ARMY OF THE DEAD (Critique)

Depuis huit ans la carrière de Zack Snyder a été exclusivement consacrée à la création du DCEU (DC Extended Universe) ce débuta comme une lune de miel quand il fut choisi par Christopher Nolan pour mettre en scène Man of Steel  pris une tournure beaucoup compliqué avec la réception contrastée de son  Batman v Superman qui subit un rejet critique et une déception par rapport aux attentes au box-office avant de prendre une tournure catastrophique avec le tournage de Justice League marqué par des tensions avec le studio Warner et un drame familial qui vont le contraindre à abandonner le projet . Les années qui vont suivre voient une campagne massive sur les réseaux sociaux mené par un collectif de fans afin qu’il puisse sortir sa version du film, campagne qu’il alimente de manière ambiguë même quand il apparait qu’une frange de ce fandom s’avère toxique. Néanmoins pour lancer sa plateforme HBO Max, Warner finance finalement la complétion de son montage du film , une version de quatre heure baptisée Zack Snyder’s Justice League qui ressemble à une pension compensatoire dans un divorce entre le studio et le cinéaste qui se quittent en mauvais terme. Mais déjà Netflix avait annoncé qu’il finançait le prochain projet de Snyder un film de zombies baptisé Army of the Dead   véritable retour aux sources  pour celui qui débuta par le remake du Dawn of the Dead de George Romero (ironiquement nommé l’Armée des morts en VF). Si nous étions ravis que Snyder retrouve enfin sa liberté et un genre comme le film d’horreur-action, nous craignions après certaines errances narratives sur ses films DC que Snyder ne devienne à son tour victime des travers qui frappent beaucoup des productions in house Netflix confiées à des réalisateurs prestigieux. Sans contrainte budgétaire et surtout sans  l’influence d’un producteur exigeant, certains de ces réalisateurs stars incapables de se discipliner comme ils le feraient pour une sortie en salles  versent dans l’autocomplaisance. Heureuse surprise contrairement à ses anciens camarades de Propaganda Films David Fincher avec Mank  et Michael Bay avec Six Underground  il n’est pas tombé dans ce travers et  a su trouver paradoxalement une structure narrative plus rigoureuse  pour laisser exploser son style.

