Get out [Critique] Devine qui vient mourir ce soir… (A)

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Jordan Peele moitié du duo comique de la chaîne Comedy Central Key & Peele s’attaque au genre fantastique pour son premier film, dont il aussi signe le scénario,  sous les auspices de la maison Blumhouse (Sinister, the Purge, Split). Get out a remporté un grand succès critique autant que public. Toujours suspicieux envers ces films phénomènes qu’on nous vend tous les trois mois  il faut pourtant se rendre à l’évidence : le coup d’essai est un coup de maître…

Un sentiment inquiétant de paranoïa et de tension  sont les deux composantes essentielles de Get Out satire d’horreur intelligente qui marque les débuts de  réalisateur de Jordan Peele – comique  plus connu pour son travail dans la série de sketches de la chaîne Comedy Central : Key & Peele – et qui, pour un premier film  livre une oeuvre étonnamment réfléchie qui parvient à être drôle tout en étant authentiquement effrayante.

Le film s’ouvre sur une scène  inquiétante qui lui sert de note d’intention  : elle implique un homme noir, égaré de nuit dans ce qui semble être un quartier résidentiel blanc, avant d’être enlevé par un assaillant invisible. En quelques images il subvertit le cliché hollywoodien où l’homme noir est perçu comme une source de danger devenir ici une cible vulnérable dans un monde de blanc faisant écho aux problèmes raciaux  qui frappent les Etats Unis. Jordan Peele qui signe aussi le scénario, va explorer ces angoisses tout au long du film de manière pertinente. Après cette introduction anxiogène nous rencontrons  les protagonistes du film le couple mixte constitué par  Chris Washington (Daniel Kaluuya) et Rose Armitage (Allison Williams) qui ont décidé de franchir une étape  dans leur relation en se rendant pour la première fois chez les  parents de Rose dans leur maison de campagne pour le weekend. Incertain au sujet de cette visite, Chris s’inquiète de ce que Rose n’ait pas informé ses parents qu’il était noir, cette dernière le rassurant en lui promettant que ses  parents ne sont pas racistes et qu’il n’a absolument rien à craindre. Malgré les avertissements de son ami agent des douanes Rod (LilRel Howery) qui le met en garde Chris accepte et  le séjour semble bien commencer avec un accueil chaleureux du père de Rose, neurochirurgien,   Dean (Bradley Whitford) et de sa mère Missy (Catherine Keener) une hypnothérapeute qui lui propose une thérapie pour arrêter de fumer. Mais Chris est bientôt alerté par le comportement étrange des employés de maison (noirs) des Armitage  la femme de ménage Georgina (Lisa Gabriel) et le jardinier Walter (Marcus Henderson) dont le regard vide et l’attitude décalée le met mal à l’aise. Ce qui commence comme le film « Devine qui vient dîner ? » va vite  prendre une tournure bien  plus sinistre…

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Les beaux-parents Missy et Dean Armitage (Catherine Keener et Bradley Whitford)  leur fille Rose (Allison  Williams) , la dévouée Georgina (Betty Gabriel) et Chris (Daniel Kaluuya)

Get out entremêle au thriller un commentaire social sur les relations raciales aux USA à l’heure du mouvement « Black Lives Matter » sans jamais être pontifiant . Plutôt que de mettre en scène la énième caricature du redneck raciste, il met sur le grill les préjugés plus subtils qui s’expriment dans les branches les  plus progressistes de la société américaine,  Rose n’assure t’elle pas à Chris que son « père voterait une troisième fois pour Obama si c’était possible » ? Si  l’angoisse naît d’abord d’apparitions inquiétantes et de comportements étranges la vraie terreur résulte de cette capacité  à mettre le public dans la peau d’un homme noir naviguant dans la culture blanche dominante en utilisant les conventions de l’horreur et de la comédie (du type Meet the parents). Peele laisse planer initialement l’ambiguïté : ce racisme est-il réel ou perçu – ou les deux? Il s’inspire des codes du fantastique paranoïaque des années 70 – l’empreinte d’Ira Levin l’auteur de Rosemary’s baby, Stepford wives et Boys from Brazil est évidente  – quand à l’occasion d’une fête donnée par les Armitage avec les habitants du quartier les remarques pleuvent, insistantes, sur la sexualité de Chris ou les prouesses des sportifs noirs a t’on affaire à un simple conflit culturel ou à quelque chose de plus sinistre ? C’est la rencontre avec le seul autre invité noir, Anthony (Lakeith Stanfield) à l’attitude atypique et l’avertissement glaçant qu’il donne à Chris (et donne au film son titre) qui va faire basculer Get out de la paranoïa à la menace réelle.

