EVIL DEAD RISE (2023)

Le cinéma d’horreur a considérablement évolué depuis que Sam Raimi (Evil Dead, Darkman) a réalisé l’original de Evil Dead, financé en partie par des fonds collectés auprès de dentistes, et sa suite plus cartoonesque soutenue par le mogul Dino De Laurentiis (La Strada, Serpico). Autrefois marginalisé, ce genre est aujourd’hui florissant et a su résister à la vague des franchises et des super-héros, car il dialogue en permanence avec la société et aborde des sujets variés à travers son prisme. Sa rentabilité attire davantage d’investisseurs, offrant ainsi aux réalisateurs débutants une chance de se faire entendre. Il y a dix ans, les créateurs de l’original, Sam Raimi, Bruce Campbell (Army of Darkness, Bubba Ho-Tep) et Robert Tapert (The Grudge), ont confié le remake à Fede Álvarez (Don’t Breathe). Aujourd’hui, après une parenthèse télévisuelle sur Starz entre 2015 et 2018, mettant en vedette Ash, le protagoniste des originaux, c’est au tour du scénariste et réalisateur irlandais Lee Cronin (The Hole in the Ground) de présider au retour d’Evil Dead sur grand écran, célébrant le quarantième anniversaire de la franchise.Le film débute par une séquence d’ouverture située près d’un lac, jouant habilement avec les codes de la franchise avant de révéler le titre grandiose Evil Dead Rise. Il abandonne rapidement ce cadre bucolique pour un environnement urbain, passant d’un lac idyllique aux toilettes d’un bar miteux. Beth (Lily Sullivan), une roadie, découvre qu’elle est enceinte et se réfugie chez sa sœur Ellie (Alyssa Sutherland), une tatoueuse abandonnée par son mari et mère de trois enfants : Bridget (Gabrielle Echols), Danny (Morgan Davies) et la jeune Kassie (Nell Fisher). Cette famille éclectique mais soudée reflète le style parental de leur mère, tandis que le chaos débute lorsque Danny, en ramenant un mystérieux Livre des Morts trouvé dans une ancienne salle des coffres sous le parking, joue des disques vinyles contenant des incantations sinistres. Ce qui devait arriver arrive : la famille se retrouve assiégée dans son appartement par des démons, Ellie étant rapidement possédée et se retournant contre ses propres enfants. Beth, quant à elle, essaie désespérément de combattre cette entité tout en pleurant la perte de sa sœur et en tentant de comprendre l’horreur qui se déroule.

Le scénario de Cronin peut sembler léger dans le développement des personnages, avec une sous-intrigue sur la grossesse de Beth vite abandonnée. Cependant, il établit rapidement la dynamique entre la sœur aînée, plus responsable (Ellie), et sa cadette, qui cherche constamment ses conseils (Beth). La possession d’Ellie par une entité maléfique accentue le thème du regret lié à la maternité et la peur indicible de blesser ses propres enfants. Les esprits sataniques exploitent le lien maternel pour manipuler Danny, Bridget et Kassie, transformant des éléments du quotidien — la cuisine, les berceuses, l’heure du bain — en instants sinistres, grâce à la performance terrifiante de Sutherland. Toutefois, Evil Dead Rise ne tombe pas dans le piège de l’« elevated horror » — on n’est pas chez A24 — même si le temps que Cronin prend pour mettre en place la dynamique familiale porte ses fruits en établissant très tôt que personne n’est en sécurité. La combinaison de menaces pesant sur de jeunes enfants et de gore extrême fait de Evil Dead Rise une expérience traumatisante, et son cadre d’appartement crée une horreur claustrophobe, rendant l’évasion des personnages presque impossible. La réalisation de Cronin, caractérisée par un style visuel déstabilisant mêlant inclinaisons de caméra et zooms, ainsi qu’une palette de couleurs désaturées, évoque une atmosphère d’angoisse. Les intérieurs du bâtiment sont sépulcraux, renforçant cette ambiance de peur et de méfiance. La tension monte sans relâche : des objets du quotidien comme une râpe à fromage deviennent des instruments de torture, et chaque pièce oscille entre refuge et champ de bataille. Les influences de l’horreur japonaise sont palpables, avec des Deadites qui semblent imiter des filles fantômes japonaises, accompagnées de tics, de secousses et de craquements d’os. La conception sonore obsédante de Peter Albrechtsen (A Horrible Way to Die, The Girl with All the Gifts) contribue à l’anxiété ambiante, oscillant entre cris déchirants et silence glaçant, le mixage immersif offrant à chaque incantation une résonance d’un autre monde.

Cronin et son équipe font preuve d’un amour évident pour les effets pratiques, et la quantité de sang à l’écran en témoigne : il dégouline des murs d’un ascenseur, inondant tout sur son passage, jusqu’à culminer dans une scène inspirée de Shining. Evil Dead Rise se montre implacable, même si Cronin parvient à glisser des moments de burlesque rappelant les meilleures scènes de la franchise. Le ton, cependant, reste sombre et cruel, avec un gore frontal : traumatismes oculaires, vomissements, insectes, verre brisé, décapitations, démembrements, coups de couteau, coups de fusil de chasse… Chaque acte de violence devient plus douloureux parce qu’il est perpétré par une mère, innocentée au départ, plongée dans le chaos. Evil Dead Rise apparaît ainsi comme un hybride, oscillant entre les films de Raimi et la ré-imagination plus sombre de Fede Alvarez. Cronin reprend le travail de caméra cinétique de Raimi, le timing comique et l’intensité de la terreur d’Alvarez sans jamais tomber dans la comédie, grâce à l’ingénieux montage de Bryan Shaw. Mais ce sont les performances de son casting qui apportent une profondeur au film. Alyssa Sutherland, ex-top model australienne, brille dans son rôle de possession, ses interprétations d’une douleur authentique et d’une rage dévastatrice étant absolument captivantes. Elle se traîne, rugit et traverse le plafond, vomissant des litres de bile, tout en ravageant sa famille et le voisinage. La performance de Sutherland est d’autant plus dérangeante qu’elle parvient à établir Ellie comme une mère imparfaite mais aimante dans le premier acte. Bien que le maquillage et les effets soient remarquablement réalisés, c’est son jeu d’actrice qui rend le personnage inoubliable. Lily Sullivan dépasse son rôle de simple remplaçante de Bruce Campbell, tout en lui rendant hommage, maniant la tronçonneuse avec bravoure et riant alors que des vagues de sang l’éclaboussent. L’affrontement tragique entre les deux sœurs, qui viennent de se retrouver, devient une lutte pour la survie où chacune tente d’éliminer l’autre

Conclusion : Grâce au talent horrifique de Lee Cronin et aux performances solides d’Alyssa Sutherland et Lily Sullivan, la franchise Evil Dead ne possède pas de mauvais film. Evil Dead Rise s’impose comme un véritable rollercoaster d’horreur, s’inscrivant dans la lignée du remake de 2013. Son gore frontal augmente en intensité à chaque scène, tout en rendant un hommage groovy aux films de Sam Raimi.

Ma Note : B+

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