REMINISCENCE (Critique)

Réminiscence se situe dans un futur où le changement climatique a submergé la plupart de des terres et entrainé  une guerre mondiale. Dans ce contexte nous suivons  Nick  Bannister (Hugh Jackman)  un ancien combattant devenu une sorte de détective de la mémoire en utilisant une technologie développée pour interroger des prisonniers afin de se naviguer et visualiser les souvenirs de ses clients , que ce soit pour le plaisir nostalgique de revivre de bons moments ou retrouver des objets perdus. Pour arrondir leur fin de mois  Bannister et Watts (Thandiwe Newton) son assistante travaillent également pour le bureau du procureur de Miami.  Quand une mystérieuse  chanteuse  (Rebecca Ferguson) qui avait engagé Nick pour retrouver ses clés disparait , il se lance dans  une enquête qui va vite devenir obsessionnelle et dangereuse. Le marketing de Reminiscence, premier film de Lisa Joy (qui en signe également le scénario)  co-showrunner de la série Westworld aux cotés de son mari Jonathan Nolan (auteur du roman dont s’inspire Memento et coscénariste de The Dark Knight mais qui est simplement producteur ici) est trompeur laissant entrevoir une copie d’Inception ou de Minority Report  insistant sur des éléments qui font écho à ces deux films : les buildings de Miami submergés ou bien Hugh Jackman utilisant la machine à explorer des souvenirs plongé dans un bain de liquide des électrodes sur la tète à la manière  des precogs du film de Spielberg. Pourtant si cette parenté visuelle est indéniable en dépit de son cadre et de ses éléments science-fictionnels  Reminiscence est un authentique film noir à l’ancienne.

Bien que les films évoqués plus haut empruntaient eux-aussi des éléments au genre Réminiscence  en respecte à la lettre tous les codes, l’ambiance et la structure de l’intrigue : la voix-off du  détective au bout du rouleau, vétéran de  guerre avec son assistante secrètement amoureuse de lui qui se lance à la recherche d’une femme fatale qui va le conduire à mettre à jour une conspiration qui implique policiers corrompus et propriétaires terriens. Si Joy en actualise le cadre avec cet environnement  post-changement climatique qui offre des visuels spectaculaires de mégapoles inondées  extrapolant notre monde futur, le film garderait son essence et son charme si il était situé à la fin des années quarante. De la même manière la technologie d’exploration des souvenirs si elle est au cœur du film n’est pas utilisée, comme chez Spielberg pour des question étiques ou comme chez Nolan (Christopher) dans un jeu cérébral pour brouiller chez le spectateur la frontière entre le réel et le souvenir. Ce n’est pas un gadget puisque Lisa Joy l’utilise à de nombreuses fins narratives ou visuelles que ce soit pour matérialiser pour le protagoniste des flashbacks qui lui permettent de dénicher de nouvelles pistes ou comme moyen de faire jaillir l’émotion dans une scène très poignante. Mais comme pour le contexte futuriste,  si ils jouent tous les deux des rôles essentiels dans le  récit, ils auraient pu être substitué par d’ autres dispositif narratifs sans changer la nature de l’œuvre. Ce double dispositif de film noir et d’anticipation permet à  Joy  de traiter  de nombreuses thématiques : évidemment celle de  l’addiction à la nostalgie  qui nous empêche d’affronter le présent quand il nous semble intolérable mais aussi la fracture toujours plus grande entre les classes sociales. Fille d’immigrants taiwanais  aux Etats-Unis elle évoque aussi au détour des souvenirs de cette troisième guerre mondiale fictive les camps d’internement pour asiatiques aux USA bien réels de la seconde guerre mondiale. Une des seules faiblesses du film tient à la nature et la résolution de la conspiration qui semble trop légère  comparée à la force de la relation entre les personnages de Jackman et Ferguson.

