
Lorsque tous ses collègues de travail sont exécutés par une équipe de tueur, le rat de bibliothèque de la CIA Joe Turner – nom de code «Condor» – se cache, réalisant bientôt qu’il est presque impossible de trouver quelqu’un en qui il peut avoir confiance, à mesure que les trahisons de ses supérieurs révèlent des conspirations dans les complots, et apparemment aucune issue. Ayant besoin d’un endroit pour se cacher, il kidnappe une passante, Kathy Hale (Faye Dunaway), qui ne croit pas pleinement à son récit des événements, surtout après qu’un reportage ultérieur ait contredit une grande partie de ce qu’il lui a dit.Sans expérience sur le terrain et avec un assassin hautement qualifié à la poursuite, Condor pourra-t-il rester en vie et découvrir la vérité?

Le scandale du Watergate qui aboutira à la démission du président Nixon deux ans plus tôt a achever d’ébranler de façon durable la confiance du peuple américain, déjà traumatisé par le conflit au Viet-Nam et l’assassinat du président Kennedy et de son frère, dans ses institutions gouvernementales et économiques. Le cinéma s’est tout de suite emparé de ce malaise à qui il a donné un exutoire sous la forme d’un nouveau genre qui semble refléter ce monde de surveillance et de paranoïa, de dissimulation et de mensonges: le thriller paranoïaque, qui implique des conspirations ténébreuses menées en coulisses par des groupes souvent nichés au sein de l’appareil d’état. Dés 1974 met en scène une conspiration pour assassiner un président. Dans Three Days of the Condor (1975), l’ennemi à l’intérieur est clairement identifié comme étant la CIA dont la réputation à cette époque vacille sous le coup de divers scandale : la Commission Rockefeller révèle le projet MKUltra, un programme illégal de contrôle mental, on l’accuse d’imprimer illégalement ses propres billets de banque; d’appuyer le coup d’État de Pinochet au Chili; et même de vendre des intrigues réelles à des romanciers d’espionnage. Meme si [SPOILER] les méchants du film se révèle être «CIA au sein de la CIA» – un groupe dissident extrémiste dont les agissements sont inconnus des dirigeants de «l’entreprise». Cette théorie des « quelques pommes pourries » semble être un échappatoire pour apaiser l’agence dont certains chefs furent inviter à des projections du film.Avec le recul du temps le plan des bad-guys du film, qui implique une intervention au moyen-orient lui donne un aspect prophétique. Pourtant en dépit de l’implication de deux grandes figures libérales (entendre « de gauche ») d’ Hollywood que sont Pollack et Redford, les Trois jours du Condor est sans doute le film du genre au contenu politique le moins prononcé si on le compare au Conversations secrètes de Francis Ford Coppola, À cause d’un assassinat d’Alan J.Pakula (avec Warren Beatty qui refusera le rôle de Turner) et bien sur Les Hommes du président qui en quelque sorte ferme le banc de cette période. Ils venaient de tourner ensemble le western écologique Jeremiah Johnson et le film romantique Nos plus belles années et souhaitaient poursuivre leur collaboration avec un autre genre. Les subtilités de l’intrigue et les déclarations éthiques ou politiques occasionnelles n’empiètent pas sur ce qui reste avant tout un grand film de studio destiné à mettre en valeur son couple de stars, le film se monte comme beaucoup à l’époque autour d’un package ici l’attelage de deux grands sex-symbols que sont Redford et Faye Dunaway. Les trois jours du Condor est une relecture moderne du thriller d’homme en fuite à la manière de La mort aux trousses d’Hitchcock avec la CIA comme «macguffin». Le script est signé Lorenzo Semple Jr. qui si il a travaillé sur le film de Pakula reste surtout une figure du grand divertissement, s’étant fait remarquer sur la sérié TV Batman et qui deviendra le « go to guy » du producteur de Condor Dino De Laurentiis pour qui il signera les scripts de Flash Gordon ou King Kong. L’aspect politique le plus intéressant est la confiance qu’à in fine Turner dans ce grand bastion de la presse – le New York Times. Mais dans le dernier arrêt sur image, la peur et le doute sur son visage montrent ce qui se passerait si cette liberté de la presse était perdue. Une peur qui semble se réaliser aujourd’hui dans l’Amerique de trump et des fake-news.

