
De temps en temps le CinémaDroide va plonger dans ses banques mémoire et revenir sur un film à redécouvrir. Aujourd’hui le mal aimé Jackie Brown de Quentin Tarantino (1997)
A sa sortie il est peu dire que Jackie Brown était un des films les plus attendus depuis bien longtemps puisqu’il succéda au phénomène Pulp Fiction , non seulement palme d’or à Cannes mais révolution qui affecta durablement le paysage cinématographique américain.
L’annonce de sa distribution avec en vedette, au côté du pilier Samuel Jackson, Pam Grier et Robert Forster deux acteurs oubliés des années 70 marque les esprits, d’autant que le légendaire Robert de Niro rejoint le projet lui dans un rôle secondaire !
Apres avoir ressuscité la carrière de John Travolta qui avait pour lui un passé de méga star du box-office Tarantino donnait leur chance à des acteurs cultes bien moins prestigieux. A l’époque si Grier parvenait encore à décrocher quelques rôles Forster jeune espoir jamais confirmé des années 50 égaré dans la série Z n’avait même plus d’agent, ce qui équivaut à Hollywood à une véritable mort professionnelle .
Il raconte avoir rencontré Quentin Tarantino tout auréolé de sa gloire « Pulpienne » dans un café ou ce dernier annonça vouloir lui confier un rôle dans son prochain film. Stupéfait à la lecture du script de voir que le seul rôle qu’il pourrait tenir était un des 3 principaux, il pensa qu’aucun financier n’accepterait qu’il fût casté pour un film si attendu. Pourtant Tarantino lui assura qu’il choisissait qui bon lui semblait dans ses films et tint parole.
Quand le film s’ouvre on est saisi par ce long travelling qui suit une Pam Grier statuesque traverser l’aéroport de Los Angeles sur les pulsations du « Accross 110th street « de Bobby Womack, le titre s’affichant plein écran en jaune (comme Pulp Fiction) avec une magnifique police de Blaxploitation.
Si certaines séquences celle des « Chicks with Guns » et les scènes avec Beaumont (Chris Tucker) semblent familières du style de ses œuvres précédentes on comprend vite que Tarantino ne cherche pas à reproduire son chef d’oeuvre. Jackie Brown est d’abord une adaptation celle de « Punch Créole » roman d’Elmore Leonard dont Tarantino respecte l’univers même si il y apporte quelques touches personnelles (Jackie Brown est blanche dans le roman et se nomme Jackie Burke , il déplace l’intrigue de Miami à Los Angeles qui lui est plus familière) et bien sur son génie de la sélection d’une BO ici toute en perles soul qui confere au film une atmosphère unique.
Visuellement la photographie ambrée du mexicain Guillermo Navarro (DP de Guillermo Del Toro apporte un côté plus chaleureux , à l’opposé de celle dure et contrastée de celle d’Andrzej Sekula son directeur de la photo précédent . S’il utilise quelques-unes de ses techniques fétiches par exemple les longs plans séquences qui suivent les personnages dans leurs mouvements, sa mise en scène se fait plus discrète. A l’énergie permanente de Pulp Fiction et Reservoir Dogs succéde une ambiance confortable ponctuée d’éclats de violence soudains.

Mais c’est la relation « adulte », histoire d’amour naissante entre deux personnes d’âge murs n’attendant plus rien de la vie, qui est au centre du film qui montre que Tarantino ne veut pas se laisser enfermer dans son propre univers et sa réputation de wonderboy « cool ». Avec ces dialogues entre Max Cherry et Jackie Brown, parmi les meilleurs qu’il ait écrit, il démontre qu’il n’est pas (que) le cinéphile de vidéos clubs surexcité , fasciné par la violence que ses détracteurs se plaisent à décrire. Nul besoin de référence à des films de Kung-fu ou des westerns spaghettis de série Z pour faire exister des personnages auxquels on s’attache.
Même celui d’Ordell Robie (Samuel L. Jackson) malgré son total look Kangol et sa coiffure « orientale » n’est pas une copie des gangsters pulpien. C’est un véritable criminel à la fois très affable et sans pitié un personnage certes malfaisant mais fait de chair et de sang dont on comprend les motivations. Le jeu de Sam Jackson l’autre vedette du film ne singe pas celle de l’iconique Jules Winfield de Pulp Fiction tant il incarne Ordell de manière différente.
Jackie Brown compte parmi mes prestations favorites du grand Bob De Niro dans son rôle de taulard fraîchement libéré, bien qu’ il passe la majeure partie du film avachi l’air hagard à écouter Jackson ou Bridget Fonda. Son Louis Gara, ahuri, essoré par trop de séjours en prison est à la fois étrangement touchant mais aussi très dangereux.
Grier laisse apparaître des craquelures dans son vernis de femme de femme forte revenue de tout, on ressent cette peur d’avoir à reconstruire sa vie déjà brisée une nouvelle fois.
Tous donnent leur meilleur sous la direction de QT de Michael Keaton qui incarne le même personnage que dans le Hors d’atteinte de Steven Soderbergh lui aussi adapté d’un roman de Leonard (les deux films se déroulant donc dans un shared universe en quelques sorte !) à Bridget Fonda très subtile dans son rôle de California girl un peu défraîchie.dommage qu’elle n’ qu’elle n’ait pas retrouvé par la suite de rôle à la hauteur du talent dont elle fait preuve ici.
Conclusion : Jackie Brown reste encore aujourd’hui le mal aimé de la filmographie du génie de Knoxville, il est pourtant à mes yeux un de ses meilleurs et c’est vraiment à regret qu’on abandonne au bout de 2h34 Pam Grier en route vers sa nouvelle vie…
Vive le cinéma !! Et maintenant Django Unchained !! Vive Tarantino !
à bientôt sur mon blog :
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