DONGEONS & DRAGONS : L’Honneur des Voleurs (Critique)

Le cinéma d’adaptation de marques ou IP (Intellectual Properties) connues du public fussent elles issues de la télévision (Mission Impossible) , des bandes-dessinées (Marvel et DC) , de jeux-vidéos ou de jouets (Transformers) est devenu presque un genre à part entière, en tout cas la forme dominante du cinéma de divertissement hollywoodien au 21e siècle. Le refuge des studios devenus allergiques au risque. Pourtant ces années ont montré à quel point c’est un exercice difficile et aléatoire, en tirer un succès et plus encore un bon film n’est pas chose aisée, pour un Avengers combien de franchises mortes dans l’œuf ou de films incohérents ? D’autant qu’ après 25 ans d’exploitation intensives cet « IP cinéma » semble marquer le pas aussi bien du point de vue commercial que critique. C’est dans ce contexte compliqué que débarque Donjons et Dragons : L’Honneur des voleurs adaptation du plus célèbre des jeux de rôles de fantasy créé par Gary Gygax (qui fit l’objet déjà l’objet d’une adaptation nanardesque avec Jeremy Irons) désormais propriété du géant des jouets Hasbro qui s’associe avec son partenaire historique Paramount (Transformers) pour en tirer une nouvelle franchise. La major à la montagne confie le projet au duo de réalisateurs-scénaristes  John Francis Daley et Jonathan Goldstein auteur des scénarios de Comment tuer son boss? et de la première version de celui de Spider-Man Homecoming et qui restent sur le succès de leur (très bonne) comédie Game Night sortie en 2018 après avoir quitté l’adaptation de The Flash chez Warner. Et on dire que le film est une excellente surprise, sans doute un des meilleurs « films d’Ip » depuis longtemps !!

On y suit Edgin le Barde (un Chris Pine charismatique, drôle et charmeur) , un voleur emprisonné dans une forteresse glacée qui va s’évader pour retrouver sa fille, Kira (Chloe Coleman). Avec l’aide de sa meilleure amie et partenaire Holga la Barbare (Michelle Rodriguez), ils enrôlent un ancien complice, le médiocre sorcier Simon (Justice Smith vu dans Detective Pikachu ), et une jeune druide idéaliste et métamorphe nommée Doric (Sofia Lillis l’héroïne de Ca) pour se venger du complice de leur dernier braquage qui a mal tourné et empêcher les méchants sorciers rouges de prendre le contrôle d’une grande cité et bientôt du monde. La séquence d’ouverture met tout de suite le public dans l’ambiance du film, on rit, le jeu des comédiens est excellent, des rôles principaux au des acteurs secondaires, la réalisation est habile et les effets visuels combinent CGI et effets pratiques. Il y a une volonté évidente d’attraper le spectateur par le col et l’entrainer dans l’aventure, tous les éléments clés qui définissent cette séquence d’ouverture se retrouvent jusqu’aux derniers instants du film, un enchainement de rires, des séquences d’action et des obstacles massifs qui ressemblent à une série de boss à battre dans un jeu vidéo.

Donjons et Dragons : L’Honneur des voleurs est une comédie d’aventures fantastiques qui présente une version de l’univers du jeu accessible aux joueurs (qui y retrouvera sans doute une foule de références) mais aussi aux béotiens est une épopée magique portée par une distribution complètement engagée à tirer le meilleur de la comédie et de l’action. Adapter un jeu de rôle à l’écran est délicat mais Daley et Goldstein cherchent à capturer l’énergie d’une partie de jeu de rôle entre amis plutôt que d’essayer de bâtir une adaptation littérale de l’univers du jeu auquel le film rend hommage autant qu’il le parodie avec affection. On trouve dans Donjons et Dragons : L’Honneur des voleurs comme dans leurs précédents film un bel équilibre entre sincérité et ridicule, ils savent n’être jamais trop ironique ou trop sentimental, une approche qui fonctionne bien ici ou l’on est étonnamment, tout aussi investi dans l’émotion que dans la comédie ou l’aventure. Le script est construit comme une série de quêtes et de périls au cours desquelles se joignent de nouveaux acolytes. La narration du film est variée et inventives, les motivations et les interactions des personnages portés par des comédiens investis sont plus importants que la mécanique de l’intrigue.