Malgré son sous-texte social évident le film est avant tout un film d’horreur inventif qui maintient une tension et un malaise constants d’autant plus efficaces que l’on ne sait jamais vraiment où va nous entraîner son  intrigue. Le scénario méticuleux met en place un jeu de « set-up / payoff » extrêmement élaboré offrant dans son dernier acte un enchaînement de séquences cathartiques pour le spectateur. Le génie de cette construction fait que la conclusion  Get out donne une lecture nouvelle aux événements  du film comme un bain chimique fait apparaître les détails d’une photographie. Peele réalisateur  se raccroche à quelques éléments : une tête de cerf empaillée accrochée à un mur en lattes, un poste  de télévision ancien pour bâtir une atmosphère sinistre de « gothique de banlieue »,  il y fait planer  une atmosphère oppressante de films d’horreur eighties sans tomber dans la copie ou l’hommage servile. Quand d’autres réalisateurs adulés comme des « wunderkind » multiplient les pastiches dans l’espoir de s’asseoir à la grande table des Carpenter, Raimi et consort,  Peele  lui y parvient dés son premier film.

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Chris dans la Sunken place

Pour fonctionner un film d’épouvante doit se reposer sur un bon casting et Get Out développe une galerie de personnages tous engageants portée par des comédiens d’une justesse incroyable jusque dans les plus petits rôles. En tete d’affiche Chris Kaluuya, avec son regard doux et son attitude décontractée incarne le petit-ami idéal , faisant des efforts pour se connecter avec sa future belle-famille malgré les insultes involontaires qui  continuent de tomber et nous le rend instantanément sympathique, nous plaçant de son coté quelles que soient les circonstances. La plupart des protagonistes de Get Out ont deux facettes que leurs interprètes jouent parfaitement comme Betty Gabriel , dans le rôle de la gouvernante Georgina : le spectateur n’est jamais  sûr de savoir si ce personnage est malveillant ou simplement amer, mais lorsque  toutes les pièces du puzzle se rassemblent enfin, nous réalisons à quel point sa performance est parfaitement calibrée. Peele utilise la figure, parfois irritante du sidekick comique qui aurait pu faire dérailler son film et en fait un personnage chaleureux et attachant grâce a l’interprétation de LilRel Howery. Caleb Landry Jones (X-Men le Commencement) est encore une fois malsain à souhait dans le rôle du beau-frère de l’enfer. La bande sonore contribue aux ruptures de ton déconcertantes du film , elle intègre des chansons qui servent d’avertissement comme « Run Rabbit Run » de Flanagan & Allen  et les compositions de Michael Abels qui mélangent la langue swahili à des morceaux qui évoquent les compositions anxiogènes de  Michael Small ( Les femmes de Stepford, The Parallax View , Klute) dans les années soixante dix.

Conclusion : Quand Ira Levin rencontre #Blacklivesmatter : Get Out combine avec succès horreur et comédie avec un message social pertinent grâce à un script méticuleux et un casting parfait. Get out est un classique instantané.

Ma note : A

Get out de Jordan Peele (sortie le 03/05/2017)

Un commentaire

  1. Excellente critique dont je partage largement l’avis. Cette lecture en parallèle de l’article sur US fait saillir le talent indéniable de ce réalisateur qui sait surprendre et interpeller la conscience morale. J’ai hâte de découvrir son nouveau film.

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