 Army of the Dead dont il signe le scénario avec Shay Hatten (John Wick Parabellum) et Joby Harold (Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur) – de biens meilleurs équipier que le funeste Chris Terrio sur BvS et JL) montre, suite à un accident qui frappe un convoi secret de l’armée américaine, la ville de Las Vegas est submergée par une épidémie de zombies et coupée du monde . Alors que le président des USA a décidé de raser la ville avec une bombe nucléaire  Scott Ward (Dave Baustista) un ancien soldat ayant participé à l’évacuation de Vegas se voit confier par un mystérieux millionnaire Bly Tanaka (Hiroyuki Sanada) la mission d’assembler une équipe de spécialistes pour pénétrer la zone de quarantaine et y récupérer 200 millions de dollars qui dorment dans un de ses casinos avant que la ville ne soit rasée. Evidemment la mission déjà complexe sera encore plus difficile que prévue… En choisissant pour son film les structures (assez voisines) du  film de « men on a mission » et du « film de casse » Snyder se donne un cadre narratif familier et codifié dans lequel il peut laisser s’épanouir ses figures stylistiques sans le faire au détriment de l’intérêt du spectateur pour son intrigue et ses personnages. Le film commence dans ce qui semble être le présent, par l’accident du convoi militaire secret – dont le nom de code, The Four Horsemen, (les quatre cavaliers de l’apocalypse) n’est franchement pas de bonne augure  qui va déchaîner le  fléau mort-vivant sur les touristes et les habitants et introduit le « modèle » de zombie de son film, une variété encore plus véloce que ceux de son Dawn of the Dead . Snyder nous gratifie alors d’un générique d’anthologie qui comme pour Dawn of the Dead et surtout Watchmen constitue un véritable « film dans le film » qui décrit la chute de Las Vegas de l’attaque des premiers contaminés à la retraite des forces armées et de la police. C’est une véritable apocalypse en slow-motion (on est bien chez Zack Snyder) que nous décrit le réalisateur de 300  sur une reprise acoustique du Viva Las Vegas d’Elvis Presley avec une succession de saynètes tour à tour drôles ou cruelles, gores et spectaculaires  jusqu’à ce que l’histoire atteigne  le moment où l’Armageddon zombie  est devenu quelque chose avec lequel le monde, ou du moins l’Amérique, a appris à vivre à contrecœur. (Toute ressemblance avec des pandémies réelles, passées ou en cours, est purement fortuite.) Maintenant, Vegas est un terrain vague entouré de murs envahi par des goules  et ce qu’il faut faire de l’endroit et des  camps de réfugiés qui grouillent à côté – est devenu un sujet des débats réguliers des chaines d’informations continues. Snyder en quelques minutes pose donc les bases de son univers et donne assez d’adrénaline à son spectateur pour lui permettre de tenir durant les scènes d’exposition qui vont suivre. On retrouve le canevas familier du heist movie et du film de commando avec notre héros traumatisé poussé par l’espoir que l’argent pourra aider  à une réconciliation avec sa fille Kate (Ella Purnell), qui accepte un dernier job et le recrutement d’une équipe  d’experts hétéroclites : Maria Cruz (Ana de la Reguera), une mécanicienne vieille amie de Ward, Vanderohe (Omari Hardwick) expert dans le maniement de la scie circulaire anti-zombies , Marianne Peters (Tig Notaro qui a remplacé au pied levé le comédien accusé de viol Chris D’Elia retournant seule toutes ses scènes sur fond vert)  une pilote d’hélicoptère cynique, Mikey Guzman (Raúl Castillo) un influenceur tueur de zombies qui abat les monstres devant la caméra avant de rappeler à ses fans de liker et s’abonner et sa féroce partenaire Chambers (Samantha Win), Martin (Garret Dillahunt vu dans Fear the Walking Dead) responsable de la sécurité du casino et un brillant spécialiste des coffres forts allemand nommé Dieter (Matthias Schweighöfer) . Ils font appel aux services d’  une aventurière connue sous le nom de Coyote (Nora Arnezeder) dont la spécialité est de faire entrer dans la ville des réfugiés qui y cherche la fortune en pillant les casinos abandonnés. Bien sur  la mission qui s’avère plus compliquée que prévu et tourne mal, un infiltré dans l’équipe poursuit d’autres objectifs. Ces figures classiques sont toujours très efficaces mais nous permettent de nous familiariser avec des personnages archétypaux mais attachants.

À 52 ans, Dave Bautista comme Dwayne Johnson a su dépasser les  carcans qu’imposent  Hollywood aux acteurs au physiques massifs  venus  du catch  en imposant derrière un corps  de d’un super-héros une âme tourmentée,  débordant d’émotions. Il est sujet aux éruptions de colère et de frustration et  n’a pas peur de pleurer à l’écran. Un peu plus âgé que la moyenne des héros d’action hollywoodiens il porte le poids de ces années dans chaque ride de son visage et semble pouvoir aussi bien écraser ses adversaires  puis lutter contre la culpabilité et la honte de ce qu’il vient de faire  pour le reste de sa vie. Ce sont ses qualités dramatiques qui ont attiré des réalisateurs aussi prestigieux que Denis Villeneuve ou Sam Mendes et qui en font l’incarnation parfaite de ce héros Snyderien un père plein de remords qui tente de réparer sa  relation avec son enfants au milieu de l’apocalypse zombie. Lorsque Ward retient ses larmes en essayant de s’excuser auprès de sa fille pour tous les problèmes qu’il a causés, on sent que Snyder se livre à l’écran d’une manière  plus métaphorique que ce qu’on trouve généralement dans un  film de zombies. Il utilise Bautista à bon escient , lui laissant assez de temps  entre les fusillades et les poursuites pour échanger avec les autres personnages permettant de les développer en pleine action . Son talent d’acteur  lui permet d’être convaincant  aussi bien dans les  scènes dramatiques  qu’il partage avec  sa fille jouée par Ella Purnell (Miss Peregrine et les Enfants particuliers) ou Ana de la Reguera que dans  des scènes plus amusantes avec Dieter  l’excentrique  spécialiste des coffres joué par l’acteur / réalisateur allemand Matthias Schweighofer ou avec  Tig Notaro la pilote d’hélicoptère sarcastique . Nous avons également beaucoup apprécié  Vanderohe (Omari Hardwick) délicieusement bad-ass en tueur de zombie existentialiste.  Snyder comprend que l’aspect horrifique ne signifie rien si nous ne nous soucions pas des personnages  et  fait un travail solide pour leur apporter des dimensions émotionnelles  sans freiner l’action.