Le rythme du film est effréné et introduit toutes sortes de mythologie sans perdre de la cohérence. Daley et Goldstein introduisent leurs personnages et les concept du jeu dans l’action et privilégient toujours le mouvement et si ils exploitent les implications de toutes les situations, ils ne s’y appesantissent jamais pour en conserver l’impact. Les bande-annonce du film laissait penser qu’il cherchait à copier le ton des Gardiens de la Galaxie de James Gunn et il est vrai que plusieurs moments semblent sortis du catalogue de la formule Marvel Studios (le montage est d’ailleurs signé par Dan Lebendal sociétaire de Marvel puisqu’il a officié depuis Iron Man sur cinq films du studio). Mais Goldstein et Daley sont, après tout, familiers de l’univers Marvel eux-mêmes (ils ont signé la première version du script de Spider-man Homecoming) et parviennent à donner à ces éléments familiers un angle nouveau si bien que Donjons et Dragons est sans doute un meilleur « film Marvel » movie » que les dernières sorties du studio. Leurs scènes d’action sont élastiques et inventives, jouant avec la physique sans jamais se laisser déborder par leurs CGI toujours associés à des maquillages ou des effets pratiques qui donnent au film un esprit old-school. Les effets pratiques et le travail de marionnettes brille particulièrement dans une séquence avec des cadavres bavards. Le montage de Dan Lebental gère efficacement les scènes de combat et les poursuites élaborées avec une grande précision par le duo. Qu’il s’agisse de Doric se transformant en plusieurs animaux pour fuir la sorciére Sofina ou nos héros tentant d’échapper à un dragon obèse mais dangereux. L’équipe d’artistes d’effets spéciaux et le directeur de la photographie Barry Peterson  spécialiste es-comédie (22 Jump StreetLes Miller, une famille en herbe, Starsky & Hutch) crée des paysages magnifiques et donne la sensation d’un univers riche, tirant autant leurs inspirations du côté des aventures médiévales des années 50 réalisées par Richard Thorpe (Ivanhoé, Les Chevaliers de la Table ronde) et des films de Ray Harryhausen (Le Septième voyage de Sinbad, Jason et les Argonautes) que des films de fantasy contemporains. 

Beaucoup de la réussite du film tient à l’entente de son casting, de la façon dont nos quatre protagonistes principaux communiquent au lien profond qui unit la fille d’Edgin avec Holga. Non seulement le public s’investit dans la réussite de leur quête mais également dans les liens qu’ils nouent les uns avec les autres tout au long de l’aventure. Grâce à cette chimie, chaque acteur brille également individuellement . Chris Pine (qui coproduit le film) est ici à son meilleur tour à tour drôle, charmeur ou héroïque. Sa performance rappelle la grande palette d’un acteur qui peut jouer les héros, les pourris, les weirdos, les riches ou les prolos, à l’aise dans le drame ou la comédie comme leading-man ou second rôle, avec un vrai charme et une classe old-school. On sent qu’il s’amuse avec chaque phrase amusante ou observation hilarante, et donne beaucoup de vivacité au film. Une belle surprise du film est son duo avec Michele Rodriguez qui fonctionne comme ceux des meilleurs buddy-movies , il y a un une patience, une compréhension et une attention mutuelle entre Edgin le beau parleur et Holga la dure à cuire que Rodriguez joue avec son charme sévère typique que souligne leur connexion en tant qu’acteurs. Depuis quelques années Hugh Grant ancien roi de la romcom s’essaie à des personnages plus sombres (la série The Undoing) ou à des rôles de méchant comme dans Paddington 2. Il incarne ici un méchant déplorable, dénué de scrupules, veule et toujours prêt à trahir. Donjons et Dragons : L’Honneur des voleurs fait bon usage des talents de la révélation de la série Bridgerton Rege Jean Page dans le rôle d’un paladin – une classe de personnage dans le jeu de rôle à l’image des preux chevalier du Moyen Âge – il en fait un héros ennuyeux et vertueux brièvement enrôlé à la cause de l’équipage hétéroclite qui leur vole la vedette lors de son passage dans le film. Certes il n’y a pas de surprises dans le dernier acte mais le film reste drôle et enlevé jusqu’au bout avec des références à la présence d’autres « joueurs » dans l’univers du film et parvient à une conclusion émouvante.

Conclusion : Donjons et Dragons : L’Honneur des voleurs est un superbe divertissement de fantasy, avec un humour Monty Pythonesque, des personnages (et leurs interprètes excellents) , de l’aventure et des créatures. La convivialité du film, son empressement à divertir et à rire avec son public, fait oublier qu’il repose sur l’exploitation d’une marque. Un des meilleurs « films d’IP » depuis longtemps.   

Ma Note : A-

Donjons et Dragons : L’Honneur des voleurs de John Francis Daley et Jonathan Goldstein (sortie le 12/04/2023)

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