
Le scénariste Leigh Whannell a fait ses débuts remarqués dans le monde du cinéma avec le phénomène Saw, dont il a écrit le scénario en collaboration avec son ami James Wan, rencontré lors de leurs études à l’école de cinéma en Australie. Leur partenariat s’est poursuivi avec des films tels que Dead Silence et les deux premiers volets d’Insidious, avant que Wan ne parte explorer le monde de Fast & Furious. En 2015, Whannell a franchi une nouvelle étape en passant à la réalisation avec Insidious 3. Trois ans plus tard, il se retrouve à la barre d’un film original, écrivant et réalisant toujours sous la houlette de Jason Blum, le maître producteur de son nouveau label multi-plateforme BH Tilt. Avec Upgrade, Whannell abandonne l’univers des fantômes pour plonger dans le monde captivant du cyberpunk. On pourrait décrire ce film d’action comme un mélange audacieux entre Her, Robocop et le Terminator original.
Dans un futur proche où la technologie gouverne tous les aspects de la vie, le film nous plonge dans cette ambiance dès le début, avec les crédits du générique lus par la voix féminine d’un assistant personnel. L’histoire suit Grey Trace (interprété par Logan Marshall Green), un technophobe avéré qui trouve refuge dans son garage, consacrant son temps à restaurer d’anciennes voitures pour des collectionneurs fortunés. Ironiquement, il est marié à Asha (Melanie Vallejo), cadre dans une grande entreprise de robotique. Un soir, après une visite chez l’un des clients de Grey à bord de leur véhicule autonome, les choses tournent mal. Le véhicule dysfonctionne et les conduit dans un quartier dangereux où ils sont violemment agressés. Asha est assassinée, et Grey se retrouve tétraplégique. Cloué dans un fauteuil, assisté par sa mère, il reçoit une proposition inattendue de la part d’Erin King (interprété par Harrison Gilbertson), son dernier client milliardaire et reclus. King offre à Grey l’implantation de sa dernière invention : une puce révolutionnaire capable de restaurer sa mobilité, à condition que l’opération reste secrète. Acceptant à contrecœur, Grey découvre bientôt qu’il est capable de percevoir des commentaires émanant de « STEM », le système d’exploitation de la puce qui gère son corps handicapé. Alors qu’il observe les vidéos de l’agression, il repère un indice échappé à la détective chargée de l’enquête, Cortez (interprétée par Betty Gabriel de Get Out). Grâce aux capacités physiques étonnantes que lui confère la puce, capable de prendre le contrôle de ses fonctions motrices, Grey se lance dans sa propre enquête pour venger son épouse et découvre les véritables raisons de cette attaque.

Upgrade se positionne comme le digne héritier spirituel du Terminator de 1984, partageant avec lui la détermination à créer une série B qui n’abdique en rien ses ambitions, tant du point de vue graphique que narratif, malgré un budget restreint (estimé entre 3 et 5 millions de dollars). Leigh Whannell, le cerveau derrière le film, s’attelle à construire un univers futuriste cohérent, explorant des concepts cyberpunk ambitieux dans un scénario à la fois linéaire et efficace, foisonnant d’idées originales (comme un éternuement fatal, par exemple). À l’instar de l’œuvre de James Cameron, Upgrade se distingue en tant qu’œuvre de science-fiction qui puise à la fois dans l’esthétique du film d’horreur et du film noir. Bien sûr, dans ce jeu subtil des références, l’influence de Robocop se fait sentir, avec un protagoniste tourmenté qui, après avoir été « amélioré », poursuit implacablement les meurtriers de sa femme, plongé au cœur de machinations obscures ourdies par d’immenses corporations. Cependant, le film de Whannell va au-delà de cette enveloppe apparente de film d’action, agrémenté de scènes de combat d’une violence ultra-stylisée, presque empruntées à l’univers des comic-books. Sous cette surface se dissimule la véritable essence du film. Whannell, fidèle à son héritage de Saw, prend un malin plaisir à mystifier son public. Il révèle la thématique profonde du film dans une conclusion percutante, tout en offrant au public le spectacle promis.
Les séquences d’action d’Upgrade se révèlent à la fois cinétiques et ingénieuses, orchestrées avec une énergie captivante. Souvent, la mise en scène maintient l’axe de la caméra aligné avec le corps de son héros, l’image basculant et se redressant avec lui, capturant visuellement l’aspect artificiel des capacités extraordinaires de notre protagoniste. À l’instar de Terminator (et Robocop), ces séquences chatouillent les fantasmes d’invincibilité du spectateur, qui s’enthousiasme en voyant un Grey insaisissable neutraliser ses ennemis avec des dégâts extrêmes. Les combats sont ponctués d’éclats gore bienvenus, renforçant leur impact et oscillant entre le choquant et le comique, rappelant l’esthétique de Paul Verhoeven. Au-delà de l’ingéniosité de la mise en scène, l’efficacité de ces séquences repose sur l’écriture du personnage et l’interprétation convaincante de Logan Marshall-Green (connu pour Prometheus et Spider-Man: Homecoming), qui démontre ici qu’il est bien plus qu’un simple sosie de Tom Hardy. Le choc qui se lit sur son visage face aux exploits que son corps réalise sous le contrôle de STEM décuple l’impact. Whannell crée une dynamique de buddy-movie avec la cohabitation entre Grey, le technophobe, et STEM, une intelligence artificielle à la froideur ironique. Les amateurs de comics verront des échos de Deathlok (l’une des inspirations communes à Terminator et Robocop), qui présentait une relation similaire entre un cyborg et son IA. En connaisseur des tropes du genre super-héroïque, Leigh Whannell oppose finalement son tandem à d’autres « augmentés », notamment le cyborg Fisk, incarné avec détachement par l’excellent comédien australien Benedict Hardie. La partition John Carpenteresque de Jed Palmer complète parfaitement l’atmosphère, mêlant le futuriste et le old-school dans un film qui tient toutes les promesses de sa flatteuse réputation.