Le CinémaDroide s’attaque tardivement au film de Kathryn Bigelow et de son compagnon, déjà scénariste de « Démineurs » Mark Boal sur l’histoire secrète de la traque d’Oussama Ben Laden…alors apologie de la torture et de Guantanamo ou grand thriller politique?
La structure du film m’a rappelé celle du « JFK » d’Oliver Stone avec sa galerie de personnages secondaires gravitant autour d’une figure centrale. Grands seconds rôles du cinéma (Mark Strong, Édgar Ramírez, Jason Clarke,Joel Edgerton) et vedettes de la télévision (Kyle Chandler, Fredric Lehne & Harold Perrineau de LOST, John Borrowman, James « Tony Soprano » Gandolfini ) prêtent leur visages familiers à ces personnages qui ne font parfois que passer et leur apportent un supplément de personnalité (on retrouve la même approche dans le « Lincoln » de Steven Spielberg). De cet ensemble, en dehors de Jessica Chastain, trois d’entre eux m’ont marqué Mark Strong (Kick-Ass) encore une fois impeccable, Jason Clarke agent de la CIA ambigu et dans un rôle de Navy-Seal Chris Pratt acteur de sitcom transformé en bête de guerre (qui depuis a décroché le rôle principal du film MARVEL « Guardians of the galaxy »).

La représentation de la torture dans le film a fait polémique, Bigelow ne pouvait faire l’impasse sur ces faits qui ont tant marqués la période, en fait-elle pour autant l’apologie ? Pas de mon point de vue, certes ce sont les protagonistes du film Dan et Maya, vers qui, de fait se dirige notre sympathie qui pratiquent la torture pourtant la longueur difficilement soutenable des scènes et les détails perturbants de leurs méthodes apparaissent comme une étrange manière de promouvoir la torture.

En fait c’est dans cette approche neutre, quasi -clinique que réside la force du film. Même si elle se place du côté américain, la réalisatrice porte un regard d’une froideur presque dérangeante sur les évènements qu’elle relate. Cette froideur contribue à l’ambiance du film, le personnage de Maya (excellente Jessica Chastain) , en dédiant toute sa vie à cette traque elle se détache peu à peu de son humanité. Les larmes qu’elle verse à la fin sont très ambiguës, pleure-t-elle de joie ou sur le vide de son existence désormais sans but. Refusant de faire de « Zero Dark Thirty » un spectacle à l’émotion trop « facile », celle-ci n’est présente que lors de l’ouverture du film (de véritables enregistrement de victimes du 11 septembre sur fond noir), Bigelow ne semble s’autoriser aucun sentiment par respect justement pour les victimes de ces évènements .
Des critiques s’étaient étonnés de la sobriété du raid final sur la (dernière) demeure du maître terroriste .Peut être croyait-il que Bigelow allait finir son thriller tendu en grosse pétarade patriotique à la Michael Bay avec un BenLaden apparaissant tel un Alien?

Je craignais justement le contraire avec une scène trop vite expédiée, c’était oublier qu’elle fut fan puis épouse et muse de James Cameron (qui produira et écrira pour elle le mésestimé « Strange Days ») et avant « Démineurs » cataloguée comme « action director ». L’assaut sur Abbottabad est une des grandes scènes de suspense et d’action de l’année, alors qu’on en connait l’issue elle parvient à porter la tension de cette infiltration à son maximum, on est vraiment dans les pas du Seal Team Six dans la nuit pakistanaise : un grand moment !
Techniquement la précision du scénario n’est pas illustrée par des effets de caméra à l’épaule façon documentaire. La forme est très travaillée, superbe photo de Greig Fraser, cadres précis et mise en scène ample. La première partie du film est un peu longue , fourmillant de détails parfois durs à suivre, heureusement le rythme s’ accélère dans sa seconde moitié parsemée de moments d’adrénaline jusqu’à l’assaut final. On sent la patte du monteur William Goldenberg, oscarisé cette année pour un autre thriller d’histoire contemporaine l’ARGO de Ben affleck, dans les scènes les plus tendues.