
Une ingénieur et un astronaute doivent travailler ensemble pour survivre après qu’une pluie de débris sur leur navette les laisse à la dérive dans l’espace. Difficile de critiquer ce film dont la force réside dans la surprise de la découverte. Je vais tenter d’émettre un avis sans (trop) déchirer ce voile…
La révolution au sens astronomique du terme est la figure marquante du film : révolution des structures et des corps dans cet environnement dénué de gravité, révolution de la caméra virtuose de Cuaron autour de ses protagonistes dans des plans séquences fluides qui sont sa signature amplifiant l’impression d’apesanteur mais aussi révolution technologique du CGI et (surtout) révolution intérieure opèré Ryan Stone, le personnage interprété par Sandra Bullock.
Gravity n’est pas un film de Science-Fiction, les situations et technologies présentes à l’écran ne relèvent pas de l’extrapolation, ici pas de vaisseaux immenses aux technologies futuristes mais des mécaniques fragiles, finalement rudimentaires, soumises aux lois impitoyables de la physique. Si on peut rattacher le film à un genre c’est bien à celui du « survival » qui voit des individus isolés tenter de survivre à des situations extrêmes. Mais Gravity par son rythme effréné, sa durée ramassée évite l’écueil de l’ennui qui guette souvent ces films.

Le contraste entre la beauté et l’hostilité de l’environnement spatial a rarement été si bien rendu à l’écran. Cuaron en joue alternant des panoramas époustouflants avec des moments de terreur primale ,on peut passer dans un même plan de l’agoraphobie à la claustrophobie. Les effets spéciaux sont si détaillés et photo-réalistes qu’ils donnent l’illusion que le film a pu être tournés en orbite basse autour de la Terre. Dans un univers dénué de sons le travail sur la musique est capital, le travail puissant de Steven Price qui se substitue aux effets sonores fonctionne à merveille. J’ai adoré ces effets de crescendo brutalement interrompus comme absorbés dans le vide. Cette beauté picturale conjuguée à la puissance sonore m’a rappelé les fresques de David Lean, Cuaron filmant l’espace comme Lean le désert de Lawrence d’Arabie.
Mais, à l’instar de James Cameron , Alfonso Cuaron adosse son spectacle à un enjeu émotionnel simple à saisir. Il ne laisse jamais la virtuosité technique ou la logistique entraver l’émotion. Gravity est à la fois d’une extrême complexité technique et d’une très grande simplicité narrative. Gravity s’interroge sur la vie humaine, sa place dans l’univers qui ironiquement, comme le rappelle un texte au début du film se déroule dans un lieu totalement impropre à celle-ci. De nombreuses images évoquent le cycle de la vie comme ce plan magnifique ou Sandra Bullock flotte en position foetale dans sa capsule le cordon de sa combinaison faisant comme un cordon ombilical autour d’elle.

La performance de Sandra Bullock (après que Angelina Jolie ou Natalie Portman aient ‘orbité’ autour du projet) justement est le cœur du film , son personnage tour à tour forte et vulnérable.Le film suit sa lente renaissance (presque matérialisée dans la conclusion du film), son interprétation brille tout particulièrement dans une séquence sobre et déchirante ou elle doit faire le choix entre survivre ou disparaître. Elle n’a jamais été aussi bonne que dans ce monologue qui lui ouvrira les portes d’un second Oscar. George Clooney remplaçant au pied levé Robert Downey Jr) dans le rôle de l’astronaute vétéran dont c’est la dernière mission incarne avec une décontraction bienveillante ce personnage dont l’ expérience sera capitale dans leur épreuve, il apporte les quelques notes d’humour du film.Les deux comédiens composent des personnages authentiques auxquels on s’identifie avec facilité. Cette identification participe à l’expérience immersive du film le spectateur étant complètement investi dans leur survie.
Conclusion : Ni franchise, ni adaptation Gravity est un authentique film populaire, nul besoin d’être geek, fan, nerd ou gamer pour l’apprécier pleinement. C’est une expérience sensorielle et émotionnelle à vivre dans la plus grande salle possible qui apporte un magnifique démenti à ceux qui prédisent la mort du cinéma.
Ma Note : B+
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J’aime beaucoup l’idée de ce concept de révolution/rotation appliqué à Gravity. Le mouvement perpétuel et parfois incontrôlé rappelle celui de l’humanité selançant avec une célérité accrue vers l’inconnu, vers un ailleurs impossible et impropre à la vie. Celle-ci bat au contraire dans le cœur et dans l’âme du personnage principal, comme il semble battre dans tous les films importants de Cuaron. Je pense évidemment à la représentation de la maternité dans Roma ou Les Fils de l’homme.