Sans doute grâce à l’expérience acquise sur la série Westworld, Lisa Joy fait, pour un premier film, un  travail remarquable de « wordbuilding » , la conception visuelle des décors et de l’univers du film signée Howard Cummings(son collaborateur sur la série) bâtit un  monde post-réchauffement climatique où l’eau est omniprésente (comme la pluie de Blade Runner inévitable référence quand on crée une dystopie/ film noir)   avec une foule de détails pratiques (les chaussures montantes de Jackman) qui le rende crédible . Cet avenir où subsistent les restes du passé justifie l’attrait irrésistible que  les souvenirs  peuvent avoir sur ses habitants.. Le film a une vraie sensibilité cinématographique, se déroulant dans plusieurs environnements distincts avec de nombreux seconds rôles. La photographie signée d’un collaborateur régulier de Tony Scott, Paul Cameron  (Déjà vu, Man on Fire, Collatéral ) en dépit d’un aspect HD parfois trop prononcé, donne  même en plein jour à Reminiscence  l’ambiance des meilleurs films noirs. Joy a la chance que Warner ait investi massivement dans un film au final si intimiste pour lui donner une  échelle qui soutient sa vision. Tout est fait pour que le  budget se retrouve bel et bien à l’écran. En ces temps ou trop de films ont au moins une demi-heure de trop Lisa Joy garde Reminiscence sous la barre des deux heures et s’efforce de maintenir l’intérêt du spectateur en injectant au milieu des parties dialoguées  une grande variété de scènes d’action (gunfights, poursuite  et un combat  au corps à corps   qui culmine avec un magnifique plan au ralenti avec un grand piano s’enfonçant dans une salle de concert immergée)  intégrées organiquement à la construction du mystère.

Les précédents rôles de Rebecca Ferguson que ce soit dans Mission: Impossible Rogue Nation ou  Doctor Sleep  trouvent leur aboutissement dans ce rôle de femme fatale insaisissable maintenant toujours le spectateur dans l’incertitude quand à ses intentions et sa vraie nature.  Elle est tout à la fois énigmatique et d’une intensité  indéniable, qu’elle soit face à de de dangereux criminels ou derrière un micro (Ferguson chante vraiment dans le film ). Le script de Lisa Joy entretient et relance parfaitement ce mystère tout au long du film  à chaque saut soigneusement choisi que l’on fait dans le passé à travers les souvenirs des différents protagonistes. Hugh Jackman, a toujours eu à nos yeux malgré son émergence dans le cadre on ne peut plus contemporain du Comic Book Movie la sensibilité des stars de l’ancien Hollywood. Ainsi le rôle de Nick semble lui avoir été taillé sur mesure. Il a la faculté de transmettre le désarroi de son personnage ,de faire passer des émotions authentiques, en dépit de son charisme de star, qui nous accrochent à Nick   à chaque étape de son obsession qui devient un peu la nôtre. En dépit de son physique et de ses rôles super-héroïques, il se il meut et se bat ici comme un quinquagénaire et même si on évoque son expérience militaire il est  tout à fait crédible en privé hors de forme qui se fait corriger  par des hommes de main pour avoir fouiné de trop prés dans leurs affaires dans la grande tradition du film noir. Mais le meilleur aspect de sa performance réside  dans sa voix-off et dans la façon presque hypnotique dont Joy exploite la la chaleur et le calme de son  timbre de basse faisant du spectateur  des clients de Nick dans la machine à réminiscences. Lisa Joy entoure son duo vedette de solides acteurs de second rôle, elle donne à son actrice de Westworld (on retrouve également dans un petit rôle Angela Sarafyan) ,  Thandiwe Newton celui de l’assistante / garde du corps de Nick , elle s’y montre excellente (alors que l’auteur de ses lignes confesse ne pas trop l’apprécier d’habitude) en  alcoolique repentie. Joy lui donne sa propre backstory qui en fait plus qu’un personnage utilitaire.  La dynamique de leur relation rappelle celle entre les personnages de Ralph Fiennes et Angela Bassett dans Strange Days de Katherine Bigelow , autre film de noir-SF réalisé par une femme qui a bien plus de point commun avec Reminiscence que les films de son beau-frère Christopher Nolan. On a plaisir à retrouver l’intensité de Cliff Curtis (Training Day), en flic ripou  mêlé à la corruption et au trafic de drogue du scénario.

Conclusion : Reminiscence sous son emballage de SF est un film noir romantique old-school réussi, visuellement  beau, mené par deux acteurs magnétiques dirigé avec assurance et compétence. Lisa Joy est un talent à suivre (un de plus dans la famille Nolan !).

Ma Note : B

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