L’attraction principale du film est bien évidemment sa star la chance d’avoir le casting de Robert Redford qui malgré son charisme solaire de dieu californien parvient à être crédible à la fois en intellectuel livresque dont
la tâche quotidienne est de rechercher des modèles, des codes et des significations cachées dans les livres, les journaux et les magazines, en homme d’action capable de survivre à des fusillade dans une ruelle, en kidnappeur capable de séduire Faye Dunaway et déjouer l’unité de suivi téléphonique de la CIA. Meme si Dunaway est à la fois électrique et vulnérable en spectatrice apparemment innocente pris dans cette toile la romance entre Turner et Hale n’apparaît pas très organique , sans doute une demande du studio, bien que Pollack ait fait plus que sa part d’histoires d’amour.Si les gens peuvent agir de manière dramatique après avoir subi un choc post-traumatique, la suspension d’incrédulité est forte pour accepter que le personnage de Turner dont la petite amie vient d ‘être abattue, finisse par vouloir le coucher avec quelqu’un d’autre même si elle possède les pommettes ciselées et la beauté de Faye Dunaway. Elle apparaît plus problématique encore de nos jours dans la manière dont le personnage de Dunaway tombe amoureux de son ravisseur . La menace du film est incarnée par une autre légende de l’écran Max von Sydow, qui aurait eu 91 ans le 10 avril, dont la carrière couvre 70 ans et150 films. Bien qu’il soit surtout associé à son rôle Antonius Block dans Le septieme sceau d’Ingmar Bergman, du père Lankester Merrin de L’exorciste de William Friedkin ou Ming the Merciless dans «Flash Gordon», sa performance dans le rôle du suave maître assassin aux trousses de Condor est l’une de ses plus mémorables. Grand ,mince et silencieux, ses yeux toujours en mouvement, semblent calculer les prochaines mouvements de sa proie, il ne montre aucun remords et aucune empathie. Si il est omniprésent dans l’histoire, il n’a que peu de scénes, il est plus souvent mentionné que vu lui conférant une aura effrayante. Le travail de Roizman est ainsi essentielle pour établir le jeu du «chat et de la souris» entre le tueur et sa proie , les deux acteurs ne partageant que l’écran que deux fois. La deuxième rencontre entre les deux hommes est très différente car le troisième acte prend une tournure inattendue qui leur permet parler entre égaux plutôt qu’en antagonistes. si Joubert reste menaçant le jeu de Vion Sidow souligne la transformation du personnage de Redford d’une personne terrorisée à quelqu’un d’intrépide. Une transition necessaire pour rendre crédible la confrontation finale entre Turner et l’autre méchant du film Higgisn incarné par une autre figure du cinéma des années 70 Cliff Robertson (connu des plus jeunes pour être l’Oncle Ben des Spider-man de Sam raimi).

La mise en scène de Sydney Pollack a beaucoup de style et d’invention et une énergie que les œuvres de la seconde partie de sa carrière semblent avoir perdu. L’utilisation de décors réels confère au film un réalisme et une immédiateté qui tranche avec le glamour du vieil Hollywood. Ici règne un «réalisme minable» – un temps gris et pluvieux, des poubelles débordantes, un bureau d’imprimantes coincées, des livres mal empilés et des réceptionnistes fumant à la chaîne. Même le générique d’ouverture avec sa police informatique – qui a dû paraître le film moderne en 1975 – nous rappelle la technologie terne du lieu de travail. Pollack utilise une palette de gris pour effacer l’arrière-plan pour rehausser le profil de Redford en tant qu’homme traqué. C’est est aussi un grand film new-yorkais on y voit tours jumelles (qui prennent de nos jours dans le cadre du film d’espionnage paranoïaque un symbolisme sinistre) , le musée Guggenheim, Central Park, ses delis, ses bretzels et des taxis jaunes à foison.La photographie du film signée du grand Owen Roizman dont le nom est indissociable des thrillers des années 70 ( French Connection, L’exorciste, Les pirates du métro) est consciemment stylisée avec des plans à travers les branches et les essuie-glaces et ajoute bien à l’atmosphére du film. Ce n’est que dans la scène de l’amour – entrecoupée de photographies artistiques en noir et blanc de bancs de parc vides sur une musique au saxophone sexy (le score de jazz-fusion de Dave Grusin n’a pas très bien vieilli) omniprésent que le film apparaît suranné.,