présence de Samuel L. Jackson puisque la notoriété de l’acteur a explosé à la même époque et qui a joué dans deux classiques du genre : Une journée en enfer mais surtout le mésestimé Long Kiss Goodnight / Au revoir à jamais (scénarisé par Shane Black qui signa Iron Man 3) où il faisait déjà équipe avec une femme d’action amnésique dotée de capacités étonnantes et dont Captain Marvel semble constituer la version super-héroïque. L’acteur fait de son Nick Fury « jeune » une version plus compétente de Mitch Henessey le privé miteux qu’il incarnait dans le film de Renny Harlin. Son entente avec Brie Larson est évidente, la familiarité des deux comédiens tangible, Jackson jouant plus de sa « coolitude » que de son côté bad-ass laissant à Larson le coté physique. Captain Marvel s’inscrit dans la veine fun des films Marvel et joue la carte du divertissement grand public. Malgré les enjeux « cosmiques » Anna Boden et Ryan Fleck privilégient les interactions entre les personnages et l’humour à l’action au drame. Humour qui repose sur les situations (comme Thor, Captain Marvel est la classique « fish of the water » qui découvre les coutumes terrestres qu’elle ne connait pas), des références nostalgiques aux années 90 (les vidéoclubs, les morceaux de No Doubt ou Hole ) et les clins d’œil  à  la chronologie du Marvel Cinematic Universe (ah tiens c’est comme cela que Nick Fury a perdu son oeil !). L’humour est très présent mais fonctionne grâce au timing comique des interprètes et l’absence de prétention de l’ensemble. Si on met de côté les progrès dans les effets visuels (plus réussis que ce que les bande-annonce laissaient redouter) Captain Marvel ressemble effectivement à un film de la « Phase 1 » si Marvel avait débuté ses projets cinématographiques en 1991. 

 C’est dans les scènes plus intimistes entre Carol et sa meilleure amie Maria Rambeau (Lashana Lynch) ou quand ils dirigent leur ami Ben Mendelsohn  (Ready Player One) que l’apport du duo de réalisateurs est visible. Mendelsohn est surprenant dans le rôle de Talos, loin du grand méchant caricatural attendu et donne une performance nuancée à la fois drôle et émouvante.  Pour le reste en revanche leur mise en scène manque terriblement de personnalité, à l’image de la direction artistique complètement anonyme d’Andy Nicholson (Gravity) incapable de donner la moindre identité à ses décors comme Hala capitale d’un empire galactique générique au design vu mille fois vu ailleurs en mieux. On est à des années lumières du travail de Charles Wood pour le studio sur Les gardiens de la galaxie ou Doctor Strange. Même la photographie de Ben Davis, qui a pourtant éclairé ces deux films, est plate donnant   une patine quasi-télévisuelle à l’ensemble jusqu’à un climax manquant cruellement d’ampleur. Si elle reste lisible l’action manque de dynamisme faute d’un montage efficace.

Si  le scénario n’adapte pas une histoire en particulier il emprunte des éléments issus de plusieurs époques du comic-book : certains comme le « chat » Goose (baptisé d’après le personnage d’ Anthony Edwards dans Top Gun,   Chewie dans les comics), sa devise « Higher, further, faster, more », le recentrage sur son histoire dans  l’armée de l’air et bien entendu le design de son costume inspiré des  combinaisons de vol auquel s’ajoute un casque rétractable qui donne à ses cheveux l’aspect d’un mohawk viennent des  comics de Kelly Sue DeConnick (qui fait une apparition dans le film à la Stan Lee parmi les passagers du métro de Los Angeles) et David Lopez à l’origine du regain de popularité du personnage. Mais les fans old-school apprécieront les références aux origines du personnage en particulier le traitement du personnage du « Dr Lawson » (incarné ici par Annette Bening). Les développements de l’histoire sont prévisibles mais la structure du premier acte est assez originale avant de revenir à une trame plus classique une fois que notre héroïne atteint la Terre. En terme d’adaptation le traitement des Skrulls est la grande réussite du film, leur représentation visuelle est très fidèle grâce au travail remarquable sur les maquillages de Legacy (le studio de feu Stan Winston) , l’angle et les thématiques par lesquels les film les aborde sont très intéressants (tout en restant  fidèle à l’esprit du matériau d’origine). 

Comme Black Panther le fit pour la communauté afro-américaine l’objectif affiché ici est d’envoyer un message d’affirmation à destination du jeune public féminin à travers une super-héroïne forte et indépendante présentée comme la plus puissante de l’univers Marvel.  Le résultat s’avère moins pertinent que dans le film de Ryan Coogler sans doute parce que le développement du personnage se fait  ici « à l’envers », non pas de façon organique mais à partir de la fonction qu’elle se doit de remplir.  Carol Danvers est une héroïne dont on nous DIT qu’elle est la plus grande mais sans vraiment nous le MONTRER en dehors de démonstrations de puissance purement physiques. Parce qu’elle doit être un modèle elle semble d’emblée dotée d’emblée d’un sens moral et de compétences supérieures lui permettant de réussir   tout ce qu’elle entreprend avant même d’avoir atteint son plein potentiel.  Brie Larson est dynamique, impliquée, bienveillante et chaleureuse mais ne parvient pas à insuffler une véritable personnalité à son personnage trop parfait, finalement la moins incarnée du film, comme a pu le faire Chris Evans (la tâche étant sans doute plus aisée pour Robert Downey Jr ou Chris Hemsworth car Tony Stark et Thor offraient plus d’aspérités). Le propos féministe à l’exception d’un moment marquant réussi lors d’une confrontation entre Larson et le personnage de Jude Law (dont le charisme est gaspillé dans un personnage sous écrit) est assez peu subtil.

Conclusion : En dépit d’une mise en scène impersonnelle et d’un  personnage central au final peu développé Captain Marvel en jouant la carte de l’humour et du divertissement  sans prétention fait le job grâce à un script bien construit et  l’abattage de ses comédiens. Mais si Kevin Feige (aka Satan pour une partie de la twittosphére cinéma française ) peut se reposer sur une infrastructure solide d’artistes et de techniciens qui assurent un standard de qualité, il doit prendre garde à choisir des réalisateurs à la personnalité assez affirmée pour ne pas se laisser étouffer par cette machinerie. Au risque voir les films du studio devenir les produits formatés que leur détracteurs les accusent déjà d’être.

Ma Note : C+

Captain Marvel de Anna Boden et Ryan Fleck (sortie le: 6 mars 2019)

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