THE FABELMANS (2023)

Les Fabelmans suivent le jeune alter ego de Spielberg, Sammy Fabelman, alors qu’il se débat avec les tensions sociales et familiales des années 1950 et 1960. Malgré l’ombre imposante du divorce de ses parents sur son œuvre, Les Fabelmans ne se réduit pas à un simple récit sur la fracture familiale. C’est plutôt le portrait d’un artiste déjà accompli, celui du jeune Steven Spielberg. Fasciné par The Greatest Show on Earth de Cecil B. DeMille, en particulier la scène spectaculaire de l’accident de train, Sammy se lance dans la réalisation de ses propres films, passant du bricolage avec ses trains électriques aux plateaux de studio, sans jamais douter de son art malgré les tourments conjugaux de ses parents.

Le film saute rapidement d’une décennie et d’un État à l’autre, suivant l’adolescent déterminé Sammy (interprété par Gabriel LaBelle) qui mobilise amis et famille pour ses films avec la fermeté d’un général, ou du moins de l’homme qui recréera ultérieurement le chaos d’Omaha Beach dans Saving Private Ryan. Pourtant, bien que nous connaissions d’avance le succès de notre héros, Spielberg et son coscénariste Tony Kushner ne nous livrent que peu d’indices sur les véritables motivations de Sammy. Le travail de Kushner, collaborateur régulier de Spielberg ces dernières années (Munich, Lincoln, West Side Story), semble être un collage de pièces disparates : un drame conjugal dans l’Amérique des années 50, suivi d’un film nostalgique sur l’adolescence. Spielberg ne parvient pas à donner à l’ensemble une cohérence malgré la nature intime du sujet.

On peut lire entre les lignes que Sammy utilise la caméra comme échappatoire, peut-être pour éviter de faire face aux décombres du mariage de ses parents. Son père, Burt (Paul Dano), un génie de l’électronique, déracine constamment la famille avec ses talents, laissant la mère reléguée au rôle de femme au foyer dans des maisons préfabriquées, ses rêves de pianiste relégués en arrière-plan. La relation étrange avec « Oncle » Bennie (Seth Rogen), collaborateur de Burt et amant de Mitzi (Michelle Williams), ajoute une couche de complexité.

Cependant, malgré ce drame familial qui constitue le tissu des Fabelmans, Spielberg semble réticent à s’immerger pleinement dans cette trame. Sammy apparaît uniquement comme un prodige qui surmonte les obstacles sans jamais révéler profondément sa personnalité. Cette lacune devient particulièrement évidente lors de la période lycéenne du film en Californie. Sammy, victime d’intimidation antisémite et l’objet d’affection d’une fervente chrétienne, semble pourtant naviguer facilement, privant cette partie du film de tout enjeu émotionnel et la reléguant à un simple « teen-movie », certes mieux réalisé que la norme, mais dépourvu de véritable substance.

L’acteur canadien LaBelle fait un bon travail en incarnant les attributs de son propre réalisateur, mais le jeune interprète a si peu de nuances à jouer qu’il peut pas faire grand-chose si ce n’est d’espérer des pouces levés de son homologue du monde réel derrière sa caméra. Spielberg tente d’accorder plus d’attention dans le scénario (le premier qu’il co-signe depuis AI) pour le portrait de Burt et Mitzi, mais ne parvient pas à ne faire autre chose que des archétypes : Burt est intelligent et prudent, Mitzi frustrée et impétueuse. Paul Dano joue l’intériorité et lutte pour donner de la profondeur à un homme plat mais semble jouer sous Tranxène. Mais il s’en sort relativement bien par rapport à la pauvre Michelle Williams. Le personnage de Mitzi est la pierre angulaire du film et si la performance de Williams semble extrêmement sincère elle nécessite un minimum de discipline de la part de son réalisateur, ce que Spielberg apparemment, ne peut lui offrir. Il y a vraiment un sujet dans la manière dont Spielberg dirige ses actrices, déjà l’excellente Carrie Coon ridicule dans son petit rôle de Pentagon Papers agissait comme un signal d’alarme. Michele Williams est ici en surjeu permanent jusqu’à devenir embarrassante avant que son personnage disparaisse en quelque sorte du centre du film. Nos cheveux se dressent sur la tète à entendre parler d’un éventuel Oscar couronnant une des pires interprétations de son interprète. Je sauve néanmoins de façon l’interprétation de Seth Rogen étonnamment le plus fin , le seul qui fasse passer une émotion authentique. Judd Hirsch (en grand-oncle fantasque de Sammy) et David Lynch (en John Ford, que Sammy rencontre à la fin du film) sont excellents et apportent un peu de vie à ce livres d’images compassé, mais leur performances semblent appartenir à leurs propres films finalement tangents au récit principal.

Devant TheFabelmans on du mal à croire que c’est le même réalisateur qui filmait les enfants dans E.T, Rencontres du Troiséme Type ou Jaws. On se demande comment une histoire familiale si romanesque et si proche de lui a pu donner un film si convenu, une biographie compassée qu’on croirait sorti des années cinquante. Le contraste est d’autant plus violent que l’institutionnel The Fabelmans arrive après le solaire Licorice Pizza de Paul-Thomas Anderson et le désenchanté Armageddon Time de James Gray. The Fabelmans ne soutient la comparaison dans aucun domaine avec les deux autres autobiographies en particulier avec le film de James Gray. Là où Anne Hathaway excelle dans le rôle d’une mère complexe, Williams surjoue et Dano choisi l’asthénie pour ce père qui a du mal avec ses émotions là où Jeremy Strong apportait milles nuances. Alors que le film de Gray voit sa propre histoire familiale à travers une lentille introspective implacable et inconfortable, les Fabelmans est plus une célébration de Spielberg par lui-même qu’une réflexion sur le passé.

Conclusion : The Fabelmans est un film où la technique impeccable de son auteur ne peut masquer la vacuité d’un propos convenu qui au final ne nous apprend rien de lui (ses classiques parlent mieux du Spielberg intime et qui partage avec le tout aussi médiocre Pentagon Papers le désagréable gout du « film à Oscars ».

Ma Note : D

Un commentaire

  1. Tiens, une critique négative. Il en faut.
    Personnellement, je me range derrière l’avis général et considère que c’est ce que j’ai vu de plus beau au cinéma sur l’éveil d’un artiste depuis ce début d’année. J’ai même du mal à lui trouver des défauts tant j’ai été émotionnellement emporté.
    Ceci dit, je trouve également que « Pentagon papers » est un très bon film de Spielberg. On ne doit pas avoir les mêmes attentes en ce qui le concerne.

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