THE MARVELS (2023)

The Marvels s’annonçait comme l’un des chapitres les plus risqués de l’Univers Cinématographique Marvel (MCU). Réalisé par Nia DaCosta (déjà remarquée pour Little Woods et Candyman), il réunit trois héroïnes : Brie Larson (Captain Marvel), Teyonah Parris (WandaVision) et Iman Vellani (Ms. Marvel). Le film repose sur une promesse de renouvellement : une équipe féminine, une réalisatrice jeune et issue de la diversité, et l’idée de croiser plusieurs univers déjà introduits dans le MCU. Son développement fut mouvementé : d’abord conçu comme une suite directe de Captain Marvel, le projet s’est élargi pour inclure Monica Rambeau et Ms. Marvel, ce qui a densifié la trame. Le tournage, lancé en Angleterre, a été ralenti par la pandémie, tandis que son budget très élevé augmentait la pression sur ses résultats. Le film puise dans plusieurs traditions : celle des “team-up” propres aux comics Marvel, des comédies d’action des années 80 et 90, et des œuvres de science-fiction qui mélangeaient humour et aventure et celle d’un cinéma plus inclusif. Nia DaCosta a expliqué vouloir assumer une tonalité un peu folle et singulière, en mettant au centre la dynamique des héroïnes plutôt que leur simple addition. Plus largement, le film s’inscrit dans une volonté de donner davantage de place aux personnages féminins et issus de la diversité dans le genre super-héroïque, sans forcément recourir à un discours militant explicite.

La mise en scène propose des idées inventives, notamment autour des pouvoirs entremêlés de Carol Danvers, Monica Rambeau et Kamala Khan : les héroïnes se “téléportent” littéralement les unes à la place des autres lorsqu’elles utilisent leurs capacités. Ce choix engendre des scènes d’action originales et spectaculaires, tout en nourrissant la dynamique de groupe. DaCosta alterne entre moments cosmiques, presque grandioses, et instants plus intimes, comme ceux qui rappellent l’univers familial de Kamala ou les dilemmes intérieurs de Carol. Toutefois, l’équilibre n’est pas toujours maîtrisé. Le film oscille entre gravité et comédie légère, parfois jusqu’au burlesque, ce qui brouille son ton. Certaines transitions paraissent abruptes, et l’ensemble souffre d’une impression de patchwork, comme si des morceaux hétérogènes avaient été assemblés sans toujours parvenir à unifier le récit. Plusieurs spectateurs ont eu l’impression que le film s’était joué au montage, avec des arcs narratifs interrompus trop vite et des développements sous-explorés, notamment concernant l’antagoniste.

Dans la carrière de Nia DaCosta, The Marvels représente un bond considérable : après un drame indépendant et un film d’horreur, elle se retrouve à la tête d’un blockbuster colossal, avec tout ce que cela implique de contraintes et de visibilité. Pour Brie Larson, il s’agit de confirmer son rôle central dans le MCU ; pour Iman Vellani, d’asseoir son statut de nouvelle venue prometteuse ; et pour Teyonah Parris, de prolonger son personnage déjà amorcé dans WandaVision. Le scénario, confié notamment à Megan McDonnell, oscille entre comédie, drame et action spatiale, ce qui explique en partie son ton hybride. Sur le plan esthétique, le film déploie une richesse visuelle indéniable. Les décors cosmiques, les planètes lointaines, les vaisseaux spatiaux et les costumes témoignent d’un grand soin de production. Le contraste entre les couleurs vives associées à Kamala Khan et l’allure plus sobre de Carol Danvers illustre cette diversité d’approches. Certains effets visuels sont magnifiques, mais d’autres paraissent excessivement numériques ou trop lisses, ce qui nuit parfois à l’immersion. Le trio principal constitue l’atout majeur du film. Brie Larson incarne Carol Danvers avec plus de relâchement et de naturel que dans le premier film. Teyonah Parris apporte nuance et profondeur à Monica Rambeau, partagée entre héritage et responsabilités. Iman Vellani, quant à elle, se distingue par son enthousiasme communicatif et son énergie juvénile, offrant un contrepoint rafraîchissant aux deux autres héroïnes. Leur alchimie fonctionne et permet de soutenir le film, même lorsque le scénario se fragilise. À l’inverse, le personnage de Dar-Benn, interprété par Zawe Ashton, manque d’épaisseur dramatique : ses motivations demeurent trop esquissées pour en faire une antagoniste mémorable.

Un autre visage familier du MCU vient renforcer la distribution : Samuel L. Jackson (Pulp Fiction, Glass), toujours fidèle à son rôle de Nick Fury. Si son implication dans The Marvels est moins centrale que dans certains volets précédents, il apporte néanmoins sa verve coutumière et cette ironie pince-sans-rire qui font de lui un repère stable au sein d’un univers en perpétuel mouvement. Ses scènes fonctionnent surtout comme un liant : il fluidifie la dynamique entre les héroïnes, tout en donnant un peu de gravité à un récit parfois trop léger. Jackson sait parfaitement doser son jeu : assez présent pour rappeler la stature du personnage, mais jamais envahissant, il agit comme un chef d’orchestre discret qui canalise l’énergie parfois dispersée du trio féminin. Sa complicité avec Iman Vellani crée même certains des moments les plus chaleureux du film, apportant une touche humaine bienvenue au cœur de ce spectacle cosmique.

Le montage se révèle inégal. Certaines scènes d’action bénéficient d’un rythme vif et inventif, exploitant pleinement le concept d’échanges de pouvoirs. D’autres séquences, en revanche, s’étirent ou se concluent trop rapidement, donnant parfois l’impression d’une narration hachée. Le découpage peine à imposer une progression narrative claire en trois actes, ce qui affaiblit la montée dramatique. La bande-son, sans être marquante, accompagne efficacement l’action et les ambiances spatiales. Elle soutient les contrastes entre séquences épiques et moments plus intimes. Si elle ne propose pas de morceau inoubliable, elle participe néanmoins à la cohérence de l’expérience sensorielle.

Si dans le paysage du MCU et du cinéma de super-héros, The Marvels se démarque par son trio féminin et sa volonté d’innover dans la dynamique de groupe. Il illustre aussi les limites du modèle actuel : surabondance d’effets, exigences d’interconnexion avec les autres productions Marvel, compromis liés aux attentes commerciales. Le film cherche à conjuguer aventure cosmique, humour, drame personnel et intrigue politique, mais ce foisonnement produit parfois une impression de déséquilibre. Sur le plan commercial, The Marvels a connu un échec cuisant, devenant l’un des films les moins performants du MCU au box-office. Ce revers ne doit pas occulter ses qualités : la fraîcheur de ses héroïnes, son esthétique parfois audacieuse, et ses tentatives de renouvellement dans un univers qui peine à se réinventer.

Conclusion : The Marvels reste un film contrasté. Il ne s’impose pas comme un sommet du MCU, mais il témoigne d’une ambition réelle, portée par des interprètes investies et une réalisatrice qui cherche à inscrire sa patte dans une machine très contraignante. Si ses défauts sont notables — méchant sous-exploité, rythme irrégulier, ton hésitant — ses réussites demeurent appréciables : un trio attachant, des scènes spectaculaires inventives et une volonté d’élargir l’horizon du genre

Ma Note : B-

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