
The Fabelmans suit donc le jeune avatar de Spielberg, Sammy Fabelman, alors qu’il lutte contre les tensions sociétales et familiales dans les années 1950 et 1960.Pourtant malgré l’ombre immense que fait peser le divorce de ses parents sur son œuvre Les Fabelmans, n’est pas vraiment un film sur la fracture de la cellule familiale mais le portrait de l’artiste en jeune homme nommé Steven Spielberg déjà accompli. Après avoir été fasciné par The Greatest Show on Earth de Cecil B. DeMille, en particulier la spectaculaire scène de l’accident de train , Sammy commence à mettre en scène ses propres films, passant du bricolage avec ses trains électriques aux plateaux des studios sans rencontrer entre temps le moindre doute sur son art ou de véritables difficultés en dépit des troubles maritaux de ses parents. Sautant rapidement d’une décennie et d’un état (du New Jersey à l’Arizona) à l’autre , le film suit l’adolescent Sammy (Gabriel LaBelle) alors qu’il enrôle ses amis et a famille pour ses films avec la détermination d’un général, ou du moins déjà de l’homme qui continuera à recréez le carnage d’Omaha Beach dans Saving Private Ryan. Pourtant, mis à part le fait accompli puisque que nous savons à quel point notre héros réussira, Spielberg et son coscénariste Tony Kushner nous donnent peu d’indices sur ce qui motive vraiment Sammy. Le travail du dramaturge collaborateur régulier de Spielberg ces dernières années (Munich , Lincoln ,West Side Story) ressemble à un collage de pièces disparates : un drame conjugal dans l’Amérique des années 50 puis un teen movie nostalgique sans que Spielberg ne donne à l’ensemble une cohérence malgré la nature intime du sujet.
On est censé comprendre que peut-être que Sammy se réfugie derrière la caméra pour éviter de se confronter au mariage en ruine de ses parents. Son père Burt (Paul Dano) est un as de l’électronique dont le génie ne cesse de déraciner le clan. Sa mère est reléguée à jouer les femmes au foyer dans une série de maisons préfabriquées, ses rêves de pianiste de concert étant continuellement relégués au second plan. Et puis il y a la curieuse relation du couple avec « Oncle » Bennie (Seth Rogen), qui travaille aux côtés de son ami Burt tout en développant une relation avec Mitzi (Michelle Williams). Pourtant, si ce drame domestique est le tissu conjonctif des Fabelmans, Spielberg semble réticent à s’integrer dans cette histoire Sammy n’existe qu’en tant que prodige, il persévère et triomphe, son parcours étant présenté comme inévitable, enjambe les obstacles sans que jamais le fond de sa personnalité ne soit révélé. Cette carence devient évidente dans la partie lycéenne du film qui chronique les ennuis de Sammy en Californie, où il est victime d’un bully antisémite et l’ objet d’affection d’une fille fervente chrétienne mais tout semble finalement facile pour lui, il n’est ni vraiment impopulaire ni jamais en difficulté privant cette partie de tout enjeu émotionnel la reléguant à un « teen-movie » mieux filmé qu’à l’habitude.

L’acteur canadien LaBelle fait un bon travail en incarnant les attributs de son propre réalisateur, mais le jeune interprète a si peu de nuances à jouer qu’il peut pas faire grand-chose si ce n’est d’espérer des pouces levés de son homologue du monde réel derrière sa caméra. Spielberg tente d’accorder plus d’attention dans le scénario (le premier qu’il co-signe depuis AI) pour le portrait de Burt et Mitzi, mais ne parvient pas à ne faire autre chose que des archétypes : Burt est intelligent et prudent, Mitzi frustrée et impétueuse. Paul Dano joue l’intériorité et lutte pour donner de la profondeur à un homme plat mais semble jouer sous Tranxène. Mais il s’en sort relativement bien par rapport à la pauvre Michelle Williams. Le personnage de Mitzi est la pierre angulaire du film et si la performance de Williams semble extrêmement sincère elle nécessite un minimum de discipline de la part de son réalisateur, ce que Spielberg apparemment, ne peut lui offrir. Il y a vraiment un sujet dans la manière dont Spielberg dirige ses actrices, déjà l’excellente Carrie Coon ridicule dans son petit rôle de Pentagon Papers agissait comme un signal d’alarme. Michele Williams est ici en surjeu permanent jusqu’à devenir embarrassante avant que son personnage disparaisse en quelque sorte du centre du film. Nos cheveux se dressent sur la tète à entendre parler d’un éventuel Oscar couronnant une des pires interprétations de son interprète. Je sauve néanmoins de façon l’interprétation de Seth Rogen étonnamment le plus fin , le seul qui fasse passer une émotion authentique. Judd Hirsch (en grand-oncle fantasque de Sammy) et David Lynch (en John Ford, que Sammy rencontre à la fin du film) sont excellents et apportent un peu de vie à ce livres d’images compassé, mais leur performances semblent appartenir à leurs propres films finalement tangents au récit principal.

Devant TheFabelmans on du mal à croire que c’est le même réalisateur qui filmait les enfants dans E.T, Rencontres du Troiséme Type ou Jaws. On se demande comment une histoire familiale si romanesque et si proche de lui a pu donner un film si convenu, une biographie compassée qu’on croirait sorti des années cinquante. Le contraste est d’autant plus violent que l’institutionnel The Fabelmans arrive après le solaire Licorice Pizza de Paul-Thomas Anderson et le désenchanté Armageddon Time de James Gray. The Fabelmans ne soutient la comparaison dans aucun domaine avec les deux autres autobiographies en particulier avec le film de James Gray. Là où Anne Hathaway excelle dans le rôle d’une mère complexe, Williams surjoue et Dano choisi l’asthénie pour ce père qui a du mal avec ses émotions là où Jeremy Strong apportait milles nuances. Alors que le film de Gray voit sa propre histoire familiale à travers une lentille introspective implacable et inconfortable, les Fabelmans est plus une célébration de Spielberg par lui-même qu’une réflexion sur le passé.
Tiens, une critique négative. Il en faut.
Personnellement, je me range derrière l’avis général et considère que c’est ce que j’ai vu de plus beau au cinéma sur l’éveil d’un artiste depuis ce début d’année. J’ai même du mal à lui trouver des défauts tant j’ai été émotionnellement emporté.
Ceci dit, je trouve également que « Pentagon papers » est un très bon film de Spielberg. On ne doit pas avoir les mêmes attentes en ce qui le concerne.