Ce schéma narratif permet à Snyder de rendre un hommage  appuyé au cinéma d’action des années 80 et à ses maitres, on pense  à Predator  et ses mercenaires confrontés à une menace surhumaine, Scott apparaissant comme un avatar plus tourmenté du Dutch Schaeffer qu’incarnait Arnold  Schwarzenegger, évidemment à Aliens  avec son commando confrontés à une horde affamée qui succombe un par un , le personnage de  la féroce Chambers (Samantha Win) évoque la Vasquez incarné par Jenette Goldstein dans le film de Cameron. Le représentant de Tanaka , Martin qui n’a évidemment pas à cœur les meilleurs intérêts de la mission, est un amalgame du Burke de Aliens et du Dillon de Predator. L’univers que  Snyder a construit est intéressant et comme George A. Romero avant lui il dépeint une évolution de la figure du zombie qui  fini par structurer une société dans les ruines de Las Vegas (comme dans le roman de Richard Matheson Je suis une Légende). Elle comprend deux classes de zombies distinctes : les zombies « classiques » lents – certains entrant en hibernation faute de chair humaine – et au dessus d’eux les alphas une variété quasiment surhumaine par sa force, son agilité et sa vitesse dirigés  par un « couple royal » depuis un hôtel ostensiblement appelé l’Olympe. Comme souvent chez Snyder, la mythologie n’est jamais très loin  (le coffre fort conçu par un dénommé  Wagner, s’appelle Götterdämmerung « le crépuscule des Dieux).On découvre les coutumes et la culture de cette société ainsi que la motivation de leur chef à mesure que Ward et ses hommes s’enfoncent en territoire hostile.  Et c’est là le dernier hommage assez inattendu de Snyder à une autre légende du fantastique John Carpenter et à un de ses films les plus décriés Ghosts of Mars puisque Snyder confie le rôle de Zeus le « roi des zombies » au comédien-cascadeur Richard Cetrone  qui incarnait Big Daddy Mars le chef des possédés martiens dans le film de Carpenter.

Des concepts sérieux sont abordés en filigrane   – la situation à Vegas crée une crise de réfugiés aux États-Unis, et le traitement des survivants qui ont été «mis en quarantaine» contient des parallèles troublants avec notre réalité post-covid – mais Snyder semble vouloir surtout s’amuser. Visuellement le film est un régal, pour la première fois Snyder signe la photographie  de son propre film (une affiche clin d’œil dans les ruines de Las Vegas fait la promotion du magicien Larry Fong son directeur de la photographie sur 300, Sucker punch et Bvs) et son cinéma retrouve enfin des couleurs après le traitement presque monochrome de l’image sur ses films DC. Même si les teintes ici sont un peu délavées comme par le soleil du Nevada. Son Las Vegas dystopique regorge d’images incroyables , comme une chef zombie dans une tenue de showgirl en lambeaux et un tigre mort-vivant anciennement de la célèbre ménagerie  de Siegfried et Roy, qui rôde sur le Strip à la recherche de viande fraîche. Car c’est une autre réussite à mettre à l’actif de  Army of the Dead parvient à être drôle (avec beaucoup d’autodérision avec une séquence qui verse dans l’autoparodie) sans que l’humour ne désamorce la tension  (ce qui n’est pas forcement évident au vu du sujet et de ses antécédents du réalisateur, si vous avez trouvé les gags autour de Flash amusant dans Justice League amusants levez la main). Un humour qui se manifeste par des choix musicaux audacieux comme celui de la chanson de fin si  littéral qu’il en devient génial. Personne d’autre que Zack Snyder ne l’aurait osé. Il  parvient ici  à un équilibre entre comédie, action, horreur, un mélange de  styles qu’il dose mieux que dans ses précédentes tentatives comme Sucker PunchArmy of the dead   doit figurer parmi les films de zombies les plus explosifs et les plus grandioses jamais réalisés, c’est aussi l’un des plus longs  mais le trope du « compte à rebours vers l’explosion » et le montage de Dody Dorn (Kingdom of Heaven, Memento, Fury) assurent au film un rythme et une tension toujours soutenue qui fait passer de manière fluide ses 148 minutes. 

Conclusion : Army of the Dead est une véritable opera pulp, extravagant et plein de panache, sans doute le meilleur film de son auteur depuis huit ans et cette fois-ci il n’y aura pas besoin de Snyder’s cut : Zack is back !

MA NOTE : B+

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