6 UNDERGROUND (Critique)

Depuis maintenant sept ans Michael Bay semblait prisonnier (consentant) de la franchise Transformers les robots le tenant éloigné des thrillers d’action à grands spectacles qui ont fait sa réputation. Ses deux incursions hors de la franchise durant ce septennat ont donné lieu à chaque fois à d’excellents films (13 Hours et Pain & Gain ce dernier étant sans doute un des meilleurs de sa filmographie). Ainsi la perspective de le voir revenir aux commandes d’un blockbuster d’action pure avec un énorme budget (150 millions de dollars) et la liberté totale qu’accorde le streamer Netflix qui plus est aux cotés du trio gagnant de Deadpool le tandem de scénaristes Rhett Reese & Paul Wernick (Bienvenue à Zombieland, Life) et la star Ryan Reynolds nous faisait saliver. Pourtant en dépit d’indéniables qualités visuelles 6 Underground est une petite déception ne tient qu’une partie de ses promesses , victime des travers qui frappent beaucoup des productions in house Netflix. Sans la contrainte budgétaire et l’influence d’un producteur exigeant trop de réalisateurs sont capables de se discipliner comme ils le feraient pour une sortie en salles et versent dans l’auto-complaisance. Et si le talent de Michael Bay qui sait parfaitement quels leviers tirer pour livrer un spectacle cinématographique satisfaisant empêche le film de sombrer dans l’incohérence on est loin du home-run.

Le film s’ouvre in media res sur une scène de poursuite / demolition derby dans les rues de Florence qui sert d’introduction à son concept et ses protagonistes et sonne comme une note d’intention de la part de Bay : montage stroboscopique qui aurait donné une crise d’épilepsie à feu Tony Scott, esthétisation  façon magazine de luxe sur papier glacé de chaque plan (et de chaque actrice toute transformée en fantasme façon Victoria’s Secret) , angles de vue byzantins, ultra-violence qui frise le cartoon, ralentis extrême à la limite de l’auto-parodie (volontaire), humour potache (des nonnes font des doigts d’honneur) et bien sur destruction massive de véhicules et bâtiments sur fond de pyrotechnie apocalyptique. Le message est clair 6 Underground sera comme annoncé du Michael Bay sans filtre, freins ou contrôle ce qui sera sa force mais aussi son talon d’Achille. Bien-sur le réalisateur  de Bad Boys II est un technicien éblouissant, avec un talent proprement unique  pour orchestrer des scènes d’action où le gigantisme et l’impact le disputent à l’esthétique , mais il semble refuser obstinément de progresser dans la narration et le contenu de ses sujets s’accrochant à son identité visuelle singulière alors que les styles de l’époque évoluent. Autrefois à l’avant garde du cinéma d’action, il semble désormais en décalage avec une nouvelle génération qui allie emphase visuelle et contenu.  En ce sens la plus grosse déception du film tient à la désertion de Reese et Wernick (Deadpool, Life, Bienvenue à Zombieland) dont la capacité à écrire des scénarios très visuels intégrant avec humour  les codes de la pop-culture semblait pourtant parfaitement adapté à une collaboration avec Bay.

Meme si il semble intentionnellement construit  pour rendre son pitch relativement simple, proche de celui d’une série télévisée  (« un milliardaire simule sa mort et recrute plusieurs autres spécialistes pour simuler leur mort et devenir une équipe clandestine de justiciers ») aussi déroutante que possible, il est si dénué d’enjeux , d’antagonistes, de protagonistes ou de de développements intéressants qu’il laisse Bay livré à lui-même.. Malgré un nombre relativement réduit – Dave Franco, “le pilote”, Reynolds, “le milliardaire”, Mélanie Laurent  (qui se sort plutôt  bien de l’exercice) « l’agent de la CIA ”, Manuel Garcia-Rulfo “le tueur”,  Adria Arjona “le Docteur” et Ben Hardy “le skywalker” – les personnalités des membres du groupe ne vont pas au-delà de ce qu’on pourrait lire sur des emballage de figurines (ironiquement   Reese et Wernick étaient  parvenus  à pondre un script efficace pour G.I Joe 2). En dépit  de nombreux flash-back inutiles, on ne sait pas vraiment ce qui dans  leurs passés respectifs (à l’exception de  celui de l’ex sicario) les pousseraient à joindre une organisation de vigilante financée par un milliardaire. Ryan Reynolds qui su  imposer depuis Deadpool sa personnalité de héros d’action misanthrope et ironique, mélange de Bugs Bunny et de Bruce Willis,  semble ici en pilotage automatique, toute tentative de sérieux  sonnant faux, on sent le canadien plus motivé pour faire de la retape pour sa marque de gin que d’offrir un personnage mémorable.Il n’est pas plus aidé que ses partenaires par un personnage peu défini dont on ne découvre certains éléments du background littéralement dans les dernières secondes du film. On se souvient de l’adage d’Hitchcock (meilleur est le méchant meilleur est le film) hélas celui de 6 Underground , premier sur une liste de 10 cibles désignées par « 1 » (pour nourrir d’ éventuelles suites),  un tyran moyen-oriental caricatural substitut de Bachar Al Assad nommé Rovach Alimov (Lior Raz) est si dépourvu de charisme et de personnalité qu’il est,  hors de sa fonction purement anecdotique.

Michael Bay a parfaitement su adapter 6 Underground à son mode de diffusion où le spectateur doit être à la fois maintenu devant son écran en dépit des distractions (téléphones portables, taches ménagères) mais doit aussi pouvoir rejoindre le film à tout moment. Ainsi l’action est quasi-constante, toutes les séquences d’égales importance en termes de décors et d’échelle. On critique souvent le style du montage de ses films mais le réalisateur de The Rock et ses complices habituels Roger Barton (Pearl Harbor , Bad Boys II) et Billy Goldenberg (quelques Transformers, Heat, Domino) font ici des merveilles de multitasking, en dépit du nombre incalculable de plans, de décors et d’actions simultanés, le flot du montage est toujours fluide privilégiant l’efficacité narrative à la cohérence. Si cette débauche de Bayhem est jouissive, elle se fait au détriment de toute progression dramatique , quand tout est « cranked up to 11 » plus rien ne ressort vraiment, il manque d’un personnage attachant et charismatique pour ancrer l’action ou d’une scène qui se distingue (même si la séquence italienne reste sans doute la meilleure).

Conclusion : 6 Underground est une impressionnante et jouissive  démonstration de ”Bayhem ” sans  filtre , idéal pour calibrer un home cinéma mais si dénué d’enjeux (sans doute le pire script de Reese et Wernick) de modulation et personnages marquants  qu’on est malgré tout très loin de ses meilleurs films.

MA NOTE : C+

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