Le Loup de Wall Street film fleuve dominé par l’interprétation mastodonte de Leonardo DiCaprio dépeint en un peu moins de trois heures l’ascension et la chute d’un trader vedette Jordan Belfort (dont le film adapte les mémoires) dans le Wall Street des années 90.
« Les Affranchis à Wall Street » c’est ainsi qu’on pourrait résumer ce « Loup de Wall Street » cinquième collaboration en date du duo Scorsese / DiCaprio ce traitement si particulier donne toute sa force au film et diront certains sa seule faiblesse.
Comme les Affranchis le film est adapté des vraies mémoires de son protagoniste qui nous narre en voix off , souvent en s’adressant directement aux spectateurs, son ascension vertigineuse et sa chute nous faisant découvrir les arcanes d’un monde très fermé , celui du Wall Street des années 90 comme il avait suivi l’histoire de la Mafia sur trois décennies. Cette construction rythmée de dizaines d’extraits musicaux (du « Roi Arthur » de Purcell à « Ça plane pour moi » de Plastic Bertrand) rappelle vraiment son chef d’oeuvre des années 90. Les relations conjugales du personnage de DiCaprio avec Naomi (Margot Robbie) sa seconde épouse une « femme trophée » rappellent tout autant « Casino » que « Raging Bull ».

On est la en terrain connu mais il est vrai que le projet lui a été apporté clé en main par son vedette , producteur du film, qui ne voyait que lui pour donner vie à cette histoire. D’ailleurs la fameuse narration en voix-off était présente avant son implication, le scénariste Terrence Winter (Boardwalk Empire la série télé produite par …Martin Scorsese) lui ayant même proposé de la retirer pour éviter le parallèle avec GoodFellas.
Si Martin Scorsese n’a pas réinventé la roue pour l’occasion on peut affirmer qu’il est bien le meilleur metteur en scène à pouvoir la faire tourner d’une façon si brillante!
On a du mal à croire qu’il s’agit d’un film tourné par un homme de 71 ans, sa mise en scène vertigineuse nous entraîne trois heures durant dans un tourbillon de débauches et de rires, le film remplace la violence de sa sage mafieuse par des scènes d’orgies et de débauche « Caligulesques ». On est bluffé par les prouesses de montage de Thelma Schoonmaker sa collaboratrice depuis Raging Bull car si le film multiplie les audaces formelles et les séquences frénétiques il est d’une étonnante fluidité. Rejoignant son équipe technique pour la première fois le directeur de la photo Rodrigo Prieto étoile montante de l’école mexicaine des directeurs photo (21 Grams, Brokeback Mountain, Argo) donne au film un rendu de papier glacé s’assombrissant lors de la chute du trader.

Tel un entomologiste Scorsese observe ses protagonistes dans leur milieu prenant soin de ne jamais laisser entrevoir le monde extérieur. Au risque comme Brian DePalma avec Scarface d’être accusé de les glorifier. Il est pourtant faussement neutre car l’accumulation des débauches de Jordan Belfort durant plus de deux heures d’abord séduisante fini par montrer un vide existentiel qui finira par le dévorer, le rire se fait alors grinçant .C’est à ce moment la que le « monde réél » fait irruption par l’intermédiaire de l’agent du FBI Patrick Denham (Kyle Cooper). Leur confrontation sur le yacht de Belfort est un grand moment : la collision de deux mondes irréconciliables. C’est d’ailleurs à travers les yeux de l’agent Denham qu’on apercevra dans une courte séquence muette le temps d’un trajet en métro les visages des victimes anonymes du Loup de Wall Street et de ses congénères .
Au milieu des délires Scorsese laisse s’installer des moments d’authenticité émotionnelle comme cette dernière conversation entre Belfort et sa première épouse devant la Trump Tower. Il parsème le film de détails inattendus , de moments décalés, comme cette véritable scène de « slapstick » qui voit Leonardo Di Caprio se débattre avec les redoutables effets des « Lemmon 714 ».
Mais Le Loup de Wall Street ne repose pas entièrement sur les épaules de Scorsese , Leonardo DiCaprio livre une prestation d’anthologie présent quasiment dans toutes les scènes passant du jeune courtier naïf et ambitieux au gourou de la finance délivrant d’immenses monologues qui ponctuent le film.
Un beau bordel jouissif, tu as raison. Il n’a pas inventé la roue mais la fait tourner comme il faut, bien. Je reprends l’ensemble de tes points dans ma critique http://bitly.com/1cjSYJ6 qui rejoins ta dithyrambe : un scorsese en forme pour un retour qui fait du bien !