Trois ans après le triomphe de Jurassic World Chris Pratt et Bryce Dallas Howard sous la direction du prodige espagnol Juan Antonio Bayona retrouvent les dinosaures …
Nous avons toujours pensé que le (high) concept de Jurassic Park cette combinaison parc d’attractions / de dinosaures se prêtait mal à de multiples déclinaisons sous peine soit de trop s’en éloigner soit de tomber dans la redite, une équation que Spielberg lui-même n’avait pu résoudre avec The Lost World. Les scénaristes de Jurassic World Fallen Kingdom , Colin Trevorrow (réalisateur de Jurassic World) et son co-scénariste Derek Connolly avait bâtit le premier film à partir de l’ADN de Jurassic Park, il n’est donc étonnant qu’ils exploitent pour sa suite celui de Lost World , augmenté pour s’adapter aux critères modernes du blockbuster avec plus d’action et plus de dinosaures tout en poursuivant les concepts introduits dans Jurassic World comme le dressage des dinosaures , leur utilisation à des fins militaires. Fallen Kingdom est donc à Jurassic World ce que Lost World était à Jurassic Park « la suite plus sombre où on revient sur l île pour ramener les dinos à la civilisation ».
Fallen Kingdom comme Lost World, s’inspire de King Kong avec une première partie sous forme d’aventures sur l’île aux dinosaures menacée de destruction par l’éruption d’un volcan puis une seconde en Californie. Après une audition oú sur les conseils de Ian Malcom (Jeff Goldblum de retour) le congrès américain décide de laisser les dinosaures de l’île s’éteindre de nouveau, Claire (Bryce Dallas Howard) ancienne administratrice du parc , désormais en charge d’une association de sauvegarde des dinosaures convainc Owen Grady (Chris Pratt) de participer à une opération d’évacuation de masse financée par Benjamin Lockwood (James Cromwell) un ancien associé de John Hammond (un quasi clone du personnage de Richard Attenborough chez Spielberg) et coordonnée par Eli Mills (Rafe Spall) son homme de confiance. Sur place ils constatent que l’ opération est menée par une armée mercenaires dirigée par Ken Wheatley (Ted Levine le Buffalo Bill du Silence des Agneaux ) , prototype du grand chasseur blanc qui sert de substitut au personnage de Pete Postlewaite dans The Lost World pour les ramener sur le continent. Bientôt Claire, Owen et leurs compagnons une paleo-veterinaire et un expert en informatique (Daniella Pineda et Justice Smith) réalisent que Mills n’a nullement l’intention de préserver les animaux mais d’exploiter leur ADN afin de fabriquer des armes biologiques financées par la vente aux enchères des certaines espèces récupérées sur Isla nublar , une séquence qui renvoi au classique de de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Nos héros devront survivre à la destruction de l’île et empêcher les projets funestes de Mills et du Docteur Wu (DB Wong) et leur répercussion sur notre écosystème.
C’est Juan Antonio Bayona le très talentueux cinéaste espagnol qui est cette fois aux commandes et il imprime sa marque dés une séquence d’ouverture anxiogène réussie digne d’un film d’horreur avec des visuels plus sombres et atmosphériques, la photographie ambrée de son collaborateur régulier Oscar Faura succédant aux teintes métalliques de celle de John Schwartzman . Sa maîtrise de l’espace, son sens visuel dopent le film et nous offre des plans sublimes comme le sort tragique des derniers dinosaures de l’île dévorés par les flammes mais Bayona s’assure avec son monteur Bernat Vilaplana que la beauté des images ne fasse pas dérailler le rythme intensif du film. Fallen Kingdom nage en plein pulp complètement décomplexé, tout est prétexte à un enchaînement de set-pièces spectaculaires , de sauvetages à la dernière minute et de (trop) bruyantes attaques de dinosaures menées à un train d’enfer. Comme dans Lost World , le clou du spectacle est la perspective de voir les dinosaures évoluer dans un environnement urbain, ici Bayona se régale de nous offrir une version gothique de la séquence de San Diego du film de Spielberg faisant évoluer son Indoraptor (le dinosaure hybride succédant à l’Indomitus Rex du précédent film) dans le manoir des Lockwood prétexte à des plans incroyables digne des films de monstres de la Universal des années 30.
Mais malgré cette patine visuelle particulièrement réussi Fallen Kingdom est moins efficace que Jurassic World sasn doute car construit sur des fondations moins solides Lost World étant un film lui-même de la clarté d’intention et de l’équilibre narratif de son premier volet. Le script de Trevorrow et Connely teste les lois de l’incrédulité avec plus ou moins de succès avec des situations et des retournements qui frôlent parfois le ridicule . L’enchaînement des péripéties fait certes de Fallen kingdom un film généreux mais leur répétition les prive parfois de tension et de suspense malgré le savoir-faire de Bayona. D’autant que les nouveaux personnages sont assez caricaturaux en particulier un méchant sans ambiguïtés qu’on croirait sorti d’un dessin-animé. Le duo Pratt – Howard si pétillant dans le premier volet semble moins fonctionner , si Bryce Dallas-Howard (sans talons hauts cette fois) est très active mais Chris Pratt semble en retrait , un peu éteint. Jurassic World Fallen Kingdom s’offre en revanche une conclusion réussie au parfum pessimiste des films des années 70 qui semble ouvrir de nouveaux horizons à la franchise qui pourrait briser le cycle des « suite-remake » des volets précédents.