
En 2010, Jon Favreau (Chef, Zathura) revient aux commandes d’un projet qui n’a plus rien d’un simple film de super-héros. Iron Man 2 n’est pas seulement la suite du succès surprise de 2008, c’est aussi le socle sur lequel Marvel Studios entend bâtir son univers partagé. Et si le film ne parvient pas toujours à concilier ses multiples ambitions, il reste une œuvre fascinante, à la fois symptomatique de son époque et révélatrice des tensions internes d’un studio en pleine mutation.
Le triomphe du premier Iron Man bouleverse les plans de Marvel Studios, qui voit dans ce succès l’opportunité de s’émanciper des majors et de produire ses propres films. Mais cette indépendance a un prix : celui de la précipitation. Dès l’été 2008, la suite est mise en chantier, avec Robert Downey Jr. (Chaplin, Zodiac) désormais superstar, et Jon Favreau reconduit à la réalisation. Le scénario est confié à Justin Theroux (Tropic Thunder, Mulholland Drive), choix imposé par Downey Jr., sur la base d’un traitement de Favreau. L’objectif est double : prolonger l’arc de Tony Stark et introduire les éléments fondateurs du futur film choral The Avengers. Une tâche complexe, d’autant plus que le studio veut capitaliser sur la scène post-générique du premier film, écrite à la hâte par Brian Michael Bendis, et qui introduit Nick Fury interprété par Samuel L. Jackson (Pulp Fiction, Unbreakable).
Iron Man 2 s’inscrit dans une tradition hybride, à mi-chemin entre le cinéma d’action hollywoodien et l’esthétique des comics. On y retrouve des échos du techno-thriller des années 90, dans la manière dont la technologie est mise en scène : interfaces holographiques, armures modulables, drones militaires. Mais le film puise aussi dans les récits de déchéance héroïque, notamment l’arc « Demon in a Bottle« , où Tony Stark lutte contre ses propres démons. Le ton général, plus léger que dramatique, évoque parfois le cinéma postmoderne de Shane Black (Kiss Kiss Bang Bang, The Nice Guys), avec ses dialogues ciselés et son humour désinvolte. Cette approche, si elle fonctionne par moments, tend à désamorcer la tension dramatique, notamment dans les scènes où Tony est confronté à sa propre mortalité.
La mise en scène de Jon Favreau reste fluide et lisible, mais elle souffre d’un manque de cohérence. Le réalisateur semble tiraillé entre la volonté de retrouver l’esprit du premier film — ton léger, rythme soutenu — et les exigences du studio, qui impose l’introduction de nouveaux personnages et de multiples arcs narratifs. Les scènes d’action, storyboardées par Genndy Tartakovsky (Samurai Jack, Star Wars: Clone Wars), promettaient une stylisation audacieuse. Pourtant, elles s’avèrent trop brèves et souvent frustrantes. La séquence du Grand Prix de Monaco, où Whiplash affronte Iron Man, est spectaculaire, mais le combat final manque de souffle et de clarté.
Visuellement, le film est une réussite. La photographie de Matthew Libatique (Black Swan, A Star Is Born) sublime les contrastes entre les environnements high-tech de Stark Industries et les décors plus sombres liés à Whiplash. Les couleurs sont vives, saturées, presque pop, renforçant l’aspect comic book du récit. Les décors, notamment le laboratoire de Tony, sont conçus comme des extensions de sa psyché : brillants, désordonnés, futuristes. Les costumes, en particulier les différentes armures d’Iron Man et War Machine, sont impeccablement réalisés par les équipes de ILM, qui livrent des effets spéciaux fluides et convaincants. Le design de Whiplash, avec ses câbles électrifiés et son allure de gladiateur moderne, est l’un des plus marquants du film.
Le film repose avant tout sur Robert Downey Jr., dont le charisme et la verve sauvent bien des scènes. Son interprétation de Tony Stark, plus instable et vulnérable, apporte une profondeur bienvenue, même si le scénario ne l’exploite pas toujours pleinement. Sam Rockwell (Moon, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri) est excellent en Justin Hammer, rival jaloux et ridicule de Stark. Il apporte une touche d’humour et de dérision qui fonctionne parfaitement. Mickey Rourke (The Wrestler, Sin City), en revanche, est plus inégal : son accent russe improbable et son personnage sous-écrit rendent Whiplash moins menaçant qu’il ne devrait l’être. Don Cheadle (Hotel Rwanda, Crash), qui remplace Terrence Howard, apporte une gravité et une loyauté touchante à Rhodey, même si son intégration dans le récit semble précipitée. Quant à Scarlett Johansson (Lost in Translation, Marriage Story), son introduction en Black Widow manque de développement, malgré une présence physique indéniable.
Le montage du film, assuré par Dan Lebental (Elf, Spider-Man: Homecoming), peine à donner une cohérence à l’ensemble. Le rythme est irrégulier : après une première partie dynamique, le film s’enlise dans une succession de scènes qui semblent improvisées, sans véritable ligne directrice. Les transitions entre les différentes intrigues — la maladie de Tony, la rivalité avec Hammer, la vengeance de Whiplash, l’arrivée de Nick Fury — sont souvent abruptes, voire incohérentes. Le film donne l’impression de vouloir tout dire, tout montrer, sans parvenir à hiérarchiser ses enjeux. La bande-son, composée par John Debney (The Passion of the Christ, Sin City), mêle des thèmes orchestraux à des morceaux de rock, notamment d’AC/DC, qui deviennent emblématiques du personnage. Ce choix musical renforce l’identité de Tony Stark, mélange de génie et de provocation. Les effets sonores, notamment lors des combats, sont puissants et immersifs. Ils contribuent à donner du corps aux affrontements, même lorsque ceux-ci manquent de durée ou de complexité.
Iron Man 2 occupe une place stratégique dans le MCU : il introduit des éléments clés (Black Widow, Nick Fury, le projet Avengers), tout en développant l’univers technologique et politique autour de Stark. En ce sens, le film est un pivot, une charnière entre les origines et la construction d’un monde partagé. Mais cette ambition se fait au détriment de la cohérence narrative. Le film semble parfois sacrifier son propre récit pour servir une vision plus large, ce qui affaiblit son impact émotionnel et dramatique. Malgré ses défauts, Iron Man 2 a eu un impact considérable. Il a confirmé le succès de Marvel Studios, permis la mise en chantier de Thor et Captain America, et préparé le terrain pour The Avengers. Il a aussi consolidé l’image de Tony Stark comme figure centrale du MCU. Sur le plan cinématographique, le film a contribué à imposer un modèle de narration fragmentée, où chaque film est à la fois une œuvre autonome et une pièce d’un puzzle plus vaste. Ce modèle, aujourd’hui omniprésent, trouve ici l’un de ses premiers exemples.
Conclusion : Iron Man 2 n’est pas le meilleur film du MCU, ni le plus abouti. Son scénario désordonné, ses scènes d’action trop brèves, et ses personnages secondaires sous-exploités en font une œuvre frustrante. Mais l’édifice tient tout de même essentiellement grâce au charisme et l’abattage de sa star, sa bonne entente avec ses partenaires et un boulot technique impeccable des équipes de Favreau, la sublime photo de Matthew Libatique et les SFX d’ILM. Heureusement Iron Man 2 est un succès et assure l’essentiel : pérennité du studio.
Eh bien Iron Man 2 le mal aimé se fait une fois de plus whiplashé sévèrement par cette critique. Le film accumule les défauts c’est vrai, et les outrances sont légion. Pourtant j’ai de l’affection pour cet Iron Man au carré où tout est surligné, exagéré, jusque dans l’interprétation de Rourke (contrairement à beaucoup, je le trouve génialement drôle dans ce rôle). Une sorte d’Iron Man en mode Expandables, je reste preneur.