Quand la fille de Keller Dover (Hugh Jackman) et une amie disparaissent, celui- ci séquestre le coupable présumé alors que les policiers poursuivent plusieurs pistes . Mais jusqu’où ce père désespéré est il prêt à aller pour protéger sa famille? Ce premier film Hollywoodien du réalisateur d' »Incendies » est déjà comparé aux classiques du genre. Alors Prisoners est-il un Seven ou Copycat ?
Le projet Prisoners traîne depuis longtemps dans les coulisses d’ Hollywood. Son script, qui figurait dans la fameuse BlackList regroupant les meilleurs scénarios non encore tournés à attiré des noms prestigieux. Leonardo DiCaprio et Mark Whalberg ont longtemps gravité autour du projet ce dernier a failli partager la vedette avec Christian Bale sous la direction de Bryan Singer (il reste co-producteur du film et recrutera le scénariste Aaron Guzikowski pour son film Contraband) . C’est finalement le réalisateur québecois Denis Villeneuve qui a impressionné les studios avec son film Incendies qui va mettre en image la confrontation Hugh Jackman- Jake Gyllenhaal.
Le thème central du film, la justice individuelle face à la loi, résonne particulièrement avec l’actualité. Le choix de Keller de séquestrer et de torturer le suspect soulève une question morale fondamentale : jusqu’où sommes-nous prêts à aller dans une situation extrême ? Le scénario met en lumière un contraste saisissant entre deux Amériques, incarnées par les familles Dover et Birch. D’un côté, Keller Dover, un artisan profondément religieux et survivaliste, et de l’autre, les Birch, des professionnels libéraux aux opinions plus progressistes. Le choix d’acteurs noirs pour incarner les Birch (Viola Davis et Terrence Howard) renforce cette symbolique, les présentant comme une incarnation de « l’Amérique d’Obama ». Leurs réactions face au drame sont ambiguës : d’abord choqués par les actions de Keller, ils ne feront finalement rien pour l’arrêter, craignant qu’il ne soit le seul espoir de sauver leur enfant.
Le point fort de Prisoners est sans conteste son casting, notamment les performances des deux acteurs principaux.Hugh Jackman livre une performance puissante et à fleur de peau, sans doute son rôle dramatique le plus abouti. Au fur et à mesure que le film progresse, on découvre un Keller Dover bien plus complexe et tourmenté que l’image de chasseur qu’il renvoie au début. Alcoolique repenti et mari imparfait, ses actions semblent être un moyen de compenser un profond sentiment d’impuissance. On aurait pu légitimement espérer pour notre « Logan » adoré le même type de reconnaissance que celle qu’a reçue Sean Penn pour un rôle similaire dans Mystic River.
Jake Gyllenhaal, dans le rôle du détective Loki, adopte un jeu tout en intériorité. Son personnage, un policier tenace et solitaire, voit son assurance s’effriter à mesure que l’enquête piétine. Le reste du casting est également excellent : Paul Dano excelle dans le rôle du suspect, maintenant un équilibre parfait entre ambiguïté et fragilité. Le couple formé par Terrence Howard et Viola Davis est parfait, même si leurs personnages sont mis de côté dans la seconde moitié du film. L’actrice oscarisée Melissa Leo (The Fighter) fait une apparition remarquée et troublante.
Techniquement, le film bénéficie du travail exceptionnel du chef opérateur Roger Deakins, connu pour ses collaborations avec les frères Coen et pour Skyfall, qui magnifie l’atmosphère grise et pluvieuse de l’histoire. Souvent comparé à Mystic River, Seven, Zodiac ou encore Le Silence des agneaux, Prisoners ne peut échapper à ces influences. La mise en scène de Villeneuve est maîtrisée et épurée, avec des plans travaillés. Cependant, son choix d’un rythme très (trop ?) lent, similaire à celui de Zodiac, peut déstabiliser. Dans le film de Fincher, cette dilatation du temps servait le propos d’une enquête sans aboutissement. L’intrigue de Prisoners, en revanche, mène à une résolution définitive et dévastatrice. Cet étirement des événements, en particulier la séquestration du suspect, prive le film d’un véritable sentiment d’urgence. D’une durée de 2h26, Prisoners est trop long et aurait gagné à être raccourci d’au moins quarante minutes. En traitant son film comme un grand drame plutôt que comme un thriller, Villeneuve a peut-être manqué l’occasion d’atteindre pleinement ses objectifs.
Conclusion, Prisoners est un thriller solide, porté par un scénario très noir et transcendé par la performance puissante de Hugh Jackman.



