
En 2022 la franchise Scream a fait sa réentrée dans la pop-sphére, un des joyaux de la couronne du producteur déchu Harvey Weinstein dont les droits avaient été rachetés par la société Spyglass (Sixiéme Sens, Star trek) qui confie la réalisation d’un nouvel opus simplement baptisé Scream au duo Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (Wedding Nightmare, V/H/S) les deux tiers du collectif d’horreur connu sous le nom de Radio Silence (le troisième membre Chad Villella étant producteur sur leurs projets) endossant, tels les copycats de Ghostface, le costume de feu Wes Craven sur un scénario co-signé par leur collaborateur de Wedding Nightmare Guy Busick et par James Vanderbildt (Zodiac, The Amazing Spider-Man). Ce reboot sous forme de Legacyquel ( terme qui qualifie la suite d’un classique qui se déroule dans le même univers avec les mêmes acteurs tout en utilisant le temps écoulé pour présenter la franchise à une nouvelle génération) sur le modèle de Tron : Legacy ou de Star Wars Le Reveil de la Force était un bon slasher moderne exécuté avec habileté s’efforçant de maintenir la veine méta de l’original. Fort d’un solide succès (140 millions pour un budget de 24) la même équipe se reconstitue pour sa suite.

Les Scream sont connus pour être à la fois des slashers au premier degré mais aussi des commentaires sur le cinéma de genre dont il s’amuse et emploie tout à la fois les codes. L’équipe créative doit ici appliquer la loi des suites (plus spectaculaires , plus intenses, plus riches, plus surprenantes) à leur propre film tout en l’inscrivant plus largement dans la double histoire de la franchise Scream mais aussi de Stab la franchise fictive à l’intérieur de la franchise. De ce point de vue l’ultra-efficace Scream 6 est une authentique réussite qui rempli le contrat implicite avec le spectateur : prolonger et améliorer son prédécesseur. A l’origine commentaire amusé sur un genre la saga Scream est devenu à son tour une franchise très codifiée avec ses figures imposées dont Radio Silence, Busick et Vanderbilt s’acquittent brillamment tentant d’y ajouter dés que possible un niveau de surprise supplémentaire comme lors de la traditionnelle scène d’ouverture où Samara Weaving (vedette de Wedding Nightmare des mêmes réalisateurs) rempli la fonction de guest- victim inaugurale comme Drew Barrymore dans l’original. Grande nouveauté , au centre de la promotion de ce Scream 6, la délocalisation de l’action d’une petite ville du Michigan vers New York. Si elle ne change pas fondamentalement les paramètres de la franchise l’équipe créative sait exploiter cet environnement urbain pour bâtir des séquences de terreur ultra-efficaces au cœur de la mégapole : Une confrontation avec Ghostface dans un petit appartement sur cour, une autre dans un luxueux penthouse, une poursuite en pleine rue qui aboutit dans une superette où le tueur troque l’arme blanche pour un fusil à pompes et une séquence de tension parfaitement exécutée dans une rame bondée du métro new-yorkais en plein Halloween.

Le casting est toujours important dans ce type de films, les personnages survivants du précédent et leurs interprètes s’avèrent aussi attachants que le casting original. L’actrice mexicaine Melissa Barrera (D’où l’on vient) incarne Sam Carpenter, la fille illégitime de Billy Loomis, l’un des tueurs de l’original (qui fait à nouveau ici une apparition spectrale comme dans le précédent) , Mason Gooding et Jasmin Savoy Brown les jumeaux Chad et Mindy et Jenna Ortega la vedette de la série Mercredi sur Netflix (dont le succès ne nuira sans doute pas à la promotion de Scream 6 même si elle aurait été un des personnages centraux du film quoi qu’il arrive) dans le rôle Tara la demi-sœur de Sam. Ils sont entourés de nouveaux venus qui constituent une belle sélection de suspects ou victimes potentielles. Parmi eux des tètes connues comme Henry Czerny, pilier des thrillers des années 90 (Danger Immédiat, Mission Impossible et bientôt Mission Impossible Dead Reckoning) dans le rôle du psy de Sam, Jack Champion (le Spyder d’Avatar la Voie de l’Eau) Devyn Nekoda et Liana Liberato colocataires de nos héros, Josh Segarra (Orange is the new black, Arrow) en ténébreux voisin d’en face. Tony Revolori (Grand Budapest Hôtel) en étudiant en cinéma et Dermot Mulroney pilier des séries télévisées et grands seconds rôle du cinéma US en détective New-yorkais enquêtant sur les crimes de Ghostface complètent la distribution. Dernier lien avec le Scream original (après l’éviction de Neve Campbell pour une dispute salariale) Courteney Cox se voit gratifier d’une confrontation d’anthologie (et pour la première fois dans la saga un échange téléphonique) avec le Ghostface millésime 2023 dans un penthouse de Manhattan. Le départ de Campbell est néanmoins compensé par le retour d’une autre vétéran de la saga Hayden Panettiere qui reprend son rôle de Kirby Reed, survivant des meurtres du Ghostface de 2011. Son retour rocambolesque et sa nouvelle fonction participe à l’aspect soap de la franchise.

Scream 6 s’inscrit tout à fait à dans les codes visuels instaurés par Wes Craven, le relais d’une génération de cinéastes d’horreur à une autre se fait de manière transparente mais Bettinelli-Olpin et Gillet ne perdent jamais leur vision dans leur hommage. Ils dirigent chaque séquences de meurtre avec une efficacité viscérale avec un mélange de tension et de violence brutale, le duo prenant soin d’y ajouter, comme le faisait Wes Craven, un soupçon de cruauté malsaine. Les morts de Scream 6 sont sans doute les plus gore et les plus frontales de la franchise. Ils soignent la figure de leur vedette un Ghostface toujours aussi véloce, maladroit et sadique qu’ils iconisent dans des compositions élégantes et inquiétantes. Le scénario malin intègre des références à l’ensemble des films de la saga et actualise les références culturelles d’une saga née à la fin de l’ère des VHS, l’humour référencé du film fonctionne sur plusieurs niveaux comme ce clin d’œil au trope de « la fille dans le réfrigérateur » (Wikipédia est votre ami pour en apprendre plus sur ce cliché relevé dans les années 2000 par l’autrice de comics Gail Simone). Autre optimisation par rapport au précédent le « discours sur l’état du genre » tenu dans dans les films de Wes Craven par le personnage de fan incarné par Jamie Kennedy et désormais par le personnage de Jasmin Savoy Brown (Leftovers, Yellowjackets). Le dialogue de Scream (5) sur la mode des reboots semblait assez maladroit, celui de Scream 6 sur les franchises et la gestion des IP dans le genre moderne est astucieux et réussi. Le final spectaculaire avec la révélation de l’identité et du mobile de la dernière itération de Ghostface s’inscrit la lignée de la franchise gardant cet aspect « Scooby-Doo hardcore » très plaisant. Si celle du précédent était un hommage direct à l’original celui de ce nouvel opus rappelle ces suites mais toujours avec cette escalade nécessaire dans une bonne suite.
Conclusion : Il en va des Scream comme des Columbo ou des Scooby-doo : on en connaît les mécanismes par cœur mais pour peu que ces figures de style soient bien exécutées on passe un bon moment. Et on en passe un excellent avec SCREAM 6 plus violent , plus intense et surprenant que son prédécesseur. Un parfait exemple de film de franchise réussi.
Ma Note : B+