FURIOSA : A MAD MAX SAGA (2024)

Seulement neuf ans après Fury Road, et en considérant les trente ans qui le séparaient de son prédécesseur, George Miller fait son retour dans le Wasteland. Cette fois, cependant, il le fait sans son personnage emblématique, se concentrant plutôt sur les origines de Furiosa. Ce personnage, autrefois incarné par Charlize Theron dans le film de 2015, est désormais interprété par Anya Taylor-Joy (The Witch, The Queen’s Gambit). Furiosa dépeint son enlèvement par des maraudeurs de la horde de Dementus, un seigneur de guerre joué par Chris Hemsworth (Thor), qui arbore un faux nez, et raconte comment elle a commencé à servir Immortan Joe, l’antagoniste principal de Fury Road. Face à ce prequel, dont la nécessité n’est pas évidente, et malgré des bandes annonces aux effets numériques peu convaincants, nous avions foi en la folie créatrice et le talent du vétéran George Miller, âgé de 79 ans. Malheureusement, bien que le film ne soit pas un désastre, il n’en demeure pas moins une déception amère.

Charlize Theron, dans le rôle d’Imperator Furiosa, a créé un personnage qui s’est hissé au niveau de Ripley et Sarah Connor parmi les grandes héroïnes du film d’action. Avec une iconographie mémorable, notamment sa prothèse de style ‘steampunk’, elle a donné vie à son rôle avec une rage contenue, fruit d’années d’asservissement, qui la propulsait, atteignant son apogée dans une scène déchirante où elle libère toute sa douleur accumulée. Sa performance, à la fois forte et nuancée, rendait la tâche d’une histoire d’origine périlleuse. On pouvait espérer que George Miller et ses co-scénaristes Brendan McCarthy et Nick Lathouris avaient en réserve une histoire captivante et chargée d’émotion qui méritait d’être contée. Malheureusement, le récit de Furiosa, une vengeance assez conventionnelle, n’offre pas de perspective nouvelle sur Fury Road. Pire encore, le film succombe aux écueils habituels des préquelles, restant constamment lié à Fury Road sans jamais s’en affranchir ou apporter une fraîcheur notable à l’univers. Cela surprend d’autant plus que chaque film de la série Mad Max a su se réinventer. Le ‘worldbuilding’, cet art de créer un univers fictif, repose souvent sur des mystères ou des détails laissés à l’interprétation, qui enrichissent le monde et invitent le spectateur à imaginer un univers bien plus vaste que ce qui est montré à l’écran. Expliquer ou révéler ces éléments peut en réalité diminuer l’immersion. Alors que le film tente de se démarquer de la structure concise de son prédécesseur en racontant une histoire s’étalant sur plusieurs années, cette ‘saga’ semble presque claustrophobique, se cantonnant aux mêmes lieux et aux mêmes personnages, rendant l’univers de Furiosa aussi étriqué et consanguin que la progéniture d’Immortan Joe. Fury Road avait provoqué un véritable choc esthétique avec une conception artistique incroyablement riche, un travail acharné sur les décors et les costumes. Dans Furiosa, malgré un travail appliqué et méticuleux, on ne trouve aucune innovation marquante ; tous les concepts du film précédent sont repris sans apport significatif. »

Dementus, le principal nouveau personnage du film, est le leader d’une horde de bikers nomades. Sa confrontation avec Immortan Joe, qui culmine par la prise de contrôle de Gastown, l’une des trois citadelles du wasteland, est pour le moins surprenante. Ce personnage picaresque, presque clownesque — Chris Hemsworth est méconnaissable avec un faux nez — est fascinant. Cruel, démagogue et grandiloquent, il est aussi un leader incompétent qui refuse d’assumer ses erreurs, évoquant une figure de Donald Trump dans un monde post-apocalyptique. Le scénario le présente comme un reflet déformé de Mad Max : confronté à un drame similaire, il a perdu toute décence pour devenir un monstre pleinement conscient de sa nature. Cependant, cette caractérisation ne suffit pas à en faire un antagoniste marquant pour le film. Furiosa introduit Praetorian Jack, un nouveau venu dans l’entourage d’Immortan Joe. Ancien conducteur du War Rig avant Furiosa, il est considéré comme une légende pour ses nombreuses expéditions sur la Fury Road. Il devient le mentor de Furiosa et tente de l’aider à s’évader. Le personnage, joué par l’acteur anglais Tom Burke, semble être une réplique de Max Rockatansky, tant dans l’attitude que dans l’apparence. Bien que l’idée d’un Mad Max sans Max soit acceptable, le choix de l’imiter de la sorte est discutable. Yahya Abdul-Mateen II, initialement pressenti pour le rôle, aurait probablement apporté une autre dimension au personnage. Anya Taylor-Joy, dans le rôle principal, utilise pleinement ses grands yeux expressifs, rappelant le cinéma muet. Cependant, elle apparaît étonnamment distante, presque mécanique, jusqu’à la fin du film où elle doit émuler la performance de Theron. Bien que sa confrontation finale avec Dementus soit convaincante et que le destin de ce dernier soit original, le film n’atteint pas les sommets émotionnels de Fury Road. »

L’action demeure un pilier central du film, et malgré les appréhensions initiales suscitées par les CGI peu convaincants des bandes-annonces, le résultat final s’avère bien plus maîtrisé. Cependant, il marque un tournant notable. La photographie de Furiosa, œuvre du directeur de la photographie Simon Duggan (connu pour Gatsby et Warcraft), qui succède à John Seale (célèbre pour Rain Man, Le Patient Anglais et sa collaboration avec Miller sur Lorenzo’s Oil), est imprégnée d’une patine numérique qui tend à submerger le style distinctif de Miller, conférant même aux décors naturels une allure artificielle. Les scènes d’action de Fury Road maintenaient un caractère tangible et viscéral, malgré l’utilisation inévitable d’effets spéciaux intégrés aux cascades spectaculaires. Dans Furiosa, même si les CGI sont techniquement réussis, ils sont nettement plus perceptibles, et les dangers numériquement créés ne possèdent pas l’intensité viscérale des cascades réelles. George Miller, au même titre que James Cameron, est considéré comme l’un des plus grands réalisateurs d’action de notre époque. Les séquences d’action de Furiosa sont magistralement orchestrées, se déployant parfois sur six ou sept plans différents simultanément, tout en conservant une clarté exemplaire. Néanmoins, elles manquent étrangement de tension. On observe avec admiration la mise en scène, mais sans que notre pouls ne s’accélère. Furiosa est peut-être le premier film de la saga Mad Max à manquer d’adrénaline.

Conclusion : Le retour dans l’univers désolé du Wasteland et l’excellence de la réalisation de George Miller sont des éléments appréciables, mais Furiosa laisse un sentiment de déception. La sensation de déjà-vu est omniprésente et la structure narrative par épisodes dilue la tension, tandis que les effets numériques érodent la dimension tangible et viscérale du film. Si la performance des acteurs est remarquable, le film souffre d’un manque criant d’émotion et, fait inédit pour un Mad Max, d’une absence totale d’adrénaline. “Furiosa” s’avère être un film satisfaisant, alors que l’on espérait une œuvre extraordinaire.

Ma Note : B

Furiosa A Mad Max Fury Saga de George Miller (sortie le 14/05/2015)

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