L’épopée spatiale a toujours fasciné le cinéma US mais il est passé souvent à coté du contexte social de l’époque. Avec les Figures de l’Ombre, produit par Pharell Williams il se penche sur la contribution peu connue de trois scientifiques noires.
En général on s’attend généralement des films biographiques sur des esprits brillants, en particulier dans les domaines des mathématiques ou des sciences à des histoires d’ego. Des films comme Un homme d’exception ou Imitation Game ont imposés la notion de génie-mathématicien inaccessible en quelque sorte retiré du monde.
Les figures de l’ombre n’est pas ce type de film: c’est une histoire d’intelligence mais pas d’ego, de lutte et de volonté mais pas de gloire personnelle. Se déroulant dans les années 1960 en Virginie, film est centré sur trois femmes afro-américaines pionnières de la science dont les calculs pour la NASA furent essentiels dans la réussite de missions spatiales historiques comme la mise en orbite de John Glenn. Ces femmes Katherine G. Johnson (Taraji P. Henson) spécialiste des équations qui tracent les trajectoires des engins spatiaux, Dorothy Vaughan (Octavia Spencer) qui dirigea une équipe d’ «ordinateurs vivants» et deviendra la première superviseure de couleur à la Nasa et Mary Jackson (Janelle Monae) première ingénieur aérospatiale de couleur furent des scientifiques d’exception en dépit de carrières débutées dans l’Amérique de la ségrégation en proie aux discriminations à la maison, à l’école et au travail.
Pourtant Theodore Melfi (Saint-Vincent) rend hommage à ses personnages en faisant le contraire de beaucoup biopics, examinant leurs destins personnel dans le contexte de leur communauté. Basé sur le livre de fiction du même titre de Margot Lee Shetterly, le film célèbre le courage personnel mais également la façon dont ses personnages tentent d’encourager les autres. Elles sont phénoménales dans ce qu’elles font mais sont solidaires sans être sanctifiées.
Dès le début, il est clair que le film est l’histoire d’un trio, et non pas d’une héroïne solitaire même si Katherine (jouée par une rayonnante Taraji P. Henson) est la protagoniste principale du film. C’est son parcours qui met en évidence les discriminations qui affectent toutes ces femmes au quotidien par exemple quand elle doit courir vers un bâtiment pour utiliser les toilettes une fois transférée dans une équipe de travail entièrement blanche – aucune toilette n’étant « prévues » pour les femmes noires dans ce bloc. Mais son histoire est mêlée étroitement à celles de Marie (Janelle Monáe) et Dorothy (Octavia Spencer).
Les trio doit toujours s’imposer devant leurs supérieurs (de sexe masculin et blancs) que ce soit par l’apprentissage de nouveaux langages de programmation, la résolution de problèmes dans des expériences en soufflerie, ou le calcul des fenêtres de tirs étroites pour des lancements. Chacune est consciente des enjeux plus larges de leur réussites, pour les autres femmes , pour les Noirs et pour l’Amérique en général. Cette conscience est autant une source d’inspiration qu’un poids.
En dépit de ses thème lourds (le racisme et le sexisme) et sa dimension historique, Les figures de l’ombre est un « feelgood movie » qui cherche à inspirer plutôt qu’à critiquer. Le script de Melfi et Allison Schroeder n’insiste pas sur les arcanes de la science aéronautique et célèbre l’intelligence et la chaleur de ses héroïnes, dans leurs succès dans et hors du bureau, invitant le public à en faire autant . La bande son enjouée signée par Pharrell Williams (co-producteur du film) pour les chansons et Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch pour les morceaux instrumentaux et des doses régulières d’ humour comique aide à garder le ton léger et optimiste malgré les sujets abordés.
Autour d’elles ont retrouve un casting prestigieux mené par Kevin Costner impérial (décidément toujours à l’aise dans les sixties) dans le rôle du patron de Katherine qui finira par être son meilleur allié. Jim Parsons (de la série Big Bang Theory) joue à contre-emploi dans le rôle du nouveau collègue de Katherine qui peut à peine tolérer sa présence. Kirsten Dunst dans le rôle de la superviseuse de Dorothy incarne la quintessence du « raciste qui-ne-pense-pas-l’être ». Glen Powell incarne un John Glenn affable et Mahershala Ali l’amoureux (parfait) de Katherine. Mais bien sur ce sont les trois actrices, excellentes dans leur registre et leur dynamique qui donne sa force au film.
La facture du film est assez classique mais son histoire est racontée avec assez de rythme et de modestie pour que ça n’ait pas vraiment d’importance. Le film évite également les faux pas les plus flagrantes de films historiques qui traitent des relations raciales. A aucun moment Les figures de l’ombre ne donne aux téléspectateurs l’impression que le racisme a été «résolu».
Conclusion : De facture classique mais portée par un casting impeccable, Les figures de l’ombre aborde la question de la ségrégation raciale aux Etats-unis en esquivant habilement les postures polémiques et les scènes de drame en traitant plutôt des difficultés quotidiennes de ces trois femmes noires et en célébrant leur contribution essentielle au programme spatial américain réalisée dans les ombres de l’histoire.
Ma note : B
Les figures de l’ombre (Hidden figures) de Theodore Melfi (sortie le 08/03